Héloïse & JAGROS : clap de fin sur 6 années d’expérience !

Depuis 2011, JAGROS, alias Jeunes Agros & Souveraineté alimentaire, s’invite tout au long de l’année dans 5 hautes écoles de Wallonie. Le projet a pour but de sensibiliser les étudiant·es en agronomie sur une thématique qui n’est pas des moindres : la souveraineté alimentaire. Plus de 10 ans plus tard, riche de 6 années d’implication dans le projet, Héloïse nous dévoile son expérience.

Héloïse & JAGROS : clap de fin sur 6 années d’expérience !
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Héloïse tourne la page de JAGROS… Et d’Eclosio!

C’est avec émotion que l’aventure JAGROS, mais aussi Eclosio, se clôture pour notre collègue Héloïse Blondeel, qui a pendant six belles années non seulement travaillé au sein de notre équipe d’éducation citoyenne mais également porté à bras le corps ce projet phare impliquant les diverses hautes écoles agronomiques wallonnes (HEPN, HEPL, heCH, HELHa, HE Condorcet) aux côtés des étudiant·es et du corps pédagogique, mais également des ONG partenaires Humundi (ex-SOS Faim) et Vétérinaires Sans Frontières (VSF).

Aujourd’hui envolée vers d’autres horizons professionnels, nous avons pris soin de recueillir un retour d’expérience avant la fin de son aventure chez Eclosio, de sorte de ne rien perdre de ses apprentissages et réflexions. Découvrez ici son témoignage, à l’issue de 6 années passées à sillonner la Wallonie pour soutenir la sensibilisation à la souveraineté alimentaire.

Nous lui sommes infiniment reconnaissant pour toute son énergie, son dévouement, sa passion et son amitié pendant 7 années dans notre équipe d’éducation citoyenne !

Souveraineté alimentaire : il s’agit du droit des populations et des pays de définir leurs propres politiques alimentaires et agricoles. Ces politiques doivent être écologiquement, socialement, économiquement et culturellement adaptées à chaque contexte spécifique et ne pas menacer la souveraineté alimentaire d’autres pays.

 

Jagros 2018 à Charleroi

Jagros 2018 à Charleroi – Introduction à la souveraineté alimentaire

 

Sens et motivation

Pourquoi ce projet avait-il du sens pour toi ?

Parce que j’ai pu voir avec mes années d’expérience ici qu’il y avait un changement de mentalité entre le moment où je suis arrivée chez ADG (avant une fusion vers Eclosio) et aujourd’hui, sur la connaissance de ce qu’est l’agroécologie, par exemple. Entre 2016 et 2020, j’ai vraiment vu une évolution dans les hautes écoles. Les jeunes étaient plus conscient·es du besoin général de retourner vers une agriculture plus durable.

Le projet JAGROS permettait justement de prolonger cette conscientisation, d’informer les jeunes mais aussi de donner des clés et renforcer ceux et celles qui se mobilisent, pour qu’ils et elles puissent mettre sur pied leurs propres projets. JAGROS leur offrait une opportunité via des « groupes relais », qu’ils/elles n’avaient pas forcément en-dehors de ces espaces-là. Et puis, comme ce n’était pas obligatoire et non évalué, ça permettait complètement le droit à l’erreur et l’engagement spontané, laissant le/la jeune y mettre la motivation et le temps qu’il a envie de donner au projet. Avant JAGROS, il n’y avait pas, à ma connaissance, vraiment d’endroits d’expérimentation et de gestion de projet en lien avec l’agriculture et l’alimentation [dans ces hautes écoles].

« Avant JAGROS, il n’y avait pas, à ma connaissance, vraiment d’endroits d’expérimentation et de gestion de projet en lien avec l’agriculture et l’alimentation. »

Quel a été le moteur de ton investissement ?

Le moteur pour moi, enfin, la motivation, c’était de se dire « chaque année, on va toucher à nouveau 450-500 nouveaux·elles étudiant·es sur cette question-là » et, grâce aux ateliers – c’est peut-être un peu prétentieux – « ils vont avoir envie de consommer différemment, de produire de manière raisonnée ». En plus de ça, il y a le fait de se dire que même si c’est un petit germe, une petite étincelle dans la tête d’un·e étudiant·e, que ça paraît minime, en fait 5 ans plus tard, ils et elles vont se rappeler de cette journée. Puisque c’est un format qu’il y a peu dans les cours à l’université ou en haute école, on s’en souvient plus tard. Avec du recul, si on se demande « qu’est-ce qui t’a marqué dans ton cursus ? » typiquement, ça peut être le genre de choses dont on se souvient, enfin je pense.

« Même si c’est un petit germe, une petite étincelle dans la tête d’un·e étudiant·e, que ça paraît minime, en fait 5 ans plus tard, ils et elles vont se rappeler de cette journée. »

Journée Jagros 2022 intervention de Hélène Capocci de Entraide et Fraternité - Photo Eclosio

Jagros 2022 à Gembloux – « Agricultures d’ici et d’ailleurs: interdépendances et défis communs »
Intervention de Hélène Capocci de Entraide et Fraternité

Aviez-vous beaucoup de demandes spontanées pour l’animation de jeux pédagogiques en-dehors des événements phares ?

Quelques-unes par année pour des classes entières. Ca ne parait pas énorme, mais il suffit par exemple que 2 classes fassent une demande pour qu’on ait déjà 60 étudiant·es touché·es. Pour une année, c’est déjà super. Et puis, ces ateliers sont renforcés par la journée JAGROS et les ciné débats [prévus dans le programme académique].

Vous voyez JAGROS plus comme un processus plutôt qu’une sensibilisation par activités « choc », en quelque sorte ?

Tout à fait, c’est un tout. D’ailleurs, c’est ça que l’on voulait : ne pas limiter JAGROS à une activité par an pour les premières années. Il y a vraiment tout un processus qui commence en première année : en septembre, on rencontre les étudiant·es et on les familiarise avec les ONG (qu’est-ce qu’une ONG ?) et le projet – quelles formations sont proposées, quelles rencontres avec des partenaires dits « du Sud » auront lieu, quel accompagnement en gestion de projet est mis à disposition.

« C’est ça que l’on voulait : ne pas limiter JAGROS à une activité par an pour les premières années. Il y a vraiment tout un processus… »

 

Moments marquants

Quels ont été tes temps forts avec JAGROS ?

Moi je dirais, les journées JAGROS. Je n’en ai pas une en particulier, mais le fait de se retrouver dans un auditoire avec 450 étudiant·es, plus leurs professeur·es, pour faire passer un message, et de voir qu’à la fin de la journée ils et elles ont appris des choses et sont content·es d’avoir été là et d’avoir appris des choses… Pour moi, c’était quelque chose de fort. C’était gai. Et aussi, je dirais simplement le partenariat avec Humundi (ex-SOS Faim) et VSF : je me suis toujours bien entendue avec les chargé·es de projet et on a vraiment appris les un·es des autres. Chaque ONG a ses forces. Le projet a bien fonctionné parce que chaque ONG amène sa pièce et sa particularité dans le projet JAGROS.

«  Chaque ONG a ses forces. Le projet a bien fonctionné parce que chaque ONG amène sa pièce et sa particularité dans le projet JAGROS. »

Jagros 2018
Jagros 2018

Jagros 2018 – technique participative d’animation du public

Peux-tu préciser un petit peu en quoi ?

Oui, par exemple, L’ONG Humundi est très forte en contenus… Les différentes personnes avec qui j’ai travaillé, 3 je pense, ont toujours été fortes pour l’organisation des débats, trouver les intervenant·es, par exemple, et poser les questions pertinentes. L’ONG VSF est forte au niveau de la thématique de l’élevage, parce que c’est quelque chose qu’Humundi et Eclosio ne portent pas beaucoup ou pas du tout. C’était vraiment une plus-value d’avoir cette thématique-là. Ils et elles étaient fort·es aussi pour tout ce qui est organisation logistique. Et pour Eclosio, je dirais que c’est plutôt l’aspect méthodologie des ateliers qui fait notre force. On a pu transformer des ateliers initialement plutôt ex-cathedra, plutôt classiques, – avec par exemple un témoignage et un·e producteur·ice qui vient raconter son expérience en question-réponse et avec des schémas, voilà, “intervention-questions-réponses” – qu’on a au fur et à mesure transformé en des vrais ateliers en intelligence collective, avec des méthodologies, des dispositifs pédagogiques qui favorisent la participation des étudiant·es et qui créent davantage de connexions aussi entre les étudiant·es des différentes hautes écoles avec les intervenants et les intervenantes.

 

Jagros 2022 : jeu de la ficelle sur les interdépendances

Jagros 2022 – Jeu de la ficelle sur les interdépendances dans le secteur de l’alimentation

Au niveau thématique, as-tu un moment qui te vient en mémoire qui t’a particulièrement touchée ?

Hm, y en a beaucoup. Et puis, maintenant ça date un peu mais… Moi, j’ai toujours beaucoup aimé entendre les témoignages – qui ne sont pas que des témoignages mais des expertises aussi, de partenaires de pays dits du Sud. Je me souviens qu’on a eu un intervenant, Deogratias Niyonkuru, qui venait de République démocratique du Congo, si je ne dis pas de bêtises, qui nous avait parlé de la dignité paysanne. J’avais trouvé son intervention super intéressante parce que ça offre un autre point de vue, qu’on n’a pas l’habitude d’entendre ici. Et j’ai beaucoup aimé aussi lorsqu’il y avait des partenaires, par exemple, même des collègues d’Eclosio de zone andine qui venaient en Belgique, avec lesquels on faisait un peu un tour des hautes écoles pendant le temps de midi ou même pendant une heure de cours, pour faire découvrir un peu le paysage de l’alimentation au Pérou, par exemple.

« J’aimais beaucoup parce que je voyais que c’est quelque chose que les étudiant·es ne reçoivent pas comme contenu dans leurs cours, en tout cas, ceux que j’ai pu voir. Et donc ça leur offrait un tout autre type de contenu et une perspective, une vision sur le monde qu’ils n’avaient pas forcément reçue auparavant. »

 

Jagros Huy low

Ciné-débat Jagros 2018 à la Haute école Charlemagne de Huy

 

Professeur·es, partenaires de terrain

Côté professeur·es, comment évoluait votre lien ?

Il y avait des professeur·es impliqué·es depuis le début de JAGROS, depuis 2011 donc, qui sont restés impliqué·es pendant 10 ans. On a fêté les 10 ans de JAGROS avec des professeur·es qui étaient là depuis le début ! Après, il y avait des changements de carrière, par exemple, donc il y a eu des professeur·es qui se sont rajouté·es au fur et à mesure, alors que d’autres quittaient. Il y avait quand même plus de nouveaux et de nouvelles professeur·es que de professeur·es qui ont quitté l’aventure.

Comment vivaient-ils/elles le projet ? As-tu vu une évolution ?

Ca a été difficile à voir parce qu’on n’est pas là dans leurs cours donc on ne voit pas comment ils et elles transmettent la matière. Et puis, quand on vient animer quelque chose, c’est souvent nous qui apportons le contenu. Le ou la professeur·e reste plus en retrait. Mais il y a des professeur·es qui ont dit qu’ils ou elles avaient au fur et à mesure des années mieux compris aussi ce que c’est la souveraineté alimentaire et on a fait quelques formations dans des hautes écoles pour des professeur·es, par exemple lors d’une journée pédagogique où on en a touché·es qui, de prime abord, ne seraient pas touché·es par cette thématique. Des professeur·es de français ou d’anglais dont ce n’est pas la spécialité, par exemple.

Si des professeur·es sont engagé·es, on imagine que le fait d’être accompagnés par des ONG doit être une source de motivation pour elles et eux?

Oui, oui, complètement. Parce que c’est revenu plusieurs fois lors des comités de pilotage dans chaque haute école – où il y avait des professeur·es et la direction parfois, que ça les motivait d’avoir des actions communes et de se dire que c’est pas juste leur haute école qui propose un programme à leurs étudiant·es, mais c’est l’ensemble des hautes écoles agronomiques.

« Et on voyait bien qu’il y a aussi des hautes écoles qui faisaient partie de l’aventure parce qu’il y avait les autres hautes écoles qui faisaient déjà partie de cette aventure, et qu’elles s’entraînaient un peu toutes vers le haut en se disant : « Ah ben, ensemble, on va organiser ça. ». »

Et puis bon, il y a les ONG qui soutenaient et qui organisaient beaucoup du coup, pour les hautes écoles, c’était tout bénefice d’être dans une dynamique commune plutôt que seules. Je ne suis vraiment pas sûre que le projet aurait eu autant d’impact s’il avait été unidirectionnel.

C’est donc la vision d’ensemble qui porte tous et toutes les acteurs/trices ?

Oui, et le fait de se rendre compte que « Bam, il y a 500 étudiant·es qui sont touché·es par la thématique cette année-là ! », ça donnait une vision de grandeur au projet, aussi.

 

Petits couacs

Quel est le plus gros obstacle, la plus grosse difficulté que tu aies rencontré pendant toutes ces années ?

L’implication des professeur·es, parfois. Avoir des professeur·es relais qui, malgré qu’ils ou elles aient un temps de travail sur JAGROS, ou une responsabilité dans le projet, donnent peu de réponse… Ou avec lesquel·les c’est difficile de collaborer quand on n’a pas de réponse… Du coup, ça ne fait pas avancer les projets. Et puis, c’est dur dans son travail d’avoir des choses en stand-by, de ne pas pouvoir avancer parce qu’on n’a pas de réponse.

Penses-tu que c’est fort lié à la surcharge des professeur·es dont on a parlé plus tôt ?

Certainement, aussi aux personnalités. Aux envies de s’impliquer plus ou moins grandes.

 

Petit frère

JAGROS a un petit frère : DJESA. Ce nouveau projet similaire vise à toucher les sections autres qu’agronomiques. Penses-tu que le projet est pertinent quand il sort du contexte agronomique ?

Ah, c’est tout à fait pertinent dans d’autres contextes, parce que la question de l’alimentation, ça touche tout le monde. Et la question du système alimentaire nous touche toutes et tous en tant que citoyen·nes, mais aussi dans un cadre professionnel, parce que les étudiant·es ce sont des futur·es professionnel·les.

 

« Quand on étudie les sciences économiques, par exemple, on pourrait être amené à travailler dans une institution qui a des liens avec le système alimentaire et donc c’est intéressant de pouvoir être un peu conscient·e de comment fonctionne ce monde-là (les industries et leur impact, le lobbying, les grandes institutions,…). »

DJESA : pièce Nourrir l'humanité c'est un métier - acte II

DJESA 2023 : pièce « Nourrir l’humanité c’est un métier – acte II » à Namur avec des étudiant·es ULiège et UNamur en sciences politiques

 

D’autres thématiques comme les inégalités dans le système alimentaire, ça c’est intéressant d’être au courant, peu importe le profil qu’on a, au final. Donc c’était tout à fait pertinent de sortir du cadre des études en agronomie et d’aller développer le projet dans d’autres types de cursus. Et c’est d’ailleurs très bien reçu dans les différentes universités où le projet DJESA est mené. On a eu des retours très positifs du coup pour des étudiant·es en sciences éco, en sciences vétérinaires, aussi, en bio-ingénieur à l’ULB. Et ceux et celles en sciences politiques de l’UNamur.

 

Mot de la fin (de la fin!) d’Héloïse

Veux-tu rajouter encore une petite chose ? Pour tes ancien·nes collègues qui vont continuer JAGROS ou les personnes qui vont rejoindre le projet ?

Bah que c’est un beau projet ! Un beau projet qui vaut vraiment la peine de continuer. Et ça, je le dis autant aux ONG qui continuent à mener le projet qu’aux hautes écoles parce que je trouve que ça vaut la peine que celles-ci – ou même d’autres établissements ou universités – mettent sur pied des dispositifs thématiques qui sortent un peu du cadre des cours, qui sont pour moi de l’éducation à la vie, de l’éducation citoyenne, mondiale et solidaire!

 

Team Jagros

Marie de Vétérinaires Sans Frontières, Héloïse d’Eclosio et Nicolas de Humundi

A nous de rajouter encore une petite chose: encore mille mercis Héloïse pour tout ton travail et ton care continuel dans l’équipe. Nous te souhaitons bon vent et émerveillement ailleurs !

 

Pssst, pour en savoir plus, c’est par ici :