Quelle Coopération internationale en 2030 ?

Quelle Coopération internationale en 2030 ?
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Synopsis

À l’aube d’une grande période de transitions et de changements économiques, sociaux, environnementaux, les différents acteurs de la coopération internationale se trouvent devant un défi de taille : opérer des changements de fond pour répondre aux enjeux mondiaux des prochaines décennies.

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Publié par UniverSud – Liège en janvier 2018

Entretien avec Arnaud Zacharie, secrétaire général du CNCD-11.11.11

À l’aube d’une grande période de transitions et de changements économiques, sociaux, environnementaux, les différents acteurs de la coopération internationale se trouvent devant un défi de taille : opérer des changements de fond pour répondre aux enjeux mondiaux des prochaines décennies… tout un programme !

La coopération, en perpétuelle évolution

Le contexte mondial actuel dans lequel la coopération au développement évolue est à la fois complexe et ambigu. D’un point de vue occidental, le secteur est en crise, car les gouvernements ont tendance à lui accorder de moins en moins d’importance. Cependant, dans les pays émergents, on assiste à un regain d’intérêt et même un nouveau souffle de la coopération internationale. Si les objectifs sont parfois comparables et dans certains cas identiques, la vision de cette coopération n’en est pas moins différente. Le discours occidental traditionnellement altruiste et caritatif, mais profondément intéressé, des années 50 puis des années 2000, a laissé place à de nouveaux acteurs. Les pays émergents proposent une vision beaucoup plus axée sur l’économie et les partenariats « win-win » qui permettront à chacun de se développer.

Née dans les années 50, la coopération au développement est un concept relativement jeune dont les pays occidentaux ont eu le monopole pendant plus d’un demi-siècle. Motivée par le contexte de guerre froide, la coopération dans ses 40 premières années constitue un moyen pour les pays occidentaux de conserver leurs anciennes colonies, regorgeant de ressources naturelles et de matières premières, dans leur giron géostratégique.

Progressivement, dans les années 90, le soutien aux dictatures amies est abandonné au profit du refinancement de la dette et des ajustements structurels. L’aide n’a plus vraiment d’intérêt géostratégique, mais poursuit un objectif financier. Le constat est alors troublant : les pays qui reçoivent le plus d’aide sont les plus endettés… « On donnait d’une main ce qu’on reprenait de l’autre ».

Dans les années 2000, le secteur change de cap avec l’apparition de l’agenda du millénaire, des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et les attentats du 11 septembre 2001. La coopération au développement retrouve alors un double intérêt. L’augmentation de l’aide engendrée par les OMD permet le financement des services publics, mais elle est aussi utilisée pour reconstruire l’Irak, l’Afghanistan et, plus généralement, les pays où la guerre antiterroriste a été menée.

La crise de 2008 amorce un autre grand tournant dans l’évolution de la coopération. La politique d’austérité qui sévit dans de nombreux pays entraine la réduction des budgets de l’aide au développement, dont l’impact et les résultats sont considérés comme plus lointains pour les électeur-trice-s.

Un autre modèle : la coopération « Sud-Sud »

C’est durant cette période (2000 à 2010) et dans ce contexte que la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la Turquie, la Russie ou encore le Brésil vont parallèlement et progressivement mobiliser la coopération au développement. Les nouveaux acteurs instaurent une vision dite « Sud-Sud » qui entend redynamiser les économies et l’emploi et, ainsi, rendre les États bénéficiaires autonomes dans le financement de leurs services sociaux de base.

Les nombreuses remises en cause de la coopération au développement et la nouvelle forme de concurrence entre les différentes visions ont profondément bousculé les acteurs traditionnels et ont rompu le monopole des Occidentaux. Depuis le début des années 2000, la coopération « Sud-Sud » a pris de l’avance en se développant deux fois plus vite que la coopération Nord-Sud.

Aujourd’hui, on remarque que les acteurs traditionnels s’intéressent à nouveau à la coopération à travers le renforcement des secteurs économiques. Ils entretiennent l’espoir, empreint d’une idéologie néolibérale, de mobiliser le secteur privé avec l’aide au développement et que cette démarche ait un effet démultiplicateur. La coopération internationale, dont la marge budgétaire s’est vue réduite d’année en année, est aujourd’hui pensée comme levier d’investissements privés. « Aujourd’hui, la coopération au développement cherche à valoriser des financements au secteur privé qui ne l’étaient pas auparavant… Le risque est que la course à la compétitivité ait pris le pas sur la coopération au développement qui, jusque-là, restait relativement immunisée par rapport à cette réalité. »

Deux scénarios pour l’avenir

L’évolution du secteur de la coopération est inévitable et même nécessaire. Mais les profonds changements sociétaux et l’idéologie dominante nous mèneront vers deux types de scénarios, l’un plutôt optimiste d’un nivellement vers le haut et l’autre, plus pessimiste, d’un nivellement par le bas.

Dans le premier cas, on pourrait assister à un regain d’intérêt du côté occidental dû à la concurrence engendrée par la coopération Sud-Sud. Si ce n’est pas le cas, les acteurs traditionnels risquent de se retrouver à la traîne. L’approche de la coopération Sud-Sud, qui entend redynamiser l’économie, pourrait engendrer une évolution de l’approche occidentale, qui jusque-là s’attaquait systématiquement aux symptômes plutôt qu’aux causes du problème. Cette multiplicité d’acteurs aux visions différentes pourrait permettre un meilleur équilibre entre le volet économique et social des partenariats de coopération.

Dans le deuxième scénario, la course à la compétitivité économique deviendrait la logique centrale. Les États soutiendraient alors leur propre secteur privé dans les pays partenaires. La coopération deviendrait alors un instrument au service des acteurs privés de chaque pays donateur.

Malgré le côté extrême de ces deux scénarios, on ne peut nier que nous sommes aujourd’hui arrivés à la croisée de deux chemins. Cette confrontation entre ces deux logiques, ces deux trajectoires historiques très différentes, entrainera inévitablement des changements importants et des conséquences importantes.

Quelles évolutions pour 2030 ?

Face à ces constats, le CNCD-11.11.11 propose plusieurs pistes d’évolutions.

Premièrement, il faut que la coopération traditionnelle arrête d’être paternaliste et caritative. « […] On ne peut plus dicter la voie à suivre au reste du monde en restant la main sur le portefeuille. On n’a d’ailleurs plus assez dans notre portefeuille pour le faire ». Les enjeux mondiaux auxquels nous faisons et ferons face dans les prochaines années (le changement climatique, les inégalités, les migrations au sens large, la transition écologique…) ne pourront être réglés uniquement localement. Pour cela, il est nécessaire de valoriser des partenariats qui tiennent compte des profondes inégalités internationales. Comme ces enjeux sont beaucoup plus difficiles à appréhender dans les pays les plus pauvres, les transferts financiers resteront nécessaires, mais devront faire partie d’une approche davantage horizontale.

Ensuite, « il faut complètement refonder les politiques de coopération au développement, car nous sommes dans un monde multipolaire dont les enjeux mondiaux ne pourront être résolus sans les acteurs de la coopération Sud-Sud ». Cela impliquerait de revoir les principes de Paris sur l’efficacité de l’aide (adoptés en 2005 par les Occidentaux pour les Occidentaux) et d’en adopter des nouveaux à l’échelle mondiale, qui intègrent les acteurs de la coopération Sud-Sud.

Enfin, il est nécessaire de favoriser les complémentarités en prenant en compte les asymétries énormes et les inégalités abyssales qui existent notamment entre les deux rives de la méditerranée.

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Le rôle des ONG universitaires

Dans ce contexte de transition, les ONG universitaires ont un rôle majeur à jouer, car elles ont un statut spécifique qui leur donne une grande force. D’une part, on peut considérer les ONG comme une sorte de laboratoire de projets qui va expérimenter des solutions novatrices. D’autre part, les universités sont les lieux du savoir, de la réflexion et de l’analyse sociétale et scientifique par excellence. La jonction entre ces deux secteurs créée par les ONG universitaires offre l’opportunité de lier la théorie et le terrain.

L’exemple de la question alimentaire illustre bien la complémentarité des deux approches : nourrir le monde est un défi mondial majeur auquel différentes théories tentent de répondre. À la croisée entre deux mondes, l’agroécologie reprend les pratiques et les savoirs ancestraux pour les adapter à l’époque moderne. Elle les valorise, les développe et les modernise grâce aux innovations et aux nouvelles technologiques. Relier des ONG à des universités, c’est pouvoir innover concrètement sur le terrain et établir ce lien entre le savoir et l’action concrète, entre théorie et pratique.

Les ONG universitaires en évolution

Les ONG universitaires sont également dans un processus de transformation. En Belgique, la coopération universitaire a toujours été très développée, mais elle est restée dans un schéma traditionnel d’échange de savoir académique entre les universités du Sud et du Nord. Aujourd’hui, ces ONG se modernisent peu à peu, mais le clivage entre l’université et l’ONG reste trop important. « Étant secrétaire général du CNCD-11.11.11 et en même temps professeur dans trois universités, c’est quelque chose que je vois. J’ai un pied dans les deux mondes et je vois que mentalement, il existe encore une frontière ». Le défi pour les ONG universitaires consiste à décloisonner les deux univers et exploiter cette spécificité potentielle par rapport à tous ces enjeux qui nécessitent une approche pratique et théorique. L’évolution est en marche…

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Naïké Garny, bénévole chez ADG