Rions ! et Pensons ! L’engagement 2.0 – Analyse

 


Une analyse d’Alexia THOMAS, chargée de projets d’Education citoyenne Eclosio et socio-anthropologue en citoyenneté durable. 

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Comment éveiller les consciences face à l’urgence climatique sans ajouter aux inquiétudes quotidiennes? Comment arriver à faire naitre une réflexion sur les enjeux actuels au plus grand nombre ? A ceux qui ne lisent plus les journaux, ne regardent plus les nouvelles, sont sur Spotify et n’écoutent plus la radio ? Comment dans ce monde où le nombre de personnes dépressives et anxieuses augmente de jour en jour1, garder le sourire ?

« Dans cette époque sinistre, la tâche qui nous [les humoristes] incombe de faire rire s’apparente plus à de la médecine d’urgence que du divertissement. » disait Blanche Gardin (humouriste) lors de son discours lors de la 31ième nuit des Molières en 2019.

Dans un article précédent, sur la question de l’anxiété climatique et le besoin d’une dose « saine » d’angoisse, nous nous étions demandé·es comment dédramatiser ce sentiment de culpabilité personnel lié aux diverses crises sociétales et plus précisément à la crise climatique. En effet, lors d’un échange fait en Tunisie en juillet 2023, sont ressorties beaucoup de réflexions autour de l’éco-anxiété et de l’incohérence de chacun·e quant à ses actions versus ses valeurs d’écologie et d’éthique pour un monde meilleur. Face aux préoccupations grandissantes quant à l’avenir, nous avions exploré différentes manières de voir les choses afin de décomplexer l’action climatique individuelle, et de respirer. Ces réflexions ont été le fruit d’un premier article2 et celui-ci prolonge le questionnement afin de réfléchir à la place de l’humour comme étant une solution potentielle à une diminution de la culpabilité individuelle et à l’éco-anxiété mais aussi afin de réfléchir à l’humour comme étant un moyen d’éveil, un lieu de conscientisation, d’apprentissage, de déclics et finalement : d’engagement.

Pour rappel, les moyens de trouver une dose « saine » d’anxiété et de dédramatiser l’angoisse grandissante chez les jeunes face à l’inaction climatique était qu’il est utile de se rappeler qu’il y a des notions d’échelle et d’ordre de grandeur à prendre en compte en termes d’empreinte carbone. Par exemple : prendre l’avion a un impact bien plus important que de manger de la viande plusieurs fois par semaine. Ainsi en calculant un peu ce qui est le plus polluant versus le moins, on peut se décomplexer de la tranche de saucisson mangée chez mamy à l’apéro du dimanche soir3.

D’autre part, on peut se délester d’une partie de notre culpabilité en regardant la part de responsabilité des politiques et des entreprises qui peuvent à eux seuls faire basculer les modalités de consommation et de vie des individus. « C’est important de ne pas s’hyper-responsabiliser, de n’endosser de responsabilités que ce sur quoi l’on peut agir. Il faut mettre de côté cette hubris d’impuissance pour se remobiliser ici et maintenant, à sa juste place, à son juste niveau. » 4 Il est important que la culpabilité ne soit pas principalement remise sur les épaules des individus, et ce, malgré ce que voudraient parfois faire croire les acteurs précités, premiers promoteurs de l’individualisation de la responsabilité d’action climatique.

Cet article quant à lui pose diverses questions : est-ce que les différents formats de l’humour promeuvent une dose « saine » d’anxiété nécessaire à l’action climatique de tous·tes (pas uniquement les individus) ? L’humour est-il inclusif et permet-il une réflexion de fond sur des enjeux sociétaux ? Quelles sont les limites à l’humour et quels sont les formats que prennent le « rire engagé » ? Dans cet article nous allons proposer une autre manière de se défaire du sentiment d’être coincé·es dans le piège du réchauffement climatique, héritage de l’activité humaine au nom du progrès de l’industrialisation, du capitalisme et perpétué encore et encore par un système de croissance continue dans un monde aux ressources finies … alors pourquoi ne pas en rire ? Le rire comme dernier rempart aux larmes ? Les jeux de mots fusent : « des larmes au rire, du rire aux armes », « trouble de l’humour », …on n’est pas seul·es à penser l’humour comme potentiel levier d’action ou en tout cas de réflexions engagées pour un monde meilleur. Pour nous aider à répondre aux questionnements posés, nous avons demandé à des jeunes étudiant·es leurs avis sur l’humour au moyen d’un micro-trottoir réalisé sur le campus de Liège le 7 septembre 2023.

L’humour, lieu d’apprentissage en légèreté

« Rire pour ne pas pleurer ! Le rire contre l’inaction climatique : c’est ce que proposent les internautes sur divers réseaux sociaux ces derniers temps. Face aux messages alarmistes sur l’environnement qui nous enferment dans une spirale de culpabilité, d’angoisse et de lassitude, le rire est devenu une nouvelle manière de s’informer sur notre planète. » Voilà un extrait d’un article de la RTBF5 (14 décembre 2022) qui note l’importance grandissante que prend le rire dans le discours autour des enjeux de société et plus spécifiquement autour des défis climatiques. L’humour que ce soit une bd, au théâtre, au cinéma, à la TV, sur les scènes de stand-up, sur YouTube, Instagram ou TikTok touche un public varié de jeunes et de moins jeunes issu·es de tous les milieux sociaux (les goûts varient mais tout le monde aime rire). On note dans ce passage également le lien qui est fait entre l’humour et les réseaux sociaux à l’heure actuelle. Nous avons interrogé des étudiant·es sur le campus de l’université de Liège en micro-trottoir : « Pour moi l’humour peut être un moyen d’engagement politique parce que sur les réseaux sociaux, il y a beaucoup de gens qui font de l’humour et qui ont beaucoup plus de visibilité puisqu’ils sont plus suivis et ça permet de faire passer différents messages à travers un support qui est à la base plus ludique et plus amusant à regarder qu’un simple discours pas très passionnant où tout le monde s’ennuie. »  Un autre jeune : « Je pense que l’humour c’est quelque chose qui nous touche en tant que jeune que ça pourrait faire passer des messages ou des leçons de vie et cetera. Par exemple, Jamel Debouze, il nous fait toujours passer des leçons bien avec ses sketchs. »

Effectivement de plus en plus d’humoristes se tournent vers les médias sociaux afin de se faire connaitre, remplir des salles, faire des vues et partager du contenu. « S’il [le stand-up] reflète bien notre époque, c’est parce que l’humour est un élément fondamental pour les millennials [la génération Y, soit les personnes nées entre 1980 et 2000]. Une étude de la chaîne Comedy Central montre que, plus que la musique, plus que le sport ou le style, l’humour est le premier moyen d’expression de soi, et c’est quelque chose de nouveau. On partage des liens de vidéos humoristiques car elles dévoilent qui on est. D’ailleurs, c’est intéressant de voir que l’humour s’adapte à ses moyens de diffusion. Cette étude, rapportée dans le New York Times, révèle aussi que l’humour absurde avait pris le dessus sur l’ironie, davantage associée à la génération précédente. »6 L’humour, qui existe depuis bien longtemps (si pas toujours, nous avons des preuves via les pièces de Diogène en Grèce antique, les fous du roi au Moyen-Age, …), présent sur les scènes de théâtres, à la radio, au cinéma, à la TV, s’est adaptés aux moyens contemporains. Ces moyens actuels lui servent de tremplins par leurs pouvoirs de diffusion et lui donne le vent en poupe surtout chez les jeunes qui sont sur les réseaux sociaux. Cela en fait également réceptacles de bons nombres de ce genre de messages. Messages qui peuvent être purement absurdes et ayant comme but unique de faire rire, ou alors encore qui, sous couvert d’une blague, font quand même passer une position, une opinion, une critique. Mais l’humour n’est pas réservé qu’aux jeunes « L’humour est une chose qui transcende la plupart des barrières. Il s’agit d’une unité commune, d’un concept compris par tous. (…) Y a-t-il des gens qui n’aiment pas rire ? » 7 L’humour rapproche et fait fit des différences d’âges, d’origines sociales, …

L’humour ça peut aussi amener un éclairage sur des sujets lourds avec fraicheur et légèreté.

Rire du patriarcat, du capitalisme, des inégalités, …  revient à les dénoncer et à vouloir faire bouger les mœurs. L’humour c’est « un ton qui permet de lutter contre l’éco-anxiété, mais aussi de participer à l’éveil des consciences. »8 « On est loin de faire juste une blague en faisant l’humour. On fait bien plus que ça quand on rit de Gilbert Rozon 9, par exemple. On fait bien plus que générer des rires quand on fait une blague sur les différences entre les hommes et les femmes » analyse Julie Dufort, professeure du cours Humour et société à l’École nationale de l’humour.10 On va donc au-delà des normes et on déconstruit. « Ainsi, Shifman et Lemish11 notent l’utilisation de l’humour dans un cadre postféministe qui s’oppose aux « inégalités genrées et à la stéréotypisation hégémonique » comme une expression de l’agentivité des femmes et de leur droit de critiquer les structures sociales. » 12 Et ça agirait sur le réel : « Les discours féministes sur la plateforme [Youtube] pourraient donc permettre de remettre en question les stéréotypes et les rôles traditionnels hiérarchisés attribués aux genres masculins et féminins, et ils pourraient avoir un impact sur les réalités et opportunités des femmes sur la plateforme et dans le monde réel. » 13

Des humouristes qui déconstruisent avec humour (par exemple le féminisme) ça fonctionne vraiment ? Exemple avec une blague qui fait rire et réfléchir avec un extrait d’un réel de Swann Périssé (humoriste engagée) : « L’autre jour j’étais dans le métro avec mon énorme sac à dos de voyage et mes rollers qui dépassaient. Je me suis rendue compte que je bousculais tout le monde. Je me suis dit « Tiens, je me rends pas compte de la place que je prends dans l’espace public ! » Et pendant un instant je me suis sentie comme un homme blanc non déconstruit ! Haha !

C’est donc ça que ça fait de ne pas prendre en compte les besoins des autres ? De faire comme si nous étions tous sur un pied d’égalité ? « C’est pas de ma faute, c’est la faute du sac à dos. » « Rholala c’est pas de ma faute si vous êtes pris les roues de mes rollers sur le visage ! Allez, Regardez un peu hein !  Mes rollers sont là, adaptez-vous à moi un peu ! » (…) » 14 . La vidéo est évidemment mieux que la retranscription mais vous avez l’esprit.

Quête d’identité

De plus en plus, les humouristes se branchent donc sur des sujets d’actualité afin de faire rire et créer une réflexion autour de sujets qui leurs tiennent à cœur tel que le féminisme, le racisme, l’écologie, les inégalités, l’éducation, … Ça en devient une marque de fabrique, une obligation ? Exemplification avec Blanche Gardin qui souligne cette tendance et qui est engagée dans de multiples causes. Voici un extrait de son spectacle « Bonne Nuit Blanche » -la vidéo15 est encore une fois évidemment mieux- “J’aimerais bien avoir une cause moi. Parce que je vois bien en plus la nouvelle génération les gens qui montent sur scène… Ils ont tous un truc à défendre : une identité, un truc. Et moi, j’ai rien, moi. Je, enfin, j’ai pas de spécificités. Je veux dire ; j’suis pas homo, j’suis pas trans, j’suis pas végan, j’suis pas poly amoureuse, j’suis pas obèse, j’suis pas noire, … Je suis même pas antisémite… J’suis rien du tout. (…) J’aimerais bien représenter un groupe. Je me dis que ça doit être bien de pouvoir dire « Nous c’est ça ! Nous c’est ça !… Et on souffre !! » Mais j’ai pas de… non.. Enfin si, oui, je représente un groupe… mais mon groupe est nul quoi. Mon groupe est désespérant quoi. Mon groupe je veux dire.. Les femmes blanches hétérosexuelles de 42 ans consommatrice d’anxiolytiques.. Bon ! C’est pas une identité. C’est un cercueil hein ! Je n’ai rien à vendre sur le terrain d’identité. » 16 Dans cet extrait, on lit bien l’importance grandissante des humouristes de défendre une cause, de représenter une identité et un combat. Elle parodie en faisant semblant qu’elle ne revendique rien, alors une partie de son spectacle revient à une association permettant la lutte au sans-abrisme et qu’elle est engagée dans la déconstruction des normes sociales en passant à la loupe et en questionnant la sexualité patriarcale, le viol, le mouvement #metoo, le célibat, l’écologie, la migration, … Elle utilise avec brio humour afin de soulever divers sujets de société ; « Je suis pas écolo. Ouais. Je suis pas écolo du tout. J’ai pas d’enfant moi, donc, pour moi la vie s’arrête à la mienne. Donc même si ça va un peu plus vite que prévu, j’aime pas le ski toute façon. (rires) (…) Non. J’aime pas le ski, parce que la dernière fois j’ai été au ski… seule. Est-ce qu’il y a quelque chose de plus triste au monde que d’aller au ski seul ? En dehors d’une maman érythréenne qui trouve plus son petit à l’arrière du zodiaque au milieu de la Méditerranée.. Je veux dire hein.. sur notre échelle de tristesse à nous. Je veux dire… c’est vrai, c’est chiant d’aller au ski seule. » 17 Son intonation et son humour noir permet de se rendre compte de l’absurdité de certaines situations qui méritent offuscation, prise de conscience et puis actions (ex : c’est un problème de riches de se préoccuper de ne plus pouvoir aller skier à cause du réchauffement climatique alors qu’on laisse mourir des gens dans la Méditerranée). Blanche Gardin a d’ailleurs refusé de prendre part au programme « LOL : Qui rit sort ! » d’Amazon en revendiquant justement que l’humour était engagé et que ce n’était pas en accord avec ses valeurs de participer. Vous trouverez une retranscription de son post qui explique son choix, drôle et éducatif en Annexe 1.

Humour noir : provocateur oui. Mais pas que…

Le type d’humour utilisé ici est dit « noir » définit par Wikipédia comme étant « L’humour noir est une forme d’humour qui souligne avec cruauté, amertume et parfois désespoir l’absurdité du monde, face à laquelle il constitue quelquefois une forme de défense. Faisant généralement appel à l’ironie et au sarcasme le plus violent, il doit être parfaitement maîtrisé pour ne pas être confondu avec de la simple grossièreté ou de la méchanceté gratuite.« , ce genre d’humour est particulièrement prisé car il permet justement de tourner au comique les situations dramatiques de ce monde. Il n’est pas sans risque car il peut être mal interprété mais qu’on l’apprécie ou pas, il permet une mise en avant des incohérences et de l’absurdité du monde. Il provoque quelque chose et au-delà de choquer, ce type d’humour vise à être générateur de réflexions.

Un des jeunes interrogés nous dit : « L’humour noir fait tout le temps réfléchir. L’humour noir ça traverse l’esprit et c’est un peu le concept que ça choque souvent. » Et à la question de savoir si l’on peut rire de tout, il nous répond « Moi je suis croyant et j’ai pas de problème à dire que j’ai pas envie qu’on rigole de ma religion. »

Humour et transgressions des codes

L’humour semble donc être le tremplin parfait pour aborder des questions de sociétés de par la liberté laissée aux stand-uppers à aborder tous les sujets qu’ils·elles souhaitent. « Liberté » car dans l’humour, ce dont on peut rire et ne pas rire reste sujet à controverses, cela dépend beaucoup du vécu de chacun. « Si les dirigeants ont toujours tenu l’humour à l’œil, c’est justement parce qu’il peut être utilisé pour pointer leurs incohérences et convaincre les gens. Car l’humour génère des émotions.» 18 Historiquement, la naissance du stand-up est née dans un entremêlement d’humour et de privation de liberté. « Parmi les pionniers de cet art oratoire profondément américain, on rencontre la figure d’un homme en costume cintré et aux yeux de félins : Lenny Bruce. Il émerge à la fin des années 50 (…). Marqué par le jazz, la Beat Generation, le sexe et la boucherie que fut la Seconde guerre mondiale, Bruce torpille dans ses sketchs la morale hypocrite, la ségrégation raciale, et un certain ordre du discours. La télévision, alors en plein essor, le fait connaître au niveau national, mais son style et ses propos percutent assez vite les codes établis de l’Amérique puritaine des jeunes années 60. À l’époque, le crime d’obscénité règne. Il condamne toute œuvre qui susciterait l’excitation sexuelle. Une guerre juridique empoisonne dès lors la vie de Lenny Bruce : arrestations en plein spectacle, rapports de police, séjours en prisons et procès interminables. » 19 Lenny Bruce lance donc une nouvelle modalité qui bouscule les normes, le stand up. Défini par Le Robert comme étant un : « Genre de spectacle, né à la fin du xixe siècle aux États-Unis, au cours duquel un humoriste s’adresse au public directement, sans accessoires ni personnages, d’une manière spontanée, quasi improvisée ; spectacle de ce genre. La vie quotidienne est l’un des thèmes de prédilection des stand-ups. » 20 Ainsi se présente sur scène quelqu’un qui partage avec humour, en tournant au ridicule ou à la (auto)dérision, des situations du quotidien en passant parfois par une critique de l’actualité. Ce qui n’est pas pour plaire à tous. En effet, à ces débuts il était fort controversé de rire de certaines choses. Ça l’est encore. Un autre jeune interrogé nous dit « On ne peut pas rire de religion, peu importe laquelle, qu’il faut respecter les croyances. »

Mais certains résistent et affirment que l’on peut rire de tout (Blanche Gardin, Ricky Gervais par exemple). Ce format d’humour qu’est le stand-up, a le vent en poupe dans les milieux francophones se développe à la vitesse VV’ car justement décloisonne l’humour de milieu tel que le théâtre, le cinéma dont l’accès n’est pas toujours démocratique. Le stand-up rend accessible l’humour à un plus grand public et ce encore davantage grâce aux moyens de communications modernes (radio, tv, internet, …). Au-delà du public plus vaste, les protagonistes changent également ainsi « la parole change de camps ». Le stand-up représente dès lors un lieu où la parole se donne de plus en plus à des personnes issues des marges à qui on ne donne pas forcément la parole ailleurs. « Longtemps dominé par la présence masculine blanche, le stand-up se veut aujourd’hui beaucoup plus inclusif, voire intersectionnel, cherchant ainsi à s’adresser à l’ensemble de la société. »21 « Nelly Quemener, enseignante-chercheuse en sciences de l’information et de la communication à l’Université de la Sorbonne de Paris, retrace dans son livre « Le Pouvoir de l’humour » les évolutions du rire dans les médias français de 1980 à nos jours. Avec l’émergence du stand-up comme scène d’affirmation par et pour les minorités ethniques et l’irruption d’humoriste-femme interrogeant les normes masculin/féminin, l’humour est devenu au cours des années 2000 une arme politique pour les subalternes et un moyen de lutte contre les hégémonies culturelles dominantes. »22 

En France, en Belgique, au Canada, nombreux·ses sont celles et ceux qui jouent avec l’humour afin de générer de la curiosité sur divers enjeux : @lejeuneengagé, @louannemanshow, Fanny Ruwet, Claudine Mercier, Paul Mirabel, Marina Rollman, Kyan Kojandhi, « et tout le monde s’en fout », Tahnee, Mahaut Drama, Lou Trotignon,…  Swann Périssé fait parler d’elle. Stand-uppeuse, youtubeuse, influenceuse, … féministe, écolo engagée, elle cherche à sensibiliser et influencer par son humour. Extrait d’un épisode du podcast du « clic d’Alix » avec Swann où elle parle de sa chaine « Vert chez vous » -chaine où elle parle d’écologie- : « J’aime bien avoir une chaîne tout public [d’humour ‘Swann Périssé’]. Ben comme ça on rigole tous ensemble et au fur et à mesure, vu que ça infuse tout ce que je fais l’écologie, ils [les auditeurs] se disent : « Ah bah elle me fait rire genre, je crois qu’elle est écolo ». Donc ils regardent et tout à coup ils trouvent ce 2e réseau (Vert chez vous) et y’en a plein qui se disent « Attends, je kiffe cette meuf ! Elle me fait taper des barres ! Ah, mais en plus elle est écolo ! Ah tiens c’est vrai qu’on peut avoir un composteur chez soi ! Ah il faut réduire l’avion pour être plus écolo ? Ah je peux manger du chocolat sans me sentir coupable mais il faut que je réduise la voiture » (histoire genre qu’ils aient des notions d’ordre de grandeur) et là je me dis que j’ai réussi ma vie quoi ! » On voit donc bien l’intention affichée de conscientiser par son humour à des enjeux qui lui tiennent à cœur afin de lier l’utile à l’agréable.

L’humour comme moyen de rire et comme moyen d’influence.  « Le stand-up intègre une dimension d’expérimentation, pour créer une émotion. Il peut être une forme d’art très transgressive, car très risquée et très incarnée. Ce qui est formidable, c’est qu’on sait tout de suite si cela marche ou pas, si le public rit ou pas. Il me semble aussi que ce genre est à la pointe des débats qui traversent l’Amérique et incarne les valeurs les plus avant-gardistes, en particulier sur les questions de race, de sexualité, de drogue… Et puis, il transforme la vie des gens, ce qui peut être l’un des critères de définition d’un art. »23  Ce moyen d’allier humour et activisme peut entrer dans la définition du néologisme d’ARTIVISME : Activisme s’appuyant sur des actions artistiques.24 Au final, l’humour est un art à part entière où, comme le dadaïsme25 qui joue avec la provocation, l’humour va également provoquer et tourner à la rigolade des situations absurdes du quotidien qui au final mérite une réflexion.

Les limites de l’humour

Mais attention car la ligne est fine afin d’être drôle. On se souvient du présentateur Tex qui s’est fait viré après avoir fait une blague26 «

de mauvais gout » sur les femmes battues. Il s’agit de comprendre qui fait la blague, dans quel contexte et avec quel « background ». Une jeune lors de notre micro-trottoir souligne ceci. « Je trouve qu’il faut par contre faire attention avec l’humour que dans certains cas, il y a certains types d’humour qui sont mal placés. Si on regarde en politique et qu’on voit ce que les partis de droite ou d’extrême droite et les choses qui sont dites sur un ton soi-disant humoristiques mais au final ça ne passe pas très bien parce que ça critique certaines personnes ou quoi. » Une autre complète : « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui. Je pense que tous les sujets peuvent être abordés avec humour. Après ça dépend la manière dont s’est fait. Il faut que ça soit humoristique, mais toujours avec un minimum de respect quand même. Il y a une jauge à avoir et c’est pas toujours facile. Mais voilà, en fonction du public aussi il y a des trucs à adapter. Ça dépend par qui s’est fait et dans quelle idée quoi, mais parfois ça peut être abusif et voilà, faut faire attention. »

L’humour est basé sur les traditions de nos sociétés et tord les coutumes pour créer une tension qui se relâchera par un rire grâce à l’inattendu.27 L’humour est dès lors très culturel et subjectif, et demande une connaissance des codes sociétaux. Chaque culture a ses propres codes et les codes de l’humour sont les mêmes : rire de ses codes là, pour aller au cœur des problèmes de sociétés. On n’a pas tous le même humour. Doit-il critiquer ou juste divertir ? Cette question a fait l’objet d’une chronique sur France Inter avec la directrice de France Inter (Laurence Bloch) et le directeur des programmes (Yann Chouquet). Mme Bloch dit ceci : « L’humour est la chose la moins bien partagée du monde. Ce qui vous fait rire ne fait pas forcément rire votre voisin parce que vous n’êtes pas à la même place. Il y a mille façons d’être drôle : il y a la poésie toujours très fraternelle de François Morel, le côté très « salle de garde » qui exaspère de Daniel Morin, le côté plus surréaliste de Chris Esquerre, et la caricature et la satire, les fous du roi que doivent être les humoristes. La limite que je mets c’est la loi et la jurisprudence. Les personnalités politiques et publiques ont besoin de leurs fous du roi. L’humoriste doit-il avoir une limite ? C’est la question de la liberté de pensée. Ce ne sont pas les sentiments et les ressentis mais la loi qui limite. » 28 Elle souligne que le fait « rire de quelque chose qui fait mal le rend moins douloureux » et qu’il faut avoir le courage de déplaire, la permission absolue d’être imprudent. Le glissement possible est quand la méchanceté remplace l’humour alors c’est le dérapage, mais le rire est le signe d’une société démocratique qui arrive à prendre du recul. Cet argument de l’humour comme signe d’un état démocratique est également repris dans la vidéo dédiée à l’humour de « Et tout le monde s’en fout »29 où ils mettent en avant l’autodérision comme moyen de prendre du recul et donc de prendre de meilleures décisions. Ils notent que l‘humour est un baromètre démocratique car l’interdiction de l’humour est une manière d’être totalitaire.

Illustration analyse Alexia Thomas

Conclusion

En conclusion, on peut voir que l’humour a sa place à part entière dans l’engagement pour des causes variées selon les enjeux/combats de chacun. L’humour est un moyen utile et même nécessaire, qui rassemble jeunes et moins jeunes grâce à des formats et des styles différents : du théâtre au podcasts, en passant par les réseaux sociaux, les films, les petites vidéos, le standup, l’improvisation, les sketchs, l’ironie, le comique de situation, la caricature, la satyre… … de plus en plus d’humouristes s’attèlent à faire rire toute en éclairant certains sujets de société. Ce doux alliage déride et donne un autre gout à la crise climatique, donne envie d’en savoir plus et parfois donne envie de passer à l’action. Sous couvert d’une blague peut-être que certains finiront par comprendre que certaines habitudes mettent en péril la vie des générations futures … encore faut-il trouver le phrasé. C’est tout un art.  « Au-delà du rire, des humoristes veulent aussi faire réfléchir »30 Et cet art est d’autant plus précieux qu’il permet de relativiser, de relâcher la pression que beaucoup ressentent quant à l’urgence climatique qui est anxiogène à juste titre. Le fait de pouvoir avoir un lieu de décompression, de rires, de critique satirique, de joie est de plus en plus comme le disait Blanche Gardin : une urgence médicale.

 


Notes :

¹ « La détresse augmente partout dans le monde, et ce n’est pas dû à la pandémie de Covid-19, relèvent des chercheurs. Entre 2009 et 2021, les signalements de stress, tristesse et inquiétude sont ainsi passés de 25 à 31%, soit une augmentation d’un quart, souligne Michael Daly, premier auteur de l’étude parue dans la revue PNAS et chercheur au département de psychologie de la Maynooth University (Irlande). » GAUBERT C., mars 2023, Sciences et Avenir, [en ligne :] https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/la-sensation-de-detresse-augmente-partout-dans-le-monde-et-ce-n-est-pas-a-cause-du-covid-19_170325 , consulté le 2 septembre 2023.

2 THOMAS Alexia, Eco-LOCO ou la question de la cohérence : https://www.eclosio.ong/publication/etre-eco-loco-ou-la-question-de-la-coherence-analyse-deducation-permanente/

3 Cet article est à prendre avec humour, bien entendu. « Practice what you preach. », « Walk the talk » On n’est pas juste là à perpétuer les stéréotypes sur la société, on en rigole pour les déconstruire 😉

4 Alice Desbiolles, médecin de santé publique, épidémiologiste et autrice de L’éco-anxiété, vivre sereinement dans un monde abîmé (Fayard, 2020).

5 « Le rire, l’arme des réseaux sociaux contre le changement climatique », RTBF, 14 décembre 2022, [en ligne :] https://www.rtbf.be/article/le-rire-l-arme-des-reseaux-sociaux-contre-le-changement-climatique-11122938, consulté le 31 août 2023.

6 GOURDON J., « «Le stand-up peut être une forme d’art très transgressive», Libération, 21 avril 2015, [en ligne :] https://www.liberation.fr/cinema/2015/04/21/le-stand-up-peut-etre-une-forme-d-art-tres-transgressive_1256735/, consulté le 31 aout 2023.

7 TARVIN A., « The Skill of Humor », Juin 2017, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=MdZAMSyn_As consulté le 12 septembre 2023.

8 OTTER M., « L’humour contre l’éco-anxiété : « rire de l’urgence, c’est avoir l’illusion de prendre le pouvoir sur le réel », Nouvel Obs, Avril 2023, [en ligne :] https://www.nouvelobs.com/ecologie/20230401.OBS71622/l-humour-contre-l-eco-anxiete-rire-de-l-urgence-c-est-avoir-l-illusion-de-prendre-le-pouvoir-sur-le-reel.html, consulté le 4 septembre 2023.

9 Fondateur du festival « Juste pour rire » au Québec.

10 FRAGASSO-MARQUIS V., « Au-delà du rire, des humoristes veulent aussi faire réfléchir », La Presse, Décembre 2017, [en ligne :] https://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/humour-et-varietes/201712/09/01-5146525-au-dela-du-rire-des-humoristes-veulent-aussi-faire-reflechir.php consulté le 12 septembre 2023.

11 Limor Shifman et Dafna Lemish, « “Mars and Venus” in Virtual Space: Post-Feminist Humor and the Internet», Critical Studies in Media Communication 28, no 3 (août 2011): 253 73, https://doi.org/10.1080/15295036.2010.522589.

12 Marée, Constance. Quelque part entre féminité traditionnelle et féminisme… Analyse des stéréotypes genrés au sein de la chaîne Youtube MadmoiZelle. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : De Cock, Barbara.

13 « (…) Les discours féministes sur la plateforme pourraient donc permettre de remettre en question les stéréotypes et les rôles traditionnels hiérarchisés attribués aux genres masculins et féminins, et ils pourraient avoir un impact sur les réalités et opportunités des femmes* sur la plateforme et dans le monde réel. Le discours politique féministe sur Youtube possède de ce fait une potentielle double portée : il connaît une possibilité d’impact sur les autres utilisateur·trice·s et sur leurs idées mais il peut également constituer les vidéastes féministes en tant que sujets, en tant qu’actrices de leur propre lutte, mettant en action leur pouvoir d’agentivité. La création de ces contenus féministes peut en effet représenter une forme d’agency pour les militant·e·s, de prise de parole et d’empowerment des femmes* en général au sein des espaces numériques encore sexistes, et influencer ainsi les destinataires des messages. » Marée, Constance. Quelque part entre féminité traditionnelle et féminisme… Analyse des stéréotypes genrés au sein de la chaîne Youtube MadmoiZelle. Faculté des sciences économiques, sociales, politiques et de communication, Université catholique de Louvain, 2019. Prom. : De Cock, Barbara.

14 PERISSE S., « Tu parles trop Judith », juin 2022, [en ligne :]  https://www.instagram.com/reel/CeVwvQqAi4C/  consulté le 12 septembre 2023.

15 Extrait de « Bonne Nuit Blanche », Blanche Gardin, 2019, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=KN_QbEpibl8 consulté le 2 septembre 2023.

16 « Bonne Nuit Blanche » de Blanche Gardin spectacle de 2019.

17 Extrait de « Bonne Nuit Blanche », Blanche Gardin, 2019 [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=KN_QbEpibl8 consulté le 2 septembre 2023.

18 « Et tout le monde s’en fout #66 -L’humour-», décembre 2020, [en ligne :]  https://www.youtube.com/watch?v=9f3Mc25mg9k , consulté le 12 septembre 2023.

19 « Lenny Bruce (1925 – 1966), pionnier et martyr du stand-up », France Culture, 30 juillet 2023, [en ligne :] https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/toute-une-vie/lenny-bruce-1925-1966-pionnier-et-martyr-du-stand-up-6046767 consulté le 31 août 2021.

20 https://dictionnaire.lerobert.com/definition/stand-up#:~:text=D%C3%A9finition%20de%20stand%2Dup%20%E2%80%8B,improvis%C3%A9e%20%3B%20spectacle%20de%20ce%20genre

21 « Culture Urbaine » Théâtre National, [en ligne :] https://www.theatrenational.be/fr/group/3346-culture-urbaine , consulté le 31 août 2023.

22 « L’humour des minorités contre les hégémonies culturelles », Agir par la Culture, Printemps 2017,  [en ligne :] https://www.agirparlaculture.be/l-humour-des-minorites-contre-les-hegemonies-culturelles-entretien-avec-nelly-quemener/ consulté le 31 août 2023.

23 GOURDON J., « Interview de Miriam Katz : Le stand-up peut être une forme d’art très transgressive », Libération, Avril 2015, [en ligne :]
https://www.liberation.fr/cinema/2015/04/21/le-stand-up-peut-etre-une-forme-d-art-tres-transgressive_1256735/, consulté le 31 août 2023.

24 Dictionnaire https://langue-francaise.tv5monde.com/decouvrir/dictionnaire/a/artivisme , consulté le 31 août 2023.

25 « Le dadaïsme est un mouvement intellectuel et artistique qui apparut à New York et à Zurich (1916), se diffusa en Europe jusqu’en 1923 et exerça, par sa pratique subversive, une influence décisive sur les divers courants d’avant-garde. Dada, mouvement international d’artistes et d’écrivains, est né d’un intense dégoût envers la guerre qui signait à ses yeux la faillite des civilisations, de la culture et de la raison. Terroriste, provocateur, iconoclaste, refusant toute contrainte idéologique, morale ou artistique, il prône la confusion, la démoralisation, le doute absolu et dégage les vertus de la spontanéité, de la bonté, de la joie de vivre. » Larousse, [en ligne :] https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/mouvement_dada/115416 , consulté le 12 septembre 2023.

26 « Que dit on a une femme qui a un œil au beurre noir ? bah plus rien, on vient de lui expliquer. » avait donc dis Tex. Blague qui lui coutera son poste.

27 TARVIN A., « The Skill of Humor », Juin 2017, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=MdZAMSyn_As , consulté le 12 septembre 2023.

28 « L’humour Inter : peut-on rire de tout ? », Le rendez-vous de la médiatrice, France Inter, 21 décembre 2018, [en ligne :] https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-rendez-vous-de-la-mediatrice/l-humour-inter-peut-on-rire-de-tout-5067693 , consulté le 12 septembre 2023.

29 « Et tout le monde s’en fout #66- l’humour », décembre 2020, [en ligne :] https://www.youtube.com/watch?v=9f3Mc25mg9k , consulté le 12 septembre 2023.

30 FRAGASSO-MARQUIS V., « Au-delà du rire, des humoristes veulent aussi faire réfléchir », La Presse, Décembre 2017, [en ligne :] https://www.lapresse.ca/arts/spectacles-et-theatre/humour-et-varietes/201712/09/01-5146525-au-dela-du-rire-des-humoristes-veulent-aussi-faire-reflechir.php , consulté le 12 septembre 2023.

 


Annexe 1. Blanche Gardin refuse de participer à LOL Qui sort ! saison 4 et explique pourquoi (20 avril 2023):

« Très très cher Monsieur Bezos,

Je suis au regret de devoir refuser votre invitation à participer à la prochaine saison du jeu « LOL : Qui rit sort ! » diffusé sur votre plateforme d’Amazon. J’ai bien compris qu’il ne s’agissait que d’une seule journée de tournage, seulement voilà, ce jour-là, j’ai dentiste. Et, en tant que troisième fortune mondiale, vous le savez, il faut de bonnes dents bien longues pour réussir dans ce monde.

Il se trouve aussi que je serais gênée aux entournures (pour ne pas dire que ça me ferait carrément mal au cul) d’être payée 200 000 euros pour une journée de travail même si je perds à votre jeu, quand l’association caritative de mon choix remporterait, elle, 50 000 euros, c’est-à-dire 4 fois moins, et encore, seulement si je gagne.

Oui, ça me gêne de toucher, pour 8 heures de travail, cette somme affolante de la part d’une entreprise qui :

– Ne paye pas ses impôts en France et bénéficie même d’1 milliard d’euros de crédit d’impôts alors qu’elle fait 50 milliards d’euros de chiffre d’affaires.

– Qui émet 55,8 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an (soit l’équivalent des émissions du Portugal) seulement avec ses data centers, sans parler des milliers de camions, d’avions…

– Qui utilise la main-d’œuvre des camps de concentration ouïghours.

– Qui détruit les emplois du petit commerce et toute la vie sociale qui va avec.

– Que les emplois qu’elle crée en détruisant d’autres sont des emplois éreintant dans des entrepôts déshumanisés, où on traite les employés comme des robots qu’on essore en leur mettant une pression folle avec des cadences infernales et qu’on empêche de se syndiquer…

Tout ça pour quoi ? Pour qu’on puisse commander des couches pas chères depuis notre canapé en se grattant les couilles. Oui, ça me gêne.

D’autre part, en tant qu’actrice et auteure de films, je caresse le rêve un peu fou que mes futurs projets puissent sortir dans une salle de cinéma. J’ai bien conscience que le niveau de dissonance cognitive est très élevé à notre époque, mais vous conviendrez que faire de la publicité pour votre plateforme (puisque c’est de cela qu’il s’agit je crois) reviendrait à me tirer une balle dans le pied. Je n’ai pas envie que dans dix ans plus personne n’aille au cinéma et qu’on soit tous en train de mater des séries sur le canap’ en se faisant livrer des burgers par des sans-papiers qui pédalent sous la pluie.

Si toutefois, me lisant, vous tombiez des nues, ou de l’espace (je connais pas votre emploi du temps ces jours-ci) en découvrant des choses dont vous n’étiez pas au courant et qui vous peinent, et que ça vous donne envie de repenser entièrement votre entreprise, alors peut-être que vous pourriez me réinviter ultérieurement. Et que je pourrais accepter. Lol. »

Startup Nation : pour tous ? – Analyse

 


Une analyse de Laetitia MASSA, Co-Founder et Managing Director at Pinshasa.

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(Analyse en format Word à venir)


Le 19 mars 2021, 24 pays européens signent la « Startup Nations Standard of Excellence », norme dite d’excellence, avec la volonté déclarée de « soutenir les jeunes pousses […] dans l’ensemble de l’UE »1 . Force est de constater que la « Start Up Nation », et avec elle le concept de « Startup », est érigée en modèle de réussite socio-professionnelle au sein de l’Europe. Il a donc paru pertinent à Eclosio, de mesurer la température de l’inclusivité de la société belge, à la lumière de ce phénomène. D’où la question, à laquelle Eclosio m’a demandé de répondre : la « Startup Nation » belge est-elle, à l’heure actuelle, inclusive ? Et si elle ne l’était pas encore, à quelles conditions pourrait-elle le devenir ?

 

Bulletin d’information Afrique de l’Ouest n°7 – Septembre 2023

Faites le tour des dernières actualités de nos projets au Sénégal, Bénin et en Guinée dans ce septième numéro du bulletin d’informations de septembre 2023, publié par l’équipe d’Eclosio Afrique de l’Ouest.

Cliquez sur le lien ci-dessous pour lire le bulletin d’information n°7.

Etre Eco-LOCO* ou la question de la cohérence – Analyse

 


Une analyse d’Alexia THOMAS, chargée de projets d’Education citoyenne Eclosio et socio-anthropologue en citoyenneté durable. 

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Cette analyse aimerait se faire la critique de notre culpabilité individuelle afin de proposer des solutions concrètes à nos prises de têtes, tout en continuant l’action climatique, entendue comme le définit l’UNICEF comme étant : les actions humaines qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le cœur de la question étant ce besoin de cohérence que nous poursuivons, et plus particulièrement, ce curieux fardeau mental qu’est celui d’une cohérence souhaitée en ce qui concerne ladite “action climatique”.

Quelle est l’empreinte écologique de l’action environnementale?

“Juillet 2023, il drache en Belgique, il fait frais, on boit du thé derrière des carreaux plein de buée. On aurait presque envie de se plaindre, se plaindre de cette humeur d’automne alors qu’on n’a pas encore vraiment profité de l’été. On aurait presque envie de se plaindre, si seulement… si seulement on ne savait pas que le sud de l’Europe est en flammes et que certain·es pleurent en ce moment même pour quelques gouttes de pluie. On aurait presque envie de dire à notre ami·e qui n’en peux plus de la pluie de… « oui, on n’a qu’à le faire et se les prendre ces billets à 20 euros de chez Ryanair pour une destination un poil plus exotique que notre Belgique pluvieuse ». Les sensations estivales de mai où les grosses chaleurs laissaient penser à un été-canicule se sont vite dissoutes dans toute cette quantité d’eau et de grisaille. Alors “oui c’est bon pour le renouvellement des nappes phréatiques”, mais concrètement on râle intérieurement, mais on n’ose pas de trop… Ou alors juste à demi-mot, quand on arrive trempé·e au bureau et qu’on le lâche finalement ce petit : “Quel temps de chien ! Je ne pensais pas me faire saucer ce matin”. On se regarde gênés·es. Oui, on est un peu gênés·es parce qu’on sait qu’on n’a pas vraiment “le droit” de se plaindre. Le droit, mais quel droit ?

Il n’y a plus vraiment de débat, le réchauffement climatique est là. Le secrétaire des Nations Unies a déclaré suite aux incendies et aux vagues de canicules un peu partout et à répétition autour du globe, le 27 juillet que “L’ère du réchauffement climatique est terminée, place à l’ère de l’ébullition climatique”. Le temps des questions qui ne faisaient que maintenir le statu quo du capitalisme2 se termine… L’idée qu’une production croissante infinie dans un monde aux ressources limitées est insoutenable, est acquise. La conscience que l’humanité est en train de scier la branche sur laquelle elle est assise est de plus en plus répandue. Mais bon là, c’est là, maintenant, ici, chez nous, “In My Backyard”3. Maintenant que nous vacillons entre incendies, inondations, “catastrophes naturelles”4, records de températures, qu’on a besoin d’un sac en papier dans lequel faire des exercices de respiration à chaque fois qu’on regarde les nouvelles5. Non, on ne va pas oser se plaindre, pas nous.

Introduction tout court

Cette analyse aimerait se faire la critique de notre culpabilité individuelle afin de proposer des solutions concrètes à nos prises de têtes, tout en continuant l’action climatique, entendue comme le définit l’UNICEF comme étant : les actions humaines qui visent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le cœur de la question étant ce besoin de cohérence que nous poursuivons, et plus particulièrement, ce curieux fardeau mental qu’est celui d’une cohérence souhaitée en ce qui concerne ladite “action climatique”.

Contexte de la réflexion et questionnement

Assises dans l’avion vers la Tunisie afin d’aller parler des objectifs de développement durable (ODD) lors d’une semaine d’échange interculturel avec 3 autres associations française, marocaine et tunisienne, nous sommes là, moi et six jeunes participantes, contentes de l’aventure qui se dessine devant nous. A l’aéroport, on discute, on fait plus ample connaissance et on finit inévitablement par échanger sur nos habitudes de transports… Certaines prennent souvent l’avion, d’autres se sentent coupables de le prendre. C’est de cette interaction furtive qu’est né cet article, car elle deviendra une question récurrente lors du séjour : Quelle est la cohérence écologique de ce séjour ? Quelle est l’empreinte écologique de notre semaine interculturelle en Tunisie ? Est-ce que les impacts positifs l’emportent sur l’emprunte carbone du voyage ? Comment allier mobilité internationale et objectifs de développement durable avec des budgets serrés qui ne permettent pas de couvrir réellement les modes de transports écologiques malgré les efforts faits ? Faut-il que les organisations se détournent des projets nécessitant les trajets en avion ?

 Moyenne d’âges de participantes6 : 21 ans, jeunes, fraichement arrivées ou sorties des études supérieures dans un contexte post-covid où elles ont été confinées géographiquement. Dans ce contexte, difficile de poser un jugement sur celles qui prennent régulièrement l’avion pour enfin profiter du monde et de le découvrir. Délicat également d’oser poser un jugement alors « qu’à mon époque”, pas si lointaine de la leur, j’ai profité des vols peu chers avec la conscience légère. C’est dans ce contexte qu’ensemble, on s’est posée la question de la cohérence de ce qu’on faisait. Nous voilà de retour avec cette gêne face à nos propres contradictions.

Point sur ce qu’est la cohérence et catégorisation

Dès lors, avant toute chose, faisons le point sur la raison pour laquelle nous avons tant besoin de cohérence et d’éradiquer les contradictions. Concrètement, notre cerveau catégorise la réalité afin d’en faire sens, pour qu’elle soit lisible et ainsi cohérente. ”La catégorisation a une fonction adaptative essentielle : elle permet de faire des inférences sur les propriétés d’objets [ou idées] rencontrés pour la première fois. Catégoriser consiste à regrouper mentalement des objets considérés comme équivalents d’un certain point de vue.7” Ainsi, dès qu’on apprend quelque chose de nouveau notre vision de la réalité est infirmée et/ou confirmée, ajustée et/ou renforcée, … C’est de cette façon qu’en nous confrontant à des informations neuves, nous essayons d’en faire sens. Parfois en réajustant nos catégories, parfois en ajustant la réalité à ces catégories construites8 afin de sortir de la confusion, du chaos de l’incohérence. Cette quête de logique, de sens, de catégorisation et de cohérence est donc propre au fonctionnement du cerveau humain et nous permet de fonctionner sans être en “erreur 404” face à la moindre incompréhension. Mais cette quête de cohérence sera argumentée dans cette analyse comme ne devant pas devenir un objectif en soi.

Car si l’individu commence à tout diviser en catégorie ou en continuum « éco-responsable » et « non-éco-responsable » et qu’il souhaite être absolument fidèle à cette classification-là, il·elle ne verra le monde plus que par ce prisme-là. A chaque moment et pour tout. Ce qui peut devenir envahissant à long terme car toutes nos actions quotidiennes peuvent être lue sous cette classification-là. Effectivement, nous le savons les décisions se trouvent partout. On prendrait jusqu’à 35 000 décisions par jour9 lorsque l’on mange, s’habille, achète, déplaçons etc. Ce sont dès lors tous les aspects de notre vie qui sont empreints du prisme ‘durable’ ou pas, et chaque décision se fait sur base de ce questionnement. Bien qu’il soit encouragé que cette grille de lecture se répande au maximum dans les consciences de chacun·e -plus sous forme de continuum que de catégorisation binaire-, la question ici est celle de savoir si une volonté de cohérence absolue pourrait devenir contraignante pour l’individu et, in fine, pour la cause en cas de décompensation de l’individu  ?

La cohérence, c’est gênant…

Comme l’écrit Juan Tallon dans sa pilule philosophie du Courrier International (22.04.2023) :  “Je crains que la cohérence ne soit un comportement très complexe, épuisant, très difficile à conserver sur la durée. Il est inévitable qu’en cherchant à l’atteindre on finisse par s’épuiser. Et si on ne s’épuise pas dans cette quête et que la cohérence triomphe, celle-ci ne risque-t-elle pas de nous conduire au fanatisme ?” 10 Dans un contexte d’éco-anxiété grandissant, le besoin de cohérence ne dessert-il pas la cause ? C’est la question de s’est posée Alaina Wood dans Teen Vogue : “J’ai commencé à voir des gens faire des déclarations farfelues, disant que, si vous n’êtes pas 100 % végan ou 100 % zéro déchet, vous n’êtes pas un militant pour le climat. Je me suis dit : ‘Attendez une minute, ce n’est absolument pas vrai, et cela effraie les gens loin du mouvement [pour le climat] !’”11 Elle souhaite déculpabiliser les gens et souligner les solutions afin de ne pas décourager par le pessimisme et ainsi continuer l’action climatique sans l’anxiété qui y est attachée et la culpabilité de ne pas faire assez ou pas “parfaitement” ou “logiquement”. C’est ainsi que, professionnelle des déchets, elle s’est défaite du mouvement zéro déchet -tout en continuant de réduire sa quantité de déchets- mais sans plus viser le zéro absolu. (Un bouquin de Céline Portal sur le sujet se nomme d’ailleurs « Zéro déchet, Zéro pression »). Cette vague décomplexante permet à certains·aines activistes de retrouver un peu d’oxygène dans un environnement qui était devenu toxique de part une compétitivité avec eux-mêmes ou avec les autres, afin de savoir qui a la vie la plus écologique, engagée, etc. C’est ainsi que dans cette veine de libération de croyances limitantes que certains disent que « La culpabilité environnementale doit changer de camp : ce sont les entreprises capitalistes qui prennent les grandes décisions économiques, pas les consommateurs. », extrait du livre ‘Pour une écologie du 99 %’ de Frédéric Legault, Arnaud Theurrillat-Cloutier et Alain Savard. Ces derniers prônent une plus grande prise en mains de leurs responsabilités de la part des décideurs politiques et des entreprises, ce afin de briser le mythe de la surconsommation individuelle qui empêcherait de voir la part de responsabilité qui en revient aux ”géants” de ce monde.

Alors que faire?

Face à la crise climatique, le Courrier International a récolté différents avis en mars 2021. Il ressort de ce dossier sur la face sombre de la transition écologique que « la solution la plus viable, c’est sans doute CNBC qui l’explore dans ce dossier. La chaîne américaine a interrogé des chercheurs (économistes, anthropologues…), des “objecteurs de croissance”. Leur préconisation ? Consommer moins de ressources, en finir avec le “toujours plus”, “redéfinir les objectifs de l’humanité […] pour donner la priorité au bien-être social et écologique et non à une quête effrénée de croissance”. »12 On peut noter ici une attention portée au bien-être social qui rejoint notre position, ici faite dans cet article, qui encourage une dose saine d’anxiété. Il est important de nuancer le propos et de décomplexer une fois encore le terme car « pour de nombreux chercheurs, l’éco-anxiété n’est pas une maladie mentale ou une pathologie. Ainsi, les chercheurs australiens et néo-zélandais mentionnés plus haut (Teaghan L. Hogg, Samantha K. Stanley, Léan V. O’Brien, Marc Wilson et Clare R. Watsford) affirment qu’à l’instar de nombreux autres chercheurs, « [ils mettent] en garde contre la pathologisation des réponses psychologiques et émotionnelles à la crise environnementale, car cela suppose que ces réponses sont inadaptées, inutiles ou disproportionnées par rapport à la menace posée ». Pour eux, en effet, « l’éco-anxiété et l’anxiété liée au changement climatique sont largement des réponses rationnelles compte tenu de la gravité de la crise zélandais(?)11 ». Véronique Lapaige explique également que l’éco-anxiété ne relève pas « du registre de la santé mentale » ou « du pathologique », « ça n’a rien à voir avec le secteur psy » et « ça n’a rien d’une maladie12 ». Pour elle, c’est avant tout « un mal-être, une responsabilisation nécessaire qui est expérimentée, qui va conduire à un engagement responsable en termes de pensée, de parole et d’action ». C’est également la position d’Alice Desbiolles pour qui l’éco-anxiété n’est pas une pathologie, mais plutôt « une réaction adaptative, normale face à une prise de conscience des enjeux environnementaux13 ». De son point de vue, « les personnes éco-anxieuses sont in fine les personnes rationnelles et lucides dans un monde qui ne l’est pas14 » et il est donc « important de ne pas pathologiser des émotions par rapport à des réactions normales face à un événement indésirable. C’est la raison pour laquelle l’éco-anxiété n’est pas une maladie mentale15 ». »13 Maintenant que nous sommes rassurés de ne pas être fous à l’idée d’être inquiets·ètes pour l’avenir de l’humanité, nous pouvons maintenant convenir de ce qu’une anxiété saine peut être pour nous.

Chacun sa route, chacun son chemin?

A chacun sa définition propre de ce qu’est une dose “saine” de “bonne” anxiété qui pousse à l’action, pour certain·es ça se traduira dans le fait d’abolir la viande, l’avion, la fast fashion, le plastique, l’agriculture intensive, de manifester, voter et faire un plaidoyer politique en même temps alors que pour d’autres, il s’agira d’une seule des options précitées à des degrés variables d’engagement (et de possibilités économiques…) Tout va dépendre de l’énergie à disposition, des ressources et de la capacité de chacun à ne pas se laisser submerger par la quantité de choses potentiellement « à faire » dans la grille de lecture « durable/non-durable ».  Effectivement, au-delà de l’aspect financier, qui idéalement ne devrait jamais être limitant, nous avons chacun un nombre limité d’inquiétudes14 possibles à avoir/penser. “Nous ne pouvons pas nous inquiéter de tout, tout le temps, ce qui nous amène à privilégier certaines problématiques plutôt que d’autres. Opérer un changement drastique pour respecter notre environnement est difficile car il implique la quasi-totalité des aspects de notre vie. Être totalement cohérent entre nos pratiques quotidiennes faites d’habitudes tenaces et la volonté de vivre en accord avec les principes du développement durable relève du véritable défi. La question se pose de déterminer si la cohérence doit être un but en soi ou si nous pouvons accepter le fait de faire « good enough for now », assez bien pour le moment, comme le dit le mouvement de la Transition?” 15 Ainsi, il s’agit de choisir ses combats. Voir ce qui nous convient, ce que l’on sait accomplir maintenant et ce que l’on souhaitera accomplir plus tard, tout en n’étant pas dans une compétition ni avec nous-même -en quête d’une cohérence inatteignable sans payer le prix du fanatisme-, ni avec les autres :« ha ouais tu manges encore de la viande toi ? -nous dira notre voisin·e alors qu’on croque dans un bout de saucisson… on ne les réinvitera plus à l’apéro. Une des logiques sous-jacentes du capitalisme est la compétition, la comparaison et c’est à ça que l’on s’attaque aussi, la compétition n’est pas un des carcans dans lesquels la mouvance écologique souhaite évoluer. « La prise de conscience de la nature systémique du changement climatique est récente. Elle a émergé notamment dans le contexte de réunions placées sous l’égide de l’ONU et des rapports du Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC), qui ont reconnu la responsabilité de l’homme dans ce changement. »16 Fondamentalement c’est cette idéologie du « toujours plus » que nous essayons de revoir afin d’enrayer le réchauffement climatique. Or il est difficile, voire impossible, d’être cohérent en étant à contre sens du système dans lequel tout pousse au productivisme au consumérisme, à la mobilité rapide, au high tech etc. c’est évidemment beaucoup plus facile d’être cohérent en étant super branché qu’en étant super écolo…. Dès lors l’exigence de cohérence fait peser sur l’individu toute la charge du changement nécessaire, alors que le vrai problème est systémique.  « Dérèglement climatique, pandémie, guerre, récession… Ces crises en cascade rythment notre quotidien, nous donnant le sentiment d’être submergés. Comment penser ce monde en convulsion, où tout est interconnecté ? Comment trouver des solutions de long terme ? En développant un regard plus global, plus systémique, répondent les intellectuels Nouriel Roubini, Thomas Homer-Dixon et Johan Rockström. »17 Le besoin d’une vision globale est primordial dans la lutte contre le réchauffement climatique étant donné les implications multiples de notre système économique sur tous les aspects de la vie humaine et son rôle, maintenant accepté, de responsable des dérèglements en cours. Le changement climatique est anthropique, c’est-à-dire généré par l’activité humaine régie par des lois économiques décidées par nos soins, au-delà donc de chercher une cohérence individuelle, le concept d’individu étant également une construction sociale très liée à l’effervescence du capitalisme, il faudrait réformer « les règles du jeu ». L’action se joue à tous les niveaux et non pas uniquement dans le camp des individus et malgré ce que souhaiteraient les géants de l’industrie (cfr. Coca-cola premier sponsor du recyclage afin de faire changer la culpabilité de camps18).

Rayon bonne nouvelle : les habitudes ça s’apprend

La bonne nouvelle concernant le nombre incalculable de décisions que nous prenons tous les jours est qu’une grande partie de celles-ci se déroulent inconsciemment. « Réalisée par Lightspeed Research, cette étude tire le constat que l’être humain (européen) n’est conscient que de 0,26 % des décisions prises par son cerveau. 99,74% de nos décisions sont prises à l’insu de notre plein gré. Etrangement, le cerveau humain prendrait près de 35 000 décisions par jour, alors que les personnes interrogées estiment n’en prendre que 92 sur toute une journée.19 » C’est alors sur cette « bonne » nouvelle que l’on peut se dire que certaines décisions qui, actuellement nous coutent une réflexion mentale, peuvent, au fil du temps, devenir des automatismes et donc devenir ‘gratuit’. Nous sommes habitués à certains systématismes confortables non-durables car la société a été construite autour d’eux, par exemple les villes sont construites autour de la voiture, comme l’avait dénoncé de manière avant-gardiste Jane Jacobs aux USA en 1961. Dès lors, prendre son vélo à la place de l’auto est un choix couteux en termes de confort car les infrastructures urbaines et sociétales (pistes cyclables sécurisées, emplacements pour attacher son vélo, possibilité de prendre une douche au travail/école, …) ne sont pas mises en place pour les cyclistes mais bien pour les automobilistes. En découle qu’il faut fournir un effort actif et prendre la décision volontaire de perdre de son confort (de rapidité, de sécurité, d’intempéries…) au profit d’un moyen de déplacement durable de mobilité douce et ce au nom de notre envie de tendre vers plus de cohérence envers notre engagement climatique. Dans une analyse faite par le Centre Permanent pour la Citoyenneté et la Participation, l’avis a été demandé à des individus concernés par cette question des choix quotidiens faits afin d’apporter notre pierre à l’édifice. Voici un extrait qui corrobore notre version selon laquelle ”certaines habitudes piquent au début mais on s’y habitue“ : « Plus j’installe des choses de transition, plus j’y trouve du plaisir. Au début prendre mon vélo quand il faisait mauvais c’était dur et plus j’ai installé des choses, plus ça devient vraiment une source de joie. J’ai l’impression que c’est le début le plus dur, après ça devient agréable »20.

L’espoir réside donc dans le fait que certaines des décisions que l’on prend aujourd’hui consciemment deviennent des réflexes et ne soient dès lors plus une charge, en bref que les normes changent. Pour cela, certains militent afin que certains choix ne soient plus une option malgré le confort qu’ils apportent (auquel nous avons été habitués) et que des modalités durables soient mises en place afin de faciliter considérablement ce qui est encore source d’efforts comme par exemple prendre le vélo (dans les trains, en ville, …). Il s’agit d’augmenter la demande pour ce genre d’infrastructures afin qu’elles soient mises en place mais également, que les autorités publiques instaurent des aménagements qui vont encourager une plus grande utilisation de ces modalités afin d’en faciliter l’utilisation et qu’elles ne soient plus des difficultés à surmonter mais la norme (ex : prendre le vélo au Pays-Bas = la norme). Il ne suffit pas de punir les comportements peu durables mais leur opposer une  proposition d’alternatives convenables et accessibles. C’est donc une fois que les normes auront changé en matières des diverses possibilités de nos choix de tous les jours que la charge morale diminuera également (exemple de changements déjà d’application : les sacs plastiques à usages uniques).

La question est alors celle de l’œuf ou la poule : faut-il attendre que les modalités soient là pour s’y mettre ou, s’y mettre afin d’encourager le changement de modalités ? Libre à chacun de faire ses choix en fonction de ses catégories construites, et de son degré de cohérence voulu. Le tout est dans l’équilibre et de ne pas être dans une démarche paralysante, culpabilisante et démotivante pouvant mener à un épuisement et peut-être à un rejet face à de trop grandes difficultés.

Encore au rayon bonne nouvelle : on n’est pas tout seul

C’est alors qu’il est utile de se décentrer et de se souvenir que l’individu seul n’est pas le responsable n°1 de l’action climatique et que bien que cela peut arranger certaines entreprises que cette culpabilité incombe aux citoyens, il s’agit d’avoir des actions auX niveauX politiqueX, à tous les niveaux et des entreprises également afin d’avoir des actions à toutes les échelles et de réels changements favorables à un avenir durable pour l’humanité.

Le besoin de cohérence s’il devient une fin en soi est épuisant et nous peut nous égarer dans notre lutte climatique. Il fait changer la culpabilité de camps21. La responsabilité historique et d’action ne repose pas sur l’individu principalement. « Le problème de la surconsommation est un mythe promu par les grandes entreprises pour camoufler leur responsabilité dans la crise environnementale, selon l’auteur Arnaud Theurillat-Cloutier. 22 » Il s’agit de comprendre qu’une action multi niveaux de la part des sphères politiques et des entreprises au-delà de la société civile et ses individus est nécessaire. Greenpeace note dans ses missions justement l’importance de l’action de trois pôles d’acteurs principaux : “Nous agissons partout dans le monde pour exiger des actions fortes et différenciées des États, des entreprises et des populations. (…) Nous avons besoin d’agir individuellement et collectivement pour que la société dans son ensemble se rende compte qu’un changement radical de système est inévitable, et pour que les responsables politiques agissent. Cette prise de conscience collective passe par chacun·e d’entre nous.”23 Ici on lit donc bien le besoin primordial et combiné d’une action de la société civile qui passe par l’individu et le collectif afin d’interpeller le monde politique (normalement responsable de la gestion entre l’individuel et le commun24). Ce politique qui, dès lors, effectuera son travail de régulation de l’économie et passera des lois respectant les engagements pris lors des différents sommets afin de convenir de règles pour les entreprises.

Conclusion

Cette analyse souhaite mettre en lumière que le focus sur l’individu est une manière de détourner le regard des acteurs puissants . « La dimension systémique du risque climatique est également liée à la « tragédie des horizons » (Carney, 2015), les agents économiques n’internalisant pas les conséquences futures sur leurs propres activités de leurs comportements présents. Ainsi, ils ne se sentent pas concernés par des événements se situant au-delà de leur horizon de décision.»25. Il convient toutefois de nuancer le propos en ne suggérant pas une déresponsabilisation de l’individu car les politiques et les entreprises ne sauraient survivre sans les choix posés par les consommateurs que nous sommes. Il s’agit dès lors d’avoir une partie raisonnée d’attention à nos choix personnels (certains utilisent le terme : consommACTEUR). Effectivement un rejet de la part de responsabilité entrainerait un cautionnement du statu quo et de l’inaction climatique. Or en se sentant responsable, nous avons le poids (dont tout l‘art réside dans le fait qu‘il s‘agit d‘apprendre à équilibrer, précisément) de l’attention qu’il faut porter à changer et à choisir des alternatives à certains choix peu responsables et durables26. C’est cette charge mentale/morale et par extension notre volonté excessive de cohérence, qui mène à une pression démesurée. Il s’agit donc dans cet article de prôner la juste mesure. Comme le dit l’adage populaire : “l’excès nuit en tout”. Cet équilibre est essentiel à trouver car “il existe un lien entre l’efficacité et le niveau de stress, (…). Trop ou trop peu de peur réduit l’efficacité, tandis que le sommet de la courbe, le moment où l’efficacité est maximale, coïncide avec le niveau de peur intermédiaire. C’est la good anxiety, la bonne peur”. Il s’agit donc d’encourager la ”bonne” peur. Celle qui mobilise, indigne et donne de l’élan à une action et à des choix durables avec comme objectif “pousser les entreprises et les dirigeants politiques à prendre des décisions à la hauteur des enjeux.” 27

La question originelle de cet article qui était celle de savoir quelle est la logique d’avoir une gigantesque empreinte carbone28 afin de mener l’action climatique, est peut-être, in fine, une mauvaise question à se poser ? Car elle pose la question de la cohérence. Question qui est ici argumentée comme pouvant mener à un dépassement de soi, à l’encouragement de faire mieux, l’envie de s’informer mais également au désespoir de ne pas arriver à tout faire et à l’épuisement potentiel.

Mais cette réflexion peut-être est-elle justement judicieuse afin de remettre en perspective le choix de certaines associations de mobilité de jeunesse qui découragent et font parfois le choix de refuser des projets qui nécessitent la prise de transport polluant comme l’avion ? ou peut-être que cette question permet d’une fois encore se demander ce qu’il en est d’une taxation du kérosène ? Pourquoi est-ce que l’essence est taxée alors que le kérosène pas ? « Ce problème est pourtant traité avec une négligence sans pareille. Les taxes sur le kérosène sont interdites par les traités internationaux, ce qui est une manière unique d’encourager la pollution. Les émissions causées par les vols internationaux ne sont pas prises en compte par les accords de lutte contre le réchauffement de la planète et pour la réduction de la couche d’ozone. »29 Au final, que l’on choisisse de voler ou de ne pas voler, faire partie d’une expérience de mobilité internationale est un apprentissage riche et unique. Mais … faut-il encourager la mobilité limitrophe plutôt que les voyages de longues distances ? Faut-il compenser l’empreinte carbone ? si oui, comment ? Toutes ces réflexions sont utiles et traversent les acteurs concernés. Ces échanges ont lieu dans le cadre de la mobilité européenne et plus précisément via le programme Erasmus + qui met en place des remboursements plus importants, certes pas toujours suffisants mais soulignons l’intention déjà, pour les trajets « verts ». Ces questions sont aussi des moments d’introspection pour les agences nationales qui prennent part à ces programmes d’échange. Certaines décident de ne plus prendre l’avion, d’autres de rendre leurs évènements végétariens d’office, d’autres de compenser les trajets… Être cohérent est une tâche ardue mais, elle nous pousse à être plus en accord avec nos valeurs d’engagement climatique et à toujours s’améliorer tant qu’elle ne paralyse pas.

En ce qui concerne une piste de réponse à la question de la cohérence dans le cadre précis de l’échange auquel nous avons pris part en Tunisie, nous avons choisi de croire qu’il était sans doute incohérent sur certains aspects et émancipateur sur beaucoup d’autres. J’ai demandé aux jeunes leurs avis sur la question.

« Moi j’n’aurai pas d’enfants donc prendre l’avion c’est okay pour moi »

« J’aime pas le fait d’avoir pris l’avion mais j’ai vécu une telle expérience inoubliable et puis je suis végétarienne »

« Je reprends l’avion dans 3 jours, j’ai hâte d’expliquer à mes amis des US tout ce que j’ai appris »

En résumé, on s’accommode chacun·e à notre manière de nos incohérences tout en étant ravis·es d’avoir pris part à cet échange, car une expérience de terrain reste une plus-value indéniable.

Comme bien (trop) souvent, nous sortons avec peut-être plus que questions que de réponses, mais l’espoir de cet article est qu’il aura pu éclairer certain·es complexé·es de l’incohérence de leur engagement afin de leur proposer un apaisement et de leur redonner confiance en leur action. Dans cette analyse nous avons découvert différents apprentissages :

  • Il est humain de catégoriser et de vouloir diviser sa réalité. Dès lors pouvons-nous peut-être sortir de la binarité et créer des catégories variantes de celles “éco-responsable”, “non-éco-responsable”? Par exemple une catégorie “non-éco-responsable à 100% mais participe quand même à la lutte” peut ainsi être créée et nous apaiser et nous aider à faire face à nos illogismes.
  • Il est normal d’être inquiet·e face au dérèglement climatique qui se manifeste dorénavant chez nous et maintenant et de plus en plus.
  • Il est cohérent de vouloir mettre en place des actions individuelles afin de l’enrayer dans une logique de porter une pierre à l’édifice.
  • Il est nécessaire d’avoir une vision multiniveaux du changement et surtout de partager le poids de la culpabilité entre les différents acteurs responsables de la crise climatique actuelle.
  • Être cohérent·e sans être soit fanatique, soit épuisé·e. Ce qui n’est peut-être pas possible et donc pas un objectif à vouloir atteindre en soi.

Nombreux sont les philosophes qui tentent de nous aider à comprendre le monde et comment s’y faire. Allan Watts30 qui a écrit un livre sur la sagesse de l’insécurité, nous invite à accepter le chaos plutôt qu’à le « ranger » dans nos catégories donnant un semblant de contrôle et ce afin de trouver un moyen d’être en paix avec les incohérences du monde et de nous-même.

Le besoin et la volonté de cohérence sont de nobles cibles vers lesquelles il est essentiel de tendre afin de continuer à apprendre, s’améliorer mais sans en faire une fin en soi.

L’enjeu se situe une fois de plus, dans l’équilibre entre ce que l’on croit , ce que l’on fait , ce que l’on souhaite (une taxation du kérosène ?) et ce que l’on peut.

 


Notes :

* (¹) Loco = fou en espagnol.

2 Selon le Larousse : « Système économique dont les traits essentiels sont l’importance des capitaux techniques et la domination du capital financier. » [en ligne :] https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/capitalisme/12906 consulté le 21 août 2023

3 En référence au mouvement NIMBY : Not In My Backyard “Au cours des dernières décennies, on a souvent constaté des mouvements d’opposition, individuels ou collectifs, à la réalisation d’ouvrages présentant un intérêt public. On a regroupé ces attitudes sous le terme de « phénomène Nimby », acronyme de l’expression anglaise « Not In My Backyard », qu’on traduit en français par « Pas de ça dans mon jardin ! », ou « Pas de ça chez moi ! ». Ce terme rendrait compte d’une réaction courante qui amène à rejeter l’installation de ces ouvrages près de chez soi, même si, sur le plan des principes, on est d’accord sur leur utilité. Les réponses « Nimby » s’appliquent à une grande variété d’installations d’intérêt général, qu’il s’agisse d’équipements collectifs (infrastructures de transport routier et ferroviaire, réseaux d’approvisionnement en énergie, comme les barrages, les ouvrages de transport d’électricité) ou d’ouvrages nécessaires à la gestion de l’environnement, notamment les sites de traitement et d’enfouissement des déchets.   
Les oppositions collectives sont justifiées par les dommages que ces ouvrages pourraient entraîner pour les voisins. Il peut s’agir de risques encourus par les riverains, allant de gênes sensorielles (sonores, visuelles ou olfactives) à des risques pour la santé engendrés par les pollutions causées par les ouvrages et leur utilisation, de perturbations du milieu environnant (par exemple la création de champs électromagnétiques par les lignes de haute tension, les dégagements nuisibles résultant de processus chimiques comme dans le cas des dépôts de déchets, etc…” Jodelet, D. (2001). Le phénomène Nimby. Dans : Michel Boyer éd., L’Environnement, question sociale : Dix ans de recherche pour le ministère de l’Environnement (pp. 91-97). Paris : Odile Jacob. https://doi.org/10.3917/oj.roche.2001.01.0091

4 L’usage des guillemets est de rigueur étant l’accélération des occurrences de phénomènes climatiques à cause de l’activité humaine sur le climat et la gestion politique desdites ‘crises’ qui n’ont plus grand chose de “naturel” cfr. La gestion de l’ouragan Katerina où une partie de la ville de la Nouvelle Orléans a été sacrifiée afin de limiter les dégâts des quartiers plus aisés. (“Une catastrophe « naturelle » est, fondamentalement, une catastrophe « humaine » en ce qu’elle résulte de choix d’exposition ou non à l’aléa. La question sous-jacente est celle de l’acceptabilité du risque, notion éminemment variable” source : Katrina et la Nouvelle-Orléans : entre risque « naturel » et aménagement par l’absurde https://doi.org/10.4000/cybergeo.90 consulté le 21.08.23

5 “De la guerre en Ukraine à la présidentielle française, de l’été caniculaire à la Coupe du monde au Quatar, en passant par le 20ème Congrès du Parti communiste chinois et les élections de mi-mandat aux Etats-Unis, … » (courrier international n°1676 janvier 2023, p 4)

6 Ce n’était que des femmes

La charge mentale, c’est la charge cognitive invisible que représentent la planification, l’organisation et la gestion de tout ce qui se situe dans la sphère domestique (tâches ménagères, rendez-vous, achats, soins aux enfants, etc.) et qui, chez les couples hétérosexuels[2], échoit généralement aux femmes en plus de leur activité professionnelle. (…) Et ce travail invisible prend énormément de temps et d’énergie psychique; il génère davantage de stress que l’accomplissement des tâches domestiques comme telles, la charge mentale accompagnant les femmes au boulot et dans toutes leurs activités. Or, de nombreux articles et témoignages récents[3] indiquent qu’à cette charge mentale (domestique) s’ajoute désormais une nouvelle charge morale : une pression supplémentaire est mise sur les épaules des femmes qui deviennent de facto les principales garantes de la conduite écoresponsable des ménages.” https://fec.lacsq.org/2020/02/06/pratiques-ecoresponsables-une-nouvelle-charge-mentale-pour-les-femmes/ consulté le 1 aout 2023

Lire aussi : cfr. Cultivons le futur n°6 Automne 2021, article p 30-31 “Femmes écolos : toutes soumises à la charge morale ou leaders du changement ?”

7 « (…) Ainsi, dès lors qu’un objet nouveau est identifié comme relevant d’une catégorie familière, les propriétés partagées par les membres de la catégorie lui sont aussitôt attribuées et permettent d’interagir efficacement avec lui » « Développement de la catégorisation », Universalis [en ligne :] https://www.universalis.fr/encyclopedie/developpement-de-la-categorisation/ consulté le 31 juillet 2023

8 (cfr. La notion de « construction sociale » ex : le genre est une catégorie construite par la société)

9 « Notre cerveau fonctionne-t-il à l’insu de notre plein gré ? » [en ligne :] https://www.rtbf.be/article/notre-cerveau-fonctionne-t-il-a-l-insu-de-notre-plein-gre-9801474 consulté le 1er août 2023

10 https://www.courrierinternational.com/article/la-pilule-philosophique-je-suis-incoherent-et-alors consulté le 27/07/2023

11 https://www.courrierinternational.com/article/la-personne-a-suivre-alaina-wood-la-scientifique-qui-lutte-contre-l-ecoanxiete-et-le-nihilisme-climatique consulté le 27/07/2023

12 https://www.courrierinternational.com/article/la-une-de-lhebdo-la-face-sombre-de-la-transition-ecologique consulté le 1er août 2o23

13 https://www.jean-jaures.org/publication/eco-anxiete-analyse-dune-angoisse-contemporaine/ consulté le 09/08/23

14 cfr. la théorie du « finite pool of worry » émise par le Center for Research on Environmental Decisions

15 Thomas Alexia, Le changement climatique ? Oui. Le changement tout court ? Non, Bruxelles : CPCP, Analyse n°371, 2019, [en ligne :] http://www.cpcp.be/publications/changement-climat.

16 Clerc, L. (2021). Prise de conscience du risque climatique et de sa dimension systémique. Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 102, 6-9. https://doi.org/10.3917/re1.102.0006

17 « L’ère des mégamenaces », 2023, Courrier International [en ligne :] https://www.courrierinternational.com/system/files/magazine/h1679.pdf consulté le 22 août 2023

18 « Comment les industriels ont abandonné le système de la consigne. Eh bien, recyclez maintenant ! » février 2019, Le Monde Diplomatique [en ligne :] https://www.monde-diplomatique.fr/2019/02/CHAMAYOU/59563 consulté le 22 août 2023

19 « Notre cerveau fonctionne-t-il à l’insu de notre plein gré ? », DATE, RTBF [en ligne :] https://www.rtbf.be/article/notre-cerveau-fonctionne-t-il-a-l-insu-de-notre-plein-gre-9801474 consulté le 10 août 2023

20 Vanhèse Louise, Entre éco-consommation et carpe diem, comment les Belges vivent l’urgence climatique, Bruxelles : CPCP, Analyse n° 463, 2022, [en ligne :] http://www.cpcp.be/publications/ecoconso-carpe-diem. Consulté le 9/08/23

21 ”Le culpabilité environnementale doit changer de camp : des consommateurs aux entreprises capitalistes ” (https://ecosociete.org/livres/pour-une-ecologie-du-99) ”Il faut libérer les consommateurs de l’écoanxiété. Le problème de la surconsommation est un mythe promu par les grandes entreprises pour camoufler leur responsabilité dans la crise environnementale, selon l’auteur Arnaud Theurillat-Cloutier.

22 https://pivot.quebec/2021/10/12/il-faut-liberer-les-consommateurs-de-lecoanxiete/ consulté le 1er août 2023

23 « Climat : Changer nos habitudes ou le système ? » 2019, Greenpeace [en ligne :] https://www.greenpeace.fr/climat-changer-nos-habitudes-ou-le-systeme/ consulté le 1er août 2023

24 Ce qui pose toute la question également des biens communs et d’un besoin de régulation de denrées comme l’eau afin de la définir comme un bien commun et non un bien privatisable comme cela l’est actuellement. (ex : Vittel, Evian, …)

25 « … À l’exception de l’horizon de décision des investisseurs institutionnels qui couvre plusieurs décennies, celui de la finance est généralement très court : celui des traders algorithmiques est de l’ordre de la nanoseconde ; les assureurs renouvellent leurs polices tous les ans sur la base des événements observés dans l’année ; les banquiers enregistrent une rotation des prêts qu’ils accordent en moyenne de 3 à 5 ans pour les entreprises et de 7 à 8 ans pour les ménages. Toutes ces positions devront cependant être renouvelées et refinancées à des coûts croissants. » Clerc, L. (2021). Prise de conscience du risque climatique et de sa dimension systémique. Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 102, 6-9. https://doi.org/10.3917/re1.102.0006

26 “durable” entendu dans le sens du rapport Brundtland (1987) : Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre à leurs propres besoins.

27 « Climat : La génération qui s’y colle » 2022, Le Courrier International [en ligne :] https://www.courrierinternational.com/article/a-la-une-de-l-hebdo-climat-la-generation-qui-s-y-colle#:~:text=%E2%80%9CDepuis%202020%2C%20pr%C3%A8s%20de%20500,pour%20les%20dommages%20li%C3%A9s%20 au consulté le 7 août 2023

28 0,46 tonnes de CO2 pour l’aller-retour Bruxelles-Tunis, alors que sur un an il est recommandé de ne pas dépasser le 0,6 tonnes de CO2…

29 https://www.courrierinternational.com/article/2001/09/13/destruction-de-la-planete-embarquement-immediat consulté le 3/08/2023

30 “Wisdom of Insecurity : A Message for an Age of Anxiety” 1951, Allan Watts.

Agroécologie, processus participatifs et droits. Expériences avec des familles et des communautés paysannes au Pérou et en Bolivie

*Article publié dans le magazine Leisa: https://leisa-al.org/web/revista/volumen-38-numero-01/

 

WALTER CHAMOCHUMBI, DIANA SANTOS, ERIC CAPOEN

L’intervention du programme Interagir avec des territoires vivants (2017-2021) au Pérou et en Bolivie a-t-elle contribué, depuis l’agroécologie, à l’exercice des droits des agriculteurs familiaux par rapport à leur alimentation, à la prise en charge de l’environnement et des ressources naturelles, et à la réduction des inégalités de genre ??

Pour répondre à cette première question, nous partons de l’accompagnement et de l’inter-apprentissage générés avec les familles paysannes, les communautés et les peuples natifs installés dans les territoires des hautes zones andines et de l’Amazonie du Pérou et de la Bolivie. Cet accompagnement a lieu tout au long de leur transition complexe de l’agriculture traditionnelle à l’agroécologie, à la recherche d’une alimentation saine, avec une gestion territoriale et environnementale, ainsi que dans la réduction des écarts sociaux entre les sexes.

Le programme Interagir avec des territoires vivants (ITV, voir encadré) est le résultat d’expériences antérieures avec d’autres projets de promotion de l’agroécologie et de gestion territoriale participative dans la région andine, coordonnés par l’organisation non gouvernementale belge Eclosio, qui ont servi de base au programme ITV (2017-2021) mis en œuvre par neuf partenaires/associés : cinq au Pérou (Consorcio Agroecológico Peruano – CAP, Centro Peruano de Estudios Sociales – CEPES, Diaconia – Asociación evangélica luterana de ayuda para el desarrollo comunal, Junta de Desarrollo Distrital de Pamparomás – JDDP et Grupo Género y Economía – GGE) et quatre en Bolivie (Asociación de Promotores de Salud del Área Rural – APROSAR, Fundación TIERRA, Asociación de Organizaciones de Productores Ecológicos de Bolivia – AOPEB et Red Boliviana de Mujeres Transformando la Economía – REMTE).

Ces organisations ont favorisé de nouvelles approches et des méthodes participatives pour aborder la réalité rurale. Elles se sont basées sur les problèmes et les dynamiques socio-territoriales des familles paysannes à faibles revenus, qui vivent principalement de l’agriculture traditionnelle et de l’élevage extensif dans différents écosystèmes et qui sont éloignées du plein exercice de leurs droits.

Le programme ITV a mené des actions de plaidoyer et d’articulation multi-acteurs d’envergure nationale dans les deux pays, ainsi que des actions locales dans cinq territoires ruraux au Pérou (municipalités de La Merced et Pamparomás dans la région d’Ancash) et dans trois territoires ruraux en Bolivie (municipalités de Taraco dans l’Altiplano et Palos Blancos dans Sud Yungas, dans le département de La Paz ; et la municipalité de Salinas dans l’Altiplano, dans le département d’Oruro).

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Genre et développement, partout et nulle part ? – Analyse

 


Une analyse de Clémence VANOMMESLAEGHE, chargée de programme Sud et référente genre chez Eclosio. 

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Défini dans les années 1970 comme catégorie d’analyse des rapports de pouvoir entre les sexes, le « genre » s’inscrit progressivement dans le vocabulaire des programmes de coopération. Mobilisé par les mouvements féministes pour palier à l’invisibilisation du rôle et du travail des femmes, le concept de « gender mainstreaming », soit l’intégration du « genre » quelle que soit l’action planifiée, s’impose au sein des politiques et programmes de développement dès 1995, lors de la quatrième conférence des Nations Unies sur les femmes et le développement à Pékin.

Cette mise à l’agenda international de la notion de « genre » se traduit petit à petit dans les pratiques et le discours sur le développement. En tant qu’ONG, il nous est en effet aujourd’hui demandé, par la plupart de nos bailleurs de fond, de prendre en compte les inégalités femmes-hommes lors de la formulation puis la mise œuvre de projets. Cette exigence se heurte cependant encore souvent à un manque de connaissance, de compréhension ou même d’intérêt pour cette analyse de la part du personnel des ONG, des partenaires ou des personnes associées à notre action.

De façon parfois concomitante et contradictoire, peuvent s’observer :

1. le rejet d’une exigence considérée eurocentrée

2. la critique d’un concept vidé de sa substance et

3. la demande croissante d’expertise en «genre ».

Le mot « genre » suscite encore résistance, méfiance ou ennui selon qu’il soit considéré comme imposé, politiquement correct mais inutile ou ascientifique. Employée comme « référente genre » pour Eclosio au Sénégal puis en Belgique pendant quelques années, j’ai pu tant observer ces réactions chez certain·e·s de mes interlocuteur·trice·s qu’adopter moi-même ces postures. Les réflexions qui suivent se basent donc sur mon expérience. Différents travaux de chercheur·se·s en sciences sociales sont sollicités afin de répondre à ce point de vue.

(1) Un concept occidental ?

Parmi les critiques les plus récurrentes adressées au concept de genre, figure celle d’être avant tout un concept occidental, peu adapté aux réalités sociales locales visées par les projets de développement. Alors qu’il existe en Afrique ou en Amérique Latine une longue tradition de lutte pour l’émancipation des femmes (Martínez Andrade, 2019, Falquet, 2011), l’institutionnalisation progressive du genre a aussi mené à l’invisibilisation de certain·e·s acteur·trice·s du Sud. L’inégalité entre les sexes reste dès lors souvent perçue comme une préoccupation du Nord, moins prioritaire que l’amélioration du niveau de vie des femmes (Sow, 2012). Les concepts et analyses mobilisés sont par ailleurs jugés peu adaptés aux catégories sociales ou institutions locales.

Etant de plus en plus conditionnée à l’octroi de financement, la « prise en compte du genre » apparait alors comme une thématique imposée par des acteurs externes dominants et non plus comme un cadre d’analyse pertinent pour appréhender les phénomènes sociaux. « Prendre en compte le genre » dans les actions de développement est davantage associé à des prescriptions normatives plutôt qu’à des revendications de droits (Verschuur, 2009). Face aux risques de rejet, les personnes en charge de la mise en œuvre des projets adoptent alors différentes attitudes et stratégies dont celle de « faire du genre » sans évoquer le mot « genre ». Celui-ci est en effet perçu comme trop clivant et connoté négativement auprès des populations, partenaires ou autorités locales dont l’adhésion est essentielle à la réussite du projet.

Pour une personne expatriée travaillant dans un pays du « Sud », surgit rapidement la critique de vouloir imposer les valeurs dominantes du monde occidental, de manquer de connaissance du contexte culturel ou de légitimé à intervenir sur ces sujets. Pour le personnel local, travailler à la promotion de l’égalité femmes-hommes représente parfois le risque d’être perçu comme allant à l’encontre de sa propre culture, religion ou tradition, voire celui de devenir un « traitre » au sein de sa communauté (Mukhopadhyay 1995).

Cette perception du genre comme une tentative d’« occidentalisation » ignore le plus souvent l’histoire et les combats féministes autochtones. Au Sénégal, plusieurs exemples démontrent que les femmes occupaient des positions de pouvoir avant que le modèle colonial ne les exclue du champ politique et économique (Sarr, 2009). D’une part, ces exemples s’opposent à l’image homogénéisante des « femmes du Sud », victimes, vulnérables, sans ressources et sans capacités de décision ou de transformation sociale. D’autre part, ils invitent à questionner l’origine du savoir et les asymétries entre sociétés ex-coloniales et ex-colonisées dans la production de savoir sur le genre et le champ académique en général.

(2) Un concept inoffensif ?

Si donc les revendications des mouvements féministes ont permis de faire émerger la thématique du genre au sein des instances internationales, cette reconnaissance a cependant aussi signifié une transformation des revendications. Car, pour permettre que les enjeux de genre soient intégrés aux priorités de développement, le discours politique a fait place à un discours technique. « Gender advocates have had to make a case for integration of gender issues by showing how this would benefit the organisation and meet official development priorities.  […] The challenge that feminist advocates in development have faced and continue to face is that their work straddles both worlds – the technical and political – but the development business only tolerates the technical role.» 1

Prendre en compte le genre dans des actions de développement est souvent réduit à l’utilisation de quelques « outils » (diagnostic, indicateurs, budget, …). Différents mouvements sociaux soulignent donc la perte de contenu du concept de « genre », « un terme considéré comme un buzzword, voire un fuzzword, employé par les bureaucraties onusiennes (Cornwall 2007). Alors même qu’il avait été forgé par des chercheures féministes, ce concept a perdu sa portée analytique dès lors qu’il a été récupéré par ces institutions.» 2 Le « gender mainstreaming » se révèle alors un instrument au mieux superflu, au pire dommageable en ce qu’il permet de revendiquer travailler à la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes alors qu’il n’amène que peu ou pas de changement.

Car « faire du genre » ne se réduit pas à appliquer une méthode de gestion de projet permettant de s’assurer de sa « prise en compte transversale » mais devrait permettre de questionner les rapports de pouvoir qui produisent et perpétuent les inégalités entre les femmes et les hommes, entre femmes et entre hommes, notamment dans le développement. Or la transformation de ces rapports de pouvoir et l’égalité entre les groupes sociaux est rarement reconnue explicitement comme objectif des programmes de développement, sauf comme une condition pour la réduction de la pauvreté, l’amélioration de la santé ou l’augmentation des revenus des ménages.

« Si le concept genre, tel qu’il a été élaboré par des universitaires des sciences sociales, comprend la notion de pouvoir, au cœur des rapports entre hommes et femmes, dans les programmes de coopération cette notion de pouvoir n’est pas réellement abordée, pas plus que le problème des inégalités structurelles. »3 Cette tendance s’observe également au sein des projets visant l’ « empowerment » de femmes, censés renouveler l’approche « genre et développement » dans la coopération. « Si dans sa conception initiale l’empowerment est un processus complexe et multidimensionnel mettant l’accent sur les dimensions individuelles et collectives du pouvoir, la cooptation du terme dans le discours dominant sur le développement s’est accompagnée d’une individualisation de la notion de pouvoir. L’empowerment est devenu synonyme de capacité individuelle, réalisation et statut. … on passe de « l’empowerment libérateur » à « l’empowerment libéral » axé, celui-ci, sur la maximisation de l’intérêt individuel. »4

(3) Un concept d’expert·e·s

Malgré ces limites, la demande des institutions et bailleurs internationaux à justifier de la prise en compte du genre dans les projets de développement n’a fait que croitre. Cette exigence a mené à l’émergence de nombreux « expert·e·s genre » dont les profils varient. Etant donné les demandes d’accompagnement des ONG qui se sentent parfois peu à même de traiter des questions de genre, ces expert·e·s sont régulièrement sollicité·e·s. Un nouveau champ d’expertise en « genre et développement » se développe donc, à la croisée des secteurs académique et de la coopération.

Ce rapprochement n’est pas exempt de tensions. D’une part, les projets de développement représentent souvent une opportunité économique importante pour les chercheur·s·es en étude de genre. « L’entrelacement des trajectoires universitaires et des trajectoires d’expertise renforce la dépendance des productrices de savoirs sur le genre vis-à-vis des programmes des agences de développement. »5 D’autre part, comme mentionné plus haut, il est parfois reproché aux « expert·e·s en genre » de promouvoir un agenda néolibéral au détriment des revendications féministes, contribuant à la technicisation et la dépolitisation des enjeux (Desai 2007). Enfin, cette expertise est « le plus souvent le fait de femmes, des actrices toujours perçues comme apriori moins légitimes dans l’espace politique, social et intellectuel, parce que leur objet d’investigation est socialement déconsidéré, source de malentendu ou encore largement méconnu. »6

Quelles perspectives ?

De ce constat, assez négatif, il est toutefois possible de faire émerger des pistes de travail intéressantes, dont certaines font déjà l’objet de réflexion ou sont d’application dans nos projets :

  1. Si l’on entend le concept de genre comme l’analyse des rapports de pouvoir, il doit alors aussi permettre de porter un regard critique sur les questions coloniales. Il ne doit pas signifier « ajouter les femmes » au sein des projets de développement mais plutôt questionner les paradigmes dominants. Ce questionnement exige la prise en compte d’autres points de vue que ceux de la pensée féministe occidentale. Reconnaitre et valoriser la parole des mouvements sociaux et militantes des pays du Sud peut par exemple permettre de redonner du sens aux mots et enjeux de l’agenda international. A l’échelle d’une ONG, cela signifie également promouvoir les échanges et la prise de parole de nos collègues du Sud sur cette thématique.
  2. L’institutionnalisation du genre, sa « banalisation » au sein du secteur de la coopération permet de mettre en lumière le lien entre savoir et action politique. Les connaissances en « genre et développement » se développant à l’intersection entre pratique et théorie, elles invitent à assumer qu’aucun n’objet de recherche n’est neutre. En tant qu’ONG (universitaire), cela nous offre l’opportunité de défendre un nécessaire changement vers plus d’égalité, tout en faisant preuve d’une réflexivité rigoureuse au service de la production de savoirs reconnaissant l’apport des personnes « sur le terrain » et de leur pratique.
  3. Le développement de l’offre d’expertise en genre peut être au service des deux précédents points. Il permet en effet la multiplication des points de vue et prises de paroles, situées, contextualisées et ancrées dans l’expérience. C’est aussi l’opportunité de valoriser une expertise souvent détenue par les femmes et de reconnaitre les savoir-faire ou stratégies développées dans la mise en œuvre des projets pour redonner sens à ces notions.

 


Notes :

1 Christine VERSCHUUR, « Je ne suis pas une experte en genre. Colonialité des savoirs et troubles dans les rapports entre féminismes et « expertes en genre » en Colombie », sous la direction de C. VERSCHUUR, Qui sait ? Expertes en genre et connaissances féministes sur le développement, Paris, L’Harmattan, Collection Genre et développement, 2017, p. 29.

2 Maitrayee MUKHOPADHYAY, « Mainstreaming Gender or “streaming” Gender Away: Feminists Marooned in the Development Business », IDS Bulletin, 35/4 (2004) – Trad : “ Les défenseurs de l’intégration des questions de genre ont dû en démontrant en quoi cela profiterait à l’organisation et répondrait aux priorités officielles en matière de développement. […]  Le défi auquel les féministes dans le domaine du développement ont été confrontées et continuent de l’être est que leur travail se situe à cheval sur les deux mondes – technique et politique – mais que le secteur du développement ne tolère que le rôle technique. »

3 Christine VERSCHUUR. « Quel genre ? Résistances et mésententes autour du mot « genre » dans le développement », Revue Tiers Monde, 200/4 (2009), p.796.

4 Anne-Emmanuèle CALVÈS, « « Empowerment » : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement », Regards croisés sur l’économie, 15/2 (2014), p. 312.

5 Lucia DIRENBERGER, Yvette ONIBON DOUBOGAN, « Les universitaires béninoises face aux hiérarchies dans la production des savoirs francophones sur le genre », Genre, sexualité & société, 27 (2022).

6 Tania ANGELOFF, « Le genre : une expertise comme les autres ? », sous la direction de C. VERSCHUUR, Qui sait ? Expertes en genre et connaissances féministes sur le développement, Paris, L’Harmattan, Collection Genre et développement, 2017, p. 120.

 


Bibliographie

Tania ANGELOFF, « Le genre : une expertise comme les autres ? », sous la direction de C. VERSCHUUR, Qui sait ? Expertes en genre et connaissances féministes sur le développement, Paris, L’Harmattan, Collection Genre et développement, 2017, p. 113-125.

Anne-Emmanuèle CALVÈS, « « Empowerment » : généalogie d’un concept clé du discours contemporain sur le développement », Regards croisés sur l’économie, 15/2 (2014), p. 306-321.

Manisha DESAI, « The Messy Relationship Between Feminisms and Globalizations », Gender & Society, 21/6 (2017), p. 797–803.

Lucia DIRENBERGER, Yvette ONIBON DOUBOGAN, « Les universitaires béninoises face aux hiérarchies dans la production des savoirs francophones sur le genre », Genre, sexualité & société, 27 (2022).

Rahel KUNZ, « Beyond depoliticisation: the multiple politics of gender expertise », sous la direction de C. VERSCHUUR, Qui sait ? Expertes en genre et connaissances féministes sur le développement, Paris, L’Harmattan, Collection Genre et développement, 2017, p. 73-87.

Maitrayee MUKHOPADHYAY, « Gender Relations, Development Practice and ‘Culture’», Gender and Development, 3/1 (1995), p. 13-18.

Maitrayee MUKHOPADHYAY, « Mainstreaming Gender or “streaming” Gender Away: Feminists Marooned in the Development Business », IDS Bulletin, 35/4 (2004), p. 95-103.

Fatou SOW, « Mouvements féministes en Afrique », Revue Tiers Monde, 209/1 (2012), p. 145-160.

Christine VERSCHUUR. « Quel genre ? Résistances et mésententes autour du mot « genre » dans le développement », Revue Tiers Monde, 200/4 (2009), p. 785-803.

Christine VERSCHUUR, « Une histoire du développement au prisme du genre. Perspectives féministes et décoloniales », Sous le développement, le genre, Marseille, IRD Éditions, 2015, p. 43-71

Christine VERSCHUUR, « Je ne suis pas une experte en genre. Colonialité des savoirs et troubles dans les rapports entre féminismes et « expertes en genre » en Colombie », sous la direction de C. VERSCHUUR, Qui sait ? Expertes en genre et connaissances féministes sur le développement, Paris, L’Harmattan, Collection Genre et développement, 2017, p. 25-72.

Christine VERSCHUUR, Blandine DESTREMAU, « Féminismes décoloniaux, genre et développement. Histoire et récits des mouvements de femmes et des féminismes aux Suds », Revue Tiers Monde, 2012/1 (n°209), p. 7-18.

Décryptage des ODD à Hammamet avec RECIT’ODD

Adoptés en 2015, les Objectifs de développement durable (ODD) crystalisent un engagement des Nations Unies à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la Planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité d’ici à 2030.

Ces ODD, parfois peu connus voir trop généraux pour être bien compris, ont été étudiés et débattus avec 23 jeunes à l’occasion de la rencontre RECIT’ODD. Retour sur cette semaine haute en couleurs en Tunisie, au bord de la mer Méditerranée !

RECIT’ODD, mais qu’est-ce donc ?

RECIT’ODD, de son nom complet “Regards croisés et interculturels sur les ODD”, est une semaine d’échange international qui s’est déroulée la première semaine de juillet à Hammamet en Tunisie. Ce projet porté par Engagé-es & Déterminé-es (France), avec le soutien du Carrefour Associatif et la JEC (Maroc), Tunisian Forum for Youth Empowerment (Tunisie) et Eclosio (Belgique), tournait autour de la question de l’appropriation par les jeunes des Objectifs de développement durable.

En effet, face à l‘accélération du dérèglement climatique, à l’agrandissement des inégalités dans le monde, à la plus grande visibilité des différents problèmes mondiaux et de leur interdépendance, les participant·es ont pu débattre de l’utilité des ODD. Ils et elles ont également discuté de l’importance d’une action globale, questionné le rôle des individus, des entreprises et des politiques, tout cela afin d’atteindre les différents objectifs ratifiés par les Nations Unies. Une rencontre qui s’est déroulée grâce au soutien du programme Erasmus + de l’Union Européenne.

Bannière RECIT'ODD

Une démarche avant tout croisée et interculturelle

Le cœur de cet échange est basé sur des rencontres riches où les différents individus, issus de différents horizons, forment une mini communauté le temps d’une semaine. Cette notion de rencontre interculturelle est particulièrement chère à nos différentes organisations, étant donné tout ce qu’elle nous apprend sur l’importance de la décentration et de l’ouverture d’esprit. RECIT’ODD était donc avant tout un moment de découverte de l’altérité qui restera gravé dans la mémoire des participant·es de par les amitiés formées au sein de nos 4 pays.  

“La partie interculturelle était évidemment ma partie préférée, par exemple les temps informels et les travaux en groupe, car les échanges étaient très enrichissants.”

atelier sur les ODD

Mieux comprendre les idées à l’origine de chaque ODD

Nous avons eu l’honneur d’avoir comme intervenante Radhia Louhichi, experte de la société civile sur les questions environnementales. Elle nous a présenté la définition du développement durable tel que définie dans le rapport Brundtland de 1987. Il s’agit “d’un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.” Cette phrase fondatrice de l’échange nous a permis de nous immerger rapidement dans les différents objectifs de développement durable.  

“Cet échange m’a permis de mieux comprendre leurs rôles (des ODD) et surtout la manière dont ils interagissent. Avant l’échange, j’étais surtout sensibilisée à l’aspect écologique et je ne comprenais pas tellement l’intérêt des objectifs liés au social (je ne le retrouvais pas dans la dénomination « ODD »). Cet échange m’a permis de mieux comprendre cela.” 

S’outiller pour mieux sensibiliser

Un des objectifs de cet échange était de co-créer des outils de sensibilisation autour des ODD. Ainsi, les participant·es ont développé 4 idées d’outils : le théâtre de rue, le kit pédagogique, le teambuilding conscient et le vidéo-débat. Ces outils restent encore à peaufiner et à adapter aux publics ciblés par chaque association dans leurs différents pays, mais ils sont déjà de très bonnes bases d’animations accessibles autant aux plus jeunes (12 ans) qu’aux plus âgés (90+).  Par exemple, le théâtre de rue vise à interpeller ludiquement des passants afin de les inviter à la réflexion quant à l’importance des ODD. Le kit pédagogique, quant à lui, offre des idées d’animation variées tel qu’un memory, un photolangage ou un quizz. Le teambuilding propose une activité d’équipe qui soude et permet de faire des liens avec l’interdépendance des ODD. Finalement le vidéo-débat, permet de transmettre de l’information ciblée sur 3 ODD en invitant à suivre des pistes d’action.  Ces 4 outils ludiques sont basés sur les principes de l’Education à la Citoyenneté et à la Solidarité Internationale (ECSI), appelé aussi Éducation à la Citoyenneté Mondiale et Solidaire en Belgique (ECMS). Ils invitent à une approche horizontale de la construction des savoirs et à la mise en action des participant·es.  

Ce projet assez important m’a permis d’avoir des outils de mobilisation dans le sens où je peux travailler un événement ou une animation de A jusqu’à Z en utilisant des outils de sensibilisation”

co-construction d'outils de sensibilisation sur les ODD

En immersion culturelle à Hammamet

Toute rencontre interculturelle perdrait son essence, sans des moments offs pour partir à la découverte du pays d’accueil. Que ce soit par des balades à Hammamet ou par des soirées interculturelles pour voyager en musique, en danse ou en cuisine, RECIT’ODD a aussi fait la part belle à la rencontre informelle. Ces moments étaient en effet l’espace idéal pour stimuler la curiosité interculturelle et la création de liens internationaux.

soirée interculturelle RECIT'ODDrepas RECIT'ODD

visite Hammamet

Vers une citoyenneté mondiale et solidaire

En présentant le cadre institutionnel dans lequel les ODD s’inscrivent, et le rôle de levier que ceux-ci jouent pour stimuler le changement sociétal, Recit’ODD aura été l’occasion d’approfondir la connaissance autour d’enjeux essentiels d’aujourd’hui et de demain. Cette expérience forte servira d’inspiration aux jeunes afin qu’ils et elles puissent aussi devenir les relais d’une citoyenneté mondiale et solidaire !

“Spread the Word. Cet échange a permis de tous nous conscientiser et de montrer l’importance de partager l’information pour que tout le monde puisse agir et lui-même passer le flambeau.”  

Groupe RECIT ODD

 


Co-financé par la Commission Européenne

Logo European Commission

Avec le soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles

 

Rapport d’activités 2022

Eclosio en 2022, ce sont :

  • 51.701 bénéficiaires et participant.e.s à nos actions
  • 38 projets
  • 73 partenaires
  • 88 salarié.e.s
  • 1.331 participant.e.s aux activités d’éducation citoyenne en Belgique

Et encore de belles perspectives à venir !

Découvrez nos actions en 2022 dans ce rapport d’activités.

Vers la transition agroécologique, l’insertion socioéconomique de populations fragilisées et un engagement citoyen face aux enjeux sociétaux et climatiques