Rapport d’activités 2023

Eclosio en 2023, ce sont :

  • 32.867 bénéficiaires et participant.e.s à nos actions
  • 34 projets dans nos 7 pays d’intervention
  • 74 partenaires
  • 88 salarié.e.s, dont 68 sont des employé.es nationaux sur le terrain
  • 1.097 participant.e.s aux activités d’éducation citoyenne en Belgique
  • Un budget total de 5.324.171 €, dont 83 % ont été affectés directement à nos projets.

Et encore de belles perspectives à venir !

Découvrez en plus sur nos actions en 2023 dans notre rapport d’activités.

 

“Inclusion” qu’ils disaient – Analyse

“Inclusion” qu’ils disaient


Une analyse de Chris Paulis, Docteur en Anthropologie

Illustration : Gwenn Rohr

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La petite fille reste à l’écart, l’air triste, assise sur les pierres alors que les autres enfants jouent dans la cour de récréation, ils rient, crient, se touchent, se bousculent. Et l’institutrice déclare à ses collègues, en dodelinant de la tête, qu’elle ne s’est pas intégrée ! Elle a 8 ans ! Cette scène qui pourrait être raccrochée à n’importe quelle école s’est déroulée dans une école fondamentale de Verviers au mois de décembre 2023.

Lui, il est seul à sa table, il mange du bout des lèvres, le visage baissé. Dans le brouhaha de la cantine, il est dans une bulle, contraint, car personne ne s’assied sur une chaise à côté de lui, personne ne lui adresse la parole, il ne comprend toujours pas les conversations. Mais personne ne le sait. Le RH explique que c’est toujours la même chose avec tous les étrangers qu’ils doivent accepter d’engager, ils ne s’intègrent pas. 1

Du haut de ses 15 ans, le jeune Pierre court derrière le ballon, sa jambe artificielle traine et il trébuche, l’adversaire saisit le ballon et marque. Les coéquipiers sont furieux, “décidément ça sert à quoi de fournir des efforts pour accepter que les (personnes) handicapés jouent dans nos équipes puisqu’ils ne savent même pas s’intégrer”. 2

“S’intégrer” quel mot !

Presque toujours utilisé sous la forme réfléchie. Ainsi ce sont les individus eux-mêmes qui sont seuls acteurs et seuls responsables de leur non-intégration. Les autres n’ont aucune responsabilité, et remplis de mauvaise foi au pire, d’indifférence au minimum, se convainquent que chacun est libre de faire ce qu’il veut, même de rester seul et de s’ennuyer pendant que les autres s’amusent.

Une prise de conscience sociale datant des année 80’ qui fait que les personnes ne peuvent être réduites à une de leurs particularités 3, ni définies par elles, va changer la façon dont on va désormais parler des minorités. Tout individu est donc avant tout une personne. Qui a sa place dans la société. Ainsi toute personne porteuse d’un handicap est une personne handicapée ou une personne en situation de handicap. Alors que la France différencie une personne handicapée (inné, congénital, à long terme) d’une personne en situation de handicap (jambe cassée, appendicite, … ponctuel ou à court terme). Les premiers sont à inclure, les seconds n’en sortent jamais.  Les premiers sont à tolérer et dépendent entièrement de la bonne volonté d’autres qui les entourent ou les croisent tout simplement. Qu’il s’’agisse de personnes handicapées, de personnes immigrées, de femmes, en fait, de n’importe quelle minorité, la démarche est proposée aux citoyens français pas imposée et l’acceptation est libre.

Dans la foulée, on a laissé tomber le terme d’intégration et on l’a remplacé par le terme d’inclusion auquel on adjoint très souvent le terme “social”, on parle ainsi d’inclusion sociale. Pourquoi ce terme ajouté ? Tout simplement parce qu’une personne handicapée est – logiquement –  incluse dans sa famille par sa naissance 4 (bien que le handicap est responsable de moult abandons et de placements en institutions – ce qui sont des formes d’exlusion-), alors qu’elle est exclue dans ses interactions  avec les autres, les étrangers à ses proches, et les environnements extérieurs publics, parcs, forêts plaines de jeux, terrains de sport, et intérieurs,  restaurants, écoles,  institutions publiques, hôtel de ville,  trains, etc. Utilisé pour les (personnes) handicapés qui, après avoir récupéré leur statut d’êtres humains en étant appelés “personnes” ont le droit et même l’obligation d’être inclus, dans la société civile et publique 5. Les personnes en situation de handicap ont une place dans la société.

Le terme d’inclusion s’est étendu à toutes les minorités. Du moins les appelle-t-on ainsi, même si leur nombre est plus grand que celui du référent. En effet, il y a plus de femmes que d’hommes sur terre, pourtant ces dernières sont considérées comme minoritaires. Ou peut-être est-ce le fait d’être considérées comme sexe faible par ces référents qui les transforme en minorité, c’est à dire en êtres mineurs. Le terme minorité devient alors synonyme de faiblesse, de dépendance et de non-autonomie.

Revenons-en aux personnes handicapées. De toutes les façons, comment pourraient-elles ne pas être incluses dans une société dans laquelle elles sont nées et à laquelle elles appartiennent au même titre que tous les individus qui s’en revendiquent, et qui se croient et se prétendent normaux?6 Il faudrait parler plutôt de “non exclusion” ou surtout de “non désinclusion”, ce qui sémantiquement serait trop lourd, pour ne pas dire incompris.

Utilisons donc le terme d’”inclusion’’. Que signifie-t-il aujourd’hui en sciences humaines et sociales ? C’est l’action qui consiste à inclure cf. la définition du Larousse on web :

  1. Action d’inclure quelque chose dans un tout, un ensemble ; état de quelque chose qui est inclus dans autre chose.
  2. Action d’intégrer une personne, un groupe, de mettre fin à leur exclusion (sociale, notamment)

C’est à dire une définition qui reprend le verbe lui-même, montrant ainsi la difficulté de définir le mot. Toutefois, ce terme est beaucoup plus fort qu’intégrer, il signifie qu’une ou plusieurs personnes prennent auprès d’elles, avec elles, voire chez elles – au propre comme au figuré – des individus qu’elles entourent, qu’elles partagent avec eux, et sont en relation. Nous sommes bien loin de l’intégration qui, elle, consiste à incorporer c’est à dire faire corps avec, devenir une partie de, ou être assimilé donc rendu semblable. Dans l’inclusion, on ne devient pas assemblable, on reste tel que l’on est, sinon impossible d’inclure, le semblable n’étant pas désinclus.  Quand on inclut, les personnes différentes, minoritaires, sont prises en charge, sont associées parce qu’associables.

D’autre part, la définition de l’inclusion s’appuie sur la désexclusion, ainsi on ne peut inclure que des personnes préalablement exclues. Inclure serait donc remettre et reprendre dans le groupe mais surtout permet de mettre fin à une discrimination injuste qui ne se justifie que par l’éloignement des personnes de la référence patriarcale ancienne qui, pour la Belgique, est l’homme, blanc, moyen, hétérosexuel et viril (selon les critères restreints et visibles de la virilité).

Par contre, dans ces cas il ne faut pas parler d’inclusivité, l’inclusion est concrète, c’est une action, alors que l’inclusivité est abstraite et indique la possibilité, la réflexion, voire le simple discours. Pourtant, être inclus dans un groupe, quel que soit son propre comportement, ne garantit pas d’être automatiquement apprécié ni respecté par les membres du groupe original. Ainsi la stigmatisation 7 accompagne toujours autant l’inclusion que l’exclusion. Tout repose sur la différence.8 Le jeune Ali a été puni pour avoir frappé un camarade qui harcelait un plus petit. Outre l’injustice violente de la punition, celle-ci fut tout simplement scandaleuse : le jeune garçon de 13 ans a dû, pendant le ramadan, rester tout le temps de midi, assis parmi ses camarades non musulmans qui, eux, mangeaient 9. Pourtant, Ali est inclus dans la société belge dans laquelle il est né, inclusion facile et indiscutable. Mais son prénom et son teint mat démontrent, parait-il, des origines marocaines. La punition est différente de celle qu’on donne aux inclus de fait. La diversité stimule l’imagination dans ses fantasmes les plus malheureux et les plus pervers.  Très souvent, pour ne pas dire toujours, la diversité fait créer des blessures, des punitions, des marquages et même des tortures personnalisées qui répondent et varient selon chaque stigmate 10 pour faire souffrir chaque stigmatisé. Il a suffi à ce surveillant de  désinclure symboliquement Ali pour pouvoir l’exclure réellement. Le délit de sale gueule reste donc bien présent. Ainsi les apparences jouent sans cesse dans les notions d’inclusion/exclusion.

C’est parce qu’elles apparaissent comme des femmes, que cette partie de la population qu’elles composent est exclue et donc à inclure dans de nombreux domaines, que ce soit dans les faits, ou simplement être reconnues, pour pouvoir exercer tous les boulots, tous les sports, avoir le droit à l’avortement, le droit à la vie même adultère, à avoir un·e amant·e, à suivre des cursus scolaires choisis librement, à voter personnellement, à avoir ou pas un enfant, à faire ou pas un enfant, à allaiter ou non son bébé, à garder ses convictions,…

Autre exemple. L’homme politique sûr de lui remplit l’écran et déclare que tous les Belges ont le droit d’avoir du travail, un toit, à manger tous les jours : “Nous ne pouvons pas accepter toute la misère du monde, les Belges en ont marre. On leur sort le pain de la bouche.” 11 S’il est évident que, aidés par ces discours populistes, certains politiques refusent l’entrée de leur pays à de nouveaux immigrés 12, d’autres fignolent des textes pour favoriser l’inclusion des immigrés qui sont dans le pays, parfois depuis 10 ans, mais se retrouvent menacés d’expulsion, pour faire plaisir aux premiers. Alors qu’ils sont inclus dans plusieurs groupes sociaux, dans une ville ou un village, à l’école 13, dans un club de foot, certains ont du boulot, …. Tous les marquages d’inclusion sont présents, ce qui n’empêche pas ces immigrés de courir le risque d’être exclus, parce que certaines personnes en ont la volonté ou en nourrissent le désir.

On parle sans cesse d’inclusion des personnes handicapées, mais pourquoi sont-elles exclues 14  trop souvent de la vie tout simplement ? Trop peu de parking pour leurs voitures, encore trop d’escaliers dans les lieux publics ou semi-publics, informations diverses illisibles par leur petitesse, boîtes aux lettres ou bancontacts placés trop haut, piscines inaccessibles, … et pourquoi tous les clubs de sports n’ont-ils pas un double pour des personnes à handicap, pourquoi ceux qui le désirent ne peuvent-ils pas s’entraîner avec les personnes valides, pourquoi les stimulations, la valorisation et l’émulation sont-elles différentes et très souvent dans le cas du handicap, réservées à un petit nombre, voire à une élite, et non à tout un chacun, valide ou porteur d’un handicap, qui s’entraîne dans un club ? Pourquoi l’inclusion n’est-elle pas générale et généralisée ? Pourquoi est-elle limitée, adaptée à des règles différenciées et soumises à des règlements divers ?  Soutenue en cela par nombre d’opinions qui pensent que certaines minorités sont incapables et donc désinclusables, telle cette directrice d’une ehpad 15 qui, sans en informer les résidents, a envoyé leurs convocations de vote aux médecins pour qu’ils déclarent les personnes en incapacité. 16 Ainsi les personnes à inclure sont très souvent assistées par ceux qui sont inclus et qui prennent la parole à leur place. Tandis que d’autres les incluent dans toutes les choses de la vie, comme l’asbl belge Inclusion qui apprend ou aide des jeunes porteurs d’un handicap mental à voter, librement, ou à Mulhouse, le restaurant Un petit truc en plus et à Bruxelles, 65 degrés, dont la majorité des employés sont, secondairement, trisomiques ou avec un retard mental.

D’autant plus que, tout d’abord, on constate que nombre de handicaps touchent et concernent des personnes dites valides, soulagées également par les solutions proposées, pente pour les landaus, buggys, sacs de courses, mallettes et valises sur roulettes, voix off, écriture braille et repères, écrits plus grands et plus lisibles dans tout ce qui est public tels certains documents administratifs et des notices de médicaments, etc. D’autre part ensuite parce que les sociétés sont accidentogènes. Ce qui ajoute à toutes les personnes handicapées de naissance moult personnes handicapées, en augmente considérablement le nombre et multiplie les sujets à (re) inclure, accidentés de la route, en voiture, à moto, en car, en train, en bateau, même parfois en avion, rescapés d’incendie ou de noyade, crise cardiaque, AVC, cancers, mutilations diverses, tentatives de suicide, maladies graves, orphelines, auto-immunes, attentats, etc.  Cela fait du monde.

Si toutes les personnes victimes nouvelles sont incluses dans leur famille et auprès de leurs amis et de leurs proches, – ce qui est loin d’être le cas pour toutes, bon nombre de personnes valides les abandonnent devant le handicap nouveau – il faut soudain les inclure dans la vie sociale, au milieu des valides, groupe auquel elles appartenaient encore récemment. L’inclusion est comprise différemment par elles-mêmes qui doivent l’espérer, la subir, au mieux, la vivre, et par les autres restés (ou redevenus) valides qui voient soudain ces personnes fragilisées comme plus faibles et hors de leur monde solide et net. Ces personnes sont exclues de leurs groupes et/ou s’en sentent exclues 17. Et plus le handicap acquis est visible, plus il les éloigne de personnes valides.

C’est le cas également pour les travesti·e·s, les drag Queens, les transsexuel·le·s, les transgenres ou simplement toutes les personnes qui ont des caractéristiques visibles attribuées – anciennement – à l’autre sexe dans une vision binaire de l’humanité. Difficilement, voire pas du tout, acceptées par la majorité des personnes conservatrices convaincues de la décadence inadmissible et dangereuse de ces personnes citées ci-dessus. Cette majorité bien-pensante, hors de la réalité du monde mais fidèle à des modèles ancestraux et construits, nie le droit au choix et à la vie de personnes incluses depuis et par leur naissance, les excluant violemment – parfois par la mort – et est confrontée voire se soumet, rarement de son plein gré, aux multiples tentatives des divers modèles inclusifs qui lui sont proposés.

Cette façon de voir révèle le côté patriarcal manichéen de cette vision des choses.

Ainsi tout le paradoxe réside justement dans le fait de prétendre vouloir inclure ce qui, en fait, est déjà inclus.

Je conclus avec cette phrase qui, en quelque sorte, résume mon propos. Elle provient de Noémie, la vingtaine, qui souffre de troubles de la mobilité 18, qui répond à la journaliste qui lui demandait si elle était rassurée par le discours du politique : “ … pour moi, (je ne suis) pas vraiment (rassurée), parce que pour l’instant ce n’est que des paroles et ça fait des années qu’on entend la même chose, donc j’attends qu’il y ait des actes, en fait, vraiment, parce qu’on est l’avenir de la Belgique, et pourtant on a l’impression d’être vraiment exclus, même des élections. Comment voulez-vous qu’on vote si on n’est pas inclus dans la société ?!”

On voudrait, on attend des actes d’inclusion plutôt que des paroles d’inclusivité.

Une société inclusive, c’est une société sans privilèges, exclusivités et exclusions. 19  Nous en sommes très loin.

 

Chris Paulis

Docteur en Anthropologie

Notes

[1] Cette scène s’est déroulée dans une banque liégeoise en mars 2024

[2] Cette scène s’est déroulée lors d’un match de foot un dimanche de février 2024 en province de Liège.

[3] Gardou C., La société inclusive, Parlons-en !, Toulouse, éd. Erès, 2015, p.55

[4] Moyse D., Diederich N., Les personnes handicapées face au diagnostic prénatal. Eliminer avant la naissance ou accompagner ? Toulouse, Éd. Erès, 2001

[5] Szlamovicz J., Le sexe et la langue, Paris, les éd. Intervalles, 2023

[6] Goffman E., Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, les éd. De Minuit, 1978

[7] Goffman E., idem

[8] Taguieff P-A., Le racisme, Paris, éd. L’Harmattan, 2010

[9] Cette scène s’est déroulée dans une école secondaire verviétoise, semaine du 25 mars 2024

[10] Un stigmate est un défaut, une marque ou une tare, visible -par exemple, une personne unijambiste en maillot de bain- ou invisible -une personne avec un rein en moins-. Physique -une personne avec une main artificielle- ou mental -une personne dépressive-. E. Goffman les classe en 3 catégories : les monstruosités du corps ; les tares de caractères ; les stigmates tribaux que sont la race, la nationalité et la religion. C. Paulis les classe en 6 catégories : physiques visibles ; physiques invisibles ; mentaux ; raciaux ; de nationalité ; religieux. Ceci d’après le ressenti, l’acceptation de soi et par les autres et les places sociologiques, psychologiques et anthropologiques que les différentes sociétés et systèmes leur attribuent.

[11] Extrait du documentaire Partis d’extrême droite, TV flamande, 2024

[12] Kourouma F., Notre soleil, par les côtes du Maghreb, Bruxelles, éd. Samsa, 2020

[13] Sous la dir. de Kohout-Diaz M., Tous à l’école. Bonheurs, malentendus et paradoxes de l’éducation inclusive, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2018

[14] GARDOU C., idem

[15] Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

[16] Les News, RTBF, La Une le 5 juin 2024, 19h30

[17] Goffman E., idem

[18] RTBF, La Une, Les 109, le 15 mai 2024

[19] Gardou C., idem, 4è de couverture

 

Bibliographie

Gardou, La société inclusive, Parlons-en !, Toulouse, éd. Erès, 2015

Goffman, Stigmate. Les usages sociaux des handicaps, Paris, les éd. De Minuit, 1978.

M. Kohout-Diaz, Tous à l’école. Bonheurs, malentendus et paradoxes de l’éducation inclusive, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2018

Fran Kourouma, Notre soleil, par les côtes du Maghreb, Bruxelles, éd. Samsa, 2020

Moyse, N. Diederich, Les personnes handicapées face au diagnostic prénatal. Eliminer avant la naissance ou accompagner ? Toulouse, Éd. Erès, 2001

Szlamovicz, Le sexe et la langue, Paris, les éd. Intervalles, 2023

P-A. Taguieff, Le racisme, Paris, éd. L’Harmattan, 2010

 

La question de l’inclusivité dans une organisation internationale. Quelles pratiques et points d’attention pour garantir, grâce à l’inclusivité institutionnelle, une réussite commune pour Eclosio et ses employé·es ? Analyse

Cette analyse développée depuis l’expérience d’Eclosio aborde la question de l’inclusivité dans une organisation internationale et propose des pistes pour assurer un degré de participation adéquat, une agilité suffisante et cohérence dans la prise de décision pour une réussite partagée pour une organisation et ses employé·es.


Une analyse de Sophie PASCAL, coordinatrice générale d’Eclosio

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Eclosio est une organisation non gouvernementale (ONG) internationale, avec des bureaux dans divers pays¹ et des pratiques de travail qui se veulent collaboratives.

Les ONG travaillent dans des contextes de « superdiversité » : au niveau des pays dans lesquels elles agissent ici et là-bas, des populations qu’elles accompagnent, des partenariats avec lesquels elles réalisent leurs actions (société civile, administration publique, université), de ses leurs équipes… Cette superdiversité est un atout et un enjeu. Pour répondre aux défis globaux d’aujourd’hui, les ONG doivent être en capacité de développer des dynamiques évolutives, de surmonter la dichotomie « nord et sud », de mettre en mouvement leurs équipes, les inscrire dans des dynamiques professionnelles, de rendre concret le concept d’organisation apprenante pour chacun et chacune. Ce n’est qu’à ces conditions qu’elles réussiront à impulser des changements durables auprès des publics avec et pour lesquels elles travaillent.

Chez Eclosio, le respect de la diversité fait l’objet du premier engagement de notre charte éthique : « Respect et valorisation de l’autre dans ses différences »².

Cependant, mal « appréhendée », la diversité peut être source de conflits et de paralysation, de conformisme et de frustrations. Des avis et apports diversifiés peuvent ne pas pouvoir s’exprimer (autocensure, et déficit d’espaces adéquats), ne pas être écoutés, confrontés, valorisés (déficit de cadre, d’espaces et de méthodologie) ou ne pas déboucher sur des décisions claires et assumées (mécanismes peu clairs de co-construction, de prise de décision…).

Mettre en mouvement la diversité au cœur de la gestion d’une ONG, en faire le centre de son dynamisme et évolution n’est pas naturel… Cela demande beaucoup de réflexion, ainsi que la définition d’espaces et d’outils. Cela passe par l’inclusivité. L’inclusivité au sein d’une organisation complète celui de diversité³.

Eclosio s’attèle en conséquence à approfondir ce concept d’inclusivité. Cette volonté se retrouve dans notre projet d’Education Permanente autour de l’inclusivité.

Cette analyse a l’objectif de se concentrer sur l’inclusivité au sein de l’organisation, dans sa structure et son fonctionnement.

Une entreprise inclusive est une organisation qui célèbre la diversité (âge, genre, orientation sexuelle, origine culturelle, etc.) et favorise l’acceptation des différences en œuvrant activement contre tout phénomène d’exclusion ou de discrimination. L’inclusivité sur le lieu de travail se caractérise par le fait de s’appuyer sur les qualités individuelles de chacun·e  pour faire de cette diversité un atout pour l’organisation. C’est donc permettre à chacun·e d’être qui il/elle est et de donner le meilleur de lui/elle dans un collectif. Une culture partagée se développe, favorisant, l’innovation, le changement et la performance. Chacun·e est amené·e à contribuer à la réussite du collectif. Tant les individus que l’organisation sont gagnantes.

Mais en quoi consiste une culture d’entreprise inclusive ? Comment assurer que la diversité et l’inclusivité sur le lieu de travail soit une réussite commune pour l’organisation et ses employé·es ?  Eclosio a entrepris en 2023 une réflexion sur ce sujet, spécifiquement au sein de son siège.

Selon Scharnitzky et Stone (2021), les quatre piliers de l’inclusivité dans une organisation sont :

  1. La transversalité des actions (inclusivité systémique), ce qui implique de développer des actions transversales qui parlent et sont accessibles à toutes et tous, et abordent des « sujets »/thématiques plutôt que s’adresser à un groupe/population particulier·e. Il s’agit de lutter contre la stigmatisation et les stéréotypes.
  2. Le respect de l’unicité de chacun·e tout en préservant le partage (inclusivité identitaire). L’organisation a besoin de faire exister ses valeurs, vision, mission et donc « sa culture ». D’un autre côté, tout·ee salarié·e est singulier·e, unique. Quand la culture partagée rencontre l’unicité de chacune, ces besoins peuvent s’affronter, et c’est dans l’équilibre que nait l’inclusivité.
  3. L’équité et le sentiment de justice (inclusivité éthique). Elle se vit au quotidien et implique une transparence sur les (processus de) décisions prises, garantissant le sentiment de justice. L’inclusivité doit garantir une comparaison juste entre :
    • Au niveau individuel : les contributions (ce que chacun investit) et les rétributions (ce que chacun en retire), et
    • Au niveau collectif : l’équité entre les divers membres de l’équipe.
  4. La coopération intégrative (inclusivité collective). Il s’agit des dynamiques par lesquelles les diversités sont mises en relation et mouvement dans la complémentarité, la confrontation ou encore la solidarité. La question des dynamiques d’équipes, de la co-construction ou des modalités de consultation et de prise de décisions sont au cœur de ce pilier.

Eclosio a réalisé une première étude sur sa gouvernance lors d’une réunion thématique le 6 février 2023. L’équipe a défini sa gouvernance comme étant : « un processus… davantage participative qu’entièrement horizontale ».

Les principes suivants ont été définis par l’équipe. Ces principes d’une gouvernance participative se retrouvent dans les quatre piliers de l’inclusivité et rejoignent les caractéristiques d’une gouvernance inclusive. Ces principes sont aujourd’hui partiellement réalisés mais la route reste longue pour tous les respecter :

La transversalité des actions : existence de mécanismes de consultation et délibération accessible à toutes les parties concernées par le sujet traité (y compris entre le siège et les terrains); cadre de fonctionnement et procédures valables pour tou·tes, et clairement communiqués.

Le respect de l’unicité de chacun·e tout en préservant le partage :

  • Au niveau individuel : encouragement de la curiosité et créativité ; écoute et respect, management de proximité, droit à l’erreur et apprentissage, confiance, reconnaissance.
  • Au niveau collectif, co-construction des valeurs et stratégies ; appropriation de l’organisation (valeurs, vision, mission et stratégies) par chacun·e (dans des dynamiques de croisements et d’échanges entre le siège en Belgique et nos équipes dans nos pays d’intervention),

L’équité et le sentiment de justice : l’équitabilité (quantitative et qualitative) – écoute) dans la prise de parole – nécessitant la prise de conscience des inégalités; clarté et communication des règles de fonctionnement, des modalités de prises de décision et de suivi, des décisions et leur justification, du cadre, des responsabilités.

La coopération intégrative : Modalités et espaces de collaboration et débats entre les divers pôles/équipes, en évitant le travail en silo ; anticipation et proactivité ; responsabilités individuelles et collectives, communiquées et légitimées ; prises de décisions efficaces, et suivies (et assumées par chacun quand elle sont prises dans un cadre collectif) ; ouverture et adaptation dans les collaborations avec des équipes ou des organisations ayant des cadres différents.

Lors de son atelier réalisé en mai 2023, Eclosio a poursuivi sa réflexion sur la question de l’inclusivité institutionnelle. Celle-ci complète, concrétise et qualifie l’aspect « participatif » de la gouvernance d’Eclosio, mise en avant en février. Voici pour exemple, les contributions à la nuance et précision apportées à la définition d’inclusivité pour Eclosio :

Des aspects liés à l‘augmentation de la diversité (plus de femmes, notamment dans les équipes béninoises, intégration de personnes moins valides, personnes de différentes cultures et origines au sein d’une même équipe/pays, …) nécessitent une réflexion sur l’accessibilité pour tous et toutes (physique au bureau par exemple) et la non discrimination lors des processus de recrutement par exemple (modalités et contenus des tests et entretiens). Des efforts sont à faire sans tomber dans la « discrimination positive » (favoriser les femmes par exemple), qui facilement peut entrainer une augmentation des stéréotypes et stigmatisation.

D’un côté, la complexité d’Eclosio est croissante : Eclosio est présente dans divers pays, avec des tailles et gestions d’équipes et organigrammes différents dans chaque pays (bien que répondant aux mêmes valeurs et charte éthique), et développe un nombre croissant de projets et d’actions. Eclosio garantit cependant sa cohérence autour de son plan stratégique et de ses principes éthiques. Sa gouvernance et les prises de décision liées sont donc complexes, fréquentes et diversifiées. Eclosio doit garder un mode de décision agile. Les principes d’inclusivité semblent trouver des limites au niveau des moyens dont l’organisation dispose, en termes financiers (réalisations d’ateliers) et temporels (temps consacrés aux réunions et échanges).

Cependant, ces principes inclusifs, notamment au sein de sa gouvernance et de son fonctionnement sont réaffirmés comme fondamentaux. Les bénéfices individuels et collectifs liés à la capacité de chacun·e de pouvoir s’exprimer et être reconnu ont été mis en avant comme indispensables.

Cette situation est le propre actuellement d’une diversité d’organisations, confrontées aux défis de la complexité, de la nécessité d’évolution et de transformation, de la gouvernance participative et inclusive.

Diverses idées et points d’attention sont alors proposés pour améliorer l’inclusivité dans la gouvernance d’Eclosio de façon spécifique, et pouvant intéresser d’autres organisations rencontrant des défis semblables.

Au niveau global :

  • Définir les points d’attention les plus importants en termes d’inclusivité institutionnelle pour l’équipe (tous pays), et construire des indicateurs de suivi de l’inclusivité (éventuellement différents en fonction des sensibilités de chaque pays) et des modalités de suivi de ceux-ci.

Au niveau des espaces :

  • Développement d’espaces « libres » (en termes de participation et de sujets traités, sans hiérarchie ni produits attendus) présentiels (au sein d’une zone) ou virtuels (au niveau de l’ensemble de l’organisation). Ces espaces peuvent être ouverts aux administrateur·trices. Ils peuvent aussi se faire dans d’autres lieux ou configurations (tel lors de repas).
  • Espaces d’ateliers stratégiques, éventuellement à revoir dans leur fréquence, participation, modalité (ligne/présentiel) pour inclure une plus grande diversité des membres des équipes : ateliers parallèles dans les pays, avec des moments « interpays » virtuels, ateliers présentiels moins nombreux mais élargis en termes de participation, participation tournante, lieux de réalisation tournants, etc.
  • Développement d’une Communauté d’Apprentissage de Pratiques virtuelle (ouverte à tous et toutes) autour de la question de l’inclusivité, en charge également de suivi des indicateurs et de leur analyse
  • Comités réguliers et multiacteurs stratégiques : comités de coordinations rassemblant des personnes du siège et des terrains, etc.

Au niveau des méthodologies développées dans ces espaces :

  • Anticipation et respect des calendriers
  • Attention à l’équilibre de la parole et à la considération de la parole de tous et toutes
  • Recherche de méthodes et outils de construction participative et alternance de ceux-ci (boite à outils contextualisée)
  • Ouverture à l’innovation

Au niveau de l’accompagnement individuel :

  • Approche positive, qualité d’écoute
  • Identification des tendances à l’autocensure (ne pas oser s’exprimer)
  • Mise au point de « tutorats ou binômes », éventuellement inter pays (sur base volontaire)
  • Cadrage des procédures d’inclusion des nouveaux collègues

Au niveau des procédures et fonctionnement :

  • Clarification quand nécessaire et communication sur les termes de références, sphères d’autonomie et responsabilité individuelles et collectives ;
  • Utilisation de l’écriture et communication inclusive (miroir de la diversité)
  • Rigueur dans le respect du cadre et des modalités de prise de décision (quel processus, dans quels espaces, par qui ?), soin à la communication et à l’explication (PV archivé, communication orale/écrite systématique)
  • Approche d’analyse et d’autoapprentissage personnel et collectif

Au-delà de ces diverses mesures, il y a des fondements qui sont indispensables, et se traduisent davantage par des attitudes inclusives, devant « habiter » chaque employé·e de l’organisation et faire donc partie de cette culture partagée qui s’équilibre avec « l’unicité » de chacun·e. Sans une attention à celles-ci, aucune méthode ou outil ne peut vraiment fonctionner : il s’agit principalement de l’écoute (à toute parole, à tout contexte), la vigilance (à l’équité, …), la rigueur (à la clarté, communication, respect du cadre et des décisions) et l’humilité et flexibilité (l’organisation est et reste dans un processus évolutif et l’inclusion entraine par nature l’émergence de nouvelles idées et améliorations), dans tout espace relationnel et collectif.

Sophie PASCAL, Coordinatrice générale d’Eclosio

Notes

[1] Eclosio est présente en Zone Andine (en Bolivie et au Pérou), en Afrique de l’Ouest (au Sénégal, en Guinée et au Bénin) , en Belgique, et en Asie du Sud-Est (au Cambodge).
[2] Disponible via ce lien : https://www.eclosio.ong/ethique-et-integrite/
[3] « – je respecte l’opinion de ma/mon collègue et écoute jusqu’au bout son argumentation, – je respecte les choix des modes de vie de chacun·e ; si une discussion sur les modes de vie a lieu de manière volontaire, je fais preuve d’ouverture d’esprit et d’une volonté de compréhension de l’autre, – je me concentre sur les forces et sur les contributions de mes collègues et nos partenaires et valorise leurs expériences et compétences, – je promeus la prise en compte des différences comme partie
de la solution et non du problème. »

[4] Les autres aspects liés à l’inclusivité, notamment au niveau du public et des actions, sont traités dans d’autres cadres mais sont tout aussi primordiaux.
[5] Mozaik RH, https://mozaikrh.com, consulté le 5 mars 2024

[6] Bien qu’il n’existe pas une définition univoque de la gouvernance participative, l’Equipe d’Eclosio se retrouve dans les éléments de définition suivants : « … la gouvernance participative trouve ses fondements dans une démarche collaborative basée notamment sur des valeurs et des attentes partagées (…) où le lien social occupe une place centrale (Maffesoli et Perrier, 2012). À travers sa dimension participative, ce type de gouvernance fait appel à un engagement de la part des différentes parties, qui renvoie à un transfert de pouvoir (Wilcox, 2003). Par ailleurs, la gouvernance participative instaure un terrain favorable aux nouveaux mécanismes et pratiques qui garantissent le partage de pouvoir et la prise de décision entre les différents acteurs de l’organisation. Elle met en lumière la complémentarité des parties prenantes et la conciliation de leurs intérêts dans une démarche optimale d’un bien-être commun (Le Loarne-Lemaire et Noël-Lemaître, 2014).

[7] Le plan stratégique d’Eclosio est consultable, ici : Plan stratégique 2022-2026 | Eclosio

Bibliographie

LE LOARNE-LEMAIRE S. et NOËL-LEMAITRE S. (2014). « La coopérative, une organisation favorisant le besoin d’enracinement des salariés. Réflexions à partir d’une lecture de la philosophie de Simone Weil », La Revue des Sciences de Gestion, Vol. 269-270, p.93-100

LESCURE L. (2022), 5 conseils pour créer une culture inclusive sur le lieu de travail. https://www.babbelforbusiness.com/fr/blog/5-conseils-pour-une-culture-inclusive/ : consulté le 15 janvier 2024

MAFFESOLI M. et PERRIER B. (2012). L’homme postmoderne, François Bourin Editeur, Paris.

Manageria (2021), Comment mesurer la diversité et l’inclusion dans votre entreprise?. https://www.manageria.fr/comment-mesurer-la-diversite-et-linclusion-dans-votre-entreprise/ : Consulté le 12 février 2024

Mozaik RH, https://mozaikrh.com/: Consulté le 5 mars 2024

SCHARNITZKY P. et Stone P. (2021)., L’inclusion dans les organisations : de la posture à la pratique. AFMD | L’inclusion dans les organisations : de la posture à la pratique version anglaise: Consulté le 22 janvier 2024

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Boston Consulting Group, Matt Krentz, Ashley Dartnell, Dinesh Khanna, and Susanne Locklair. (2021),  Inclusive Cultures Have Healthier and Happier Workers  ».Inclusive Cultures Have Healthier and Happier Workers | BCG : Consulté le 11 janvier 2024

WILCOX D. (2003), “The Guide to Effective Participation”, David Wilcox. Partnerships and Participation, http://www.partnerships.org.uk/guide/index.htm.

YOUNES, M., HECHICHE Salah, L. & TOUZANI, M. (2016). Gouvernance participative et nouvelles pratiques managériales dans un contexte postrévolutionnaire : cas des entreprises sociales tunisiennes. Management & Avenir, 90, 175-194. https://doi.org/10.3917/mav.090.0175

 

Exploration de l’interculturalité dans le monde politique belge – Analyse

 


Une analyse de Noam BOUZALGHA, étudiant en sciences de gestion à l’Université de Liège.

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Noam Bouzalgha, étudiant de 3ème bachelier à HEC Liège, explore au travers de cette analyse la notion d’interculturalité et sa place au sein des programmes des partis politiques, dans le contexte des prochaines élections régionales, fédérales et européennes du 9 juin 2024. 

« Avec les élections à venir, en tant que jeune votant pour la première fois, j’ai jugé nécessaire et pertinent de considérer ce sujet sous un angle politique. L’objectif étant que d’autres personnes, incertaines de leur choix électoral et passionnées par certaines thématiques, puissent également effectuer leurs recherches (peut-être par des moyens moins complexes que les miens – j’ai fait le choix d’explorer et d’analyser les programmes politiques depuis les sites des partis sur internet – tels que les sondages RTBF mentionnés précédemment) pour évaluer comment chaque parti traite ces sujets et s’il existe une compatibilité avec leurs visions personnelles et les enjeux de société qui les concernent. »

Cette analyse réalisée dans le cadre du Portefolio interculturalité et des ateliers d’écriture menés par Eclosio – Belgique à Université de Liège, rédigée en collaboration avec Mr. François Debras, professeur en sciences politiques à l’ULiège. 


« L’interculturalité est un sujet complexe et souvent peu clair pour le grand public. C’était aussi le cas pour moi au début, mais je savais qu’il incarnait des valeurs importantes et qu’il s’agissait d’une question centrale dans notre société actuelle. »

Ce texte s’articulera en plusieurs parties. Premièrement, nous proposerons une définition scientifique de la notion d’interculturalité. Ensuite, nous examinerons de quelle manière cette thématique est mobilisée par les partis politiques dans le contexte des élections régionales, fédérales et européennes du 9 juin prochain (juin 2024). Nous réaliserons une analyse des propositions des principaux partis politiques francophones belges sur la thématique de l’interculturalité. Enfin, nous nous intéresserons à l’émergence de l’extrême droite dans le paysage politique flamand, émergence dont nous ne pouvons faire abstraction. En effet, l’extrême droite flamande est donnée première force politique dans le nord du pays avec plus de 27 % des intentions de vote (Coppi, 2024).

Notre analyse sera agrémentée de l’entretien réalisé avec le Professeur François Debras, docteur en sciences politiques et sociales, professeur associé à l’Université de Liège au sein de la Faculté de droit, de science politique et de criminologie. Ses travaux s’intéressent aux discours des partis extrémistes, populistes et complotistes selon une approche et des outils de l’analyse critique des discours.

Pour des raisons méthodologiques, nous avons choisi de ne pas analyser les propositions du nouveau parti politique francophone d’extrême-droite Chez Nous. En effet, ce parti ne s’est encore jamais présenté à aucune élection et les récents sondages ne nous permettent pas d’évaluer le potentiel électoral de ce parti et de ses propositions.

1. Définir l’interculturalité

Dans un premier temps, il nous semble essentiel de rappeler la définition de l’interculturalité :  “La notion d’interculturalité, pour avoir sa pleine valeur, doit, en effet, être étendue à toute situation de rupture culturelle — résultant, essentiellement, de différences de codes et de significations —, les différences en jeu pouvant être liées à divers types d’appartenance (ethnie, nation, région, religion, genre, génération, groupe social, organisationnel, occupationnel, en particulier). Il y a donc situation interculturelle dès que les personnes ou les groupes en présence ne partagent pas les mêmes univers de significations et les mêmes formes d’expressions de ces significations, ces écarts pouvant faire obstacle à la communication.” (Gérard Marandon, 2003)1.

Cette notion d’interculturalité dépasse les frontières géographiques et sociales pour devenir une réalité incontournable de notre monde moderne. Les différentes cultures peuvent se heurter, se mélanger, voire se confronter, amenant la création d’un paysage riche et en constante évolution. Dans cet espace, la communication peut se révéler être un obstacle tandis qu’à d’autres moments, elle devient le pont unifiant deux cultures distinctes.

Les Assises de l’interculturalité

Pour démontrer à quel point l’interculturalité a une importance dans divers thèmes abordés par le monde politique, prenons l’exemple des Assises de l’interculturalité qui ont été mises en place en 2009 dans un contexte où la Belgique cherchait à renforcer la cohésion sociale face à une diversité culturelle et linguistique croissante.  Dans un climat de tension entre les différentes communautés linguistiques et culturelles, une envie d’égalité des chances apparaissait en parallèle d’une volonté politique de traiter les questions d’intégration, de discrimination à travers le moyen de l’interculturalité et de ne plus se satisfaire d’une simple non-discrimination. Ces Assises de l’interculturalité sont à l’initiative de Joëlle Milquet ancienne ministre de l’Enseignement, de la Culture et de la Petite Enfance. Elles ont été créées dans le but de promouvoir une société interculturelle belge en mettant en avant de nouvelles recommandations et solutions touchant aux diverses thématiques de l’interculturalité. Ces recommandations s’appliquent à tous les acteurs concernés, qu’ils proviennent des institutions publiques, du secteur privé, ou du milieu associatif et sportif, et ce, qu’ils soient directement ou indirectement impliqués dans ces thématiques.

En addition à cela, la création d’un espace où le dialogue est tourné sur le thème de la diversité. La sensibilisation du citoyen à l’interculturalité et à l’information sur les diverses cultures permettant de surmonter les stéréotypes souvent enracinés, la promotion de la réussite de l’intégration sociale ainsi que le partage de l’expérience des personnes de terrain. Ces objectifs sont essentiels pour mettre en œuvre des politiques qui promeuvent l’égalité des chances et luttent contre la discrimination, tout en favorisant la coexistence de différentes cultures au sein de notre territoire.

Bien que les Assises de l’interculturalité aient pris place il y a près quinze et que le succès des recommandations soient aujourd’hui tombées en désuétude, la présentation de leurs contenus permet toutefois de se rendre compte de la permanence de l’interculturalité dans les programmes politiques. Encore et plus que jamais d’actualité, l’interculturalité touche à plusieurs domaines de la société et de ce fait à plusieurs domaines de la politique. Nous avons décidé de nous focaliser sur certains d’entre eux.

Enseignement

L’interculturalité dans l’enseignement est abordée à travers plusieurs axes stratégiques. Tout d’abord, elle est considérée comme un défi et une opportunité pour améliorer la qualité de l’enseignement, dépassant ainsi les problèmes généralement associés. Ensuite, elle est guidée par l’intérêt des élèves, des enseignant·es et du personnel scolaire, dans un contexte où ces enjeux sont liés aux inégalités sociales et aux inégalités des chances. Enfin, une approche transcendant les frontières communautaires est adoptée pour proposer des solutions pertinentes pour toutes les communautés scolaires en Belgique.

L’interculturalité est étroitement liée à la problématique des inégalités sociales et ethniques présentes à l’école. La ségrégation, notamment spatiale, génère un enseignement à deux vitesses, où les inégalités persistent. La résolution de ce problème nécessite un changement radical de perspective pour briser le caractère inégalitaire fondamental à l’enseignement et pour réaliser pleinement la vocation égalitaire de l’école.

Les défis sont multiples : gérer les aspirations/ambitions identitaires des élèves, lutter contre les discriminations au quotidien, maintenir l’objectif pédagogique tout en s’adaptant à un monde diversifié. L’école doit être un lieu d’émancipation où les inégalités sont compensées, et où la réussite ne dépend pas uniquement de l’environnement social ou familial.

Emploi

L’interculturalité dans le domaine de l’emploi est abordée sous plusieurs angles. Elle est perçue comme moyen d’enrichir le milieu professionnel, d’améliorer les performances d’une entreprise en valorisant la diversité des compétences et des perspectives apportées par les différentes cultures. Elle participe à la création d’un environnement inclusif où tou·tes les employé·es, quelle que soit leur origine et diverses cultures, ont des chances égales d’accéder à un emploi et de progresser dans leur carrière.

Malheureusement, l’interculturalité dans le monde du travail, que ce soit en Belgique ou ailleurs, est souvent associée à des discriminations ethniques ainsi qu’à une segmentation du marché du travail. En effet, le terme “segmentation” désigne l’accès plus facile aux postes importants et, par conséquent, un salaire plus élevé pour les personnes d’origines européennes et de type caucasien. Cela se traduisant par une monopolisation de ces postes par des individus de même profil.

Il est nécessaire d’apporter des solutions et de changer les mentalités pour commencer à éliminer ces inégalités et discriminations. Des initiatives telles que l’utilisation du CV anonyme pour combattre la discrimination lors du processus de recrutement pourraient être une des solutions. Et ce, allant de pair avec la promotion d’un discours valorisant la diversité dans les milieux professionnels. En effet, promouvoir un environnement de travail inclusif où la diversité n’est pas seulement acceptée, mais activement encouragée, afin de permettre à tous les individus, quelles que soient leurs origines, de réaliser pleinement leur potentiel professionnel est essentiel.

Les Assises de l’Interculturalité ont eu un impact assez contrasté aujourd’hui. Plusieurs de leurs recommandations, comme l’introduction de l’interculturalité dans l’enseignement, ont été partiellement mises en œuvre. Par exemple, la diversité des enseignant·es a augmenté, notamment à Bruxelles. Toutefois, certaines propositions comme les quotas d’embauche dans les services publics n’ont pas été réalisées. Globalement, bien que des progrès aient été faits, certaines recommandations importantes des Assises restent non concrétisées ou peu efficaces.

Immigration

Il est impossible de parler d’interculturalité sans évoquer le sujet de l’immigration. En effet, la Belgique a connu dans toute son histoire, des périodes d’immigration, chacune amenant une culture nouvelle, ainsi que de nouvelles perspectives. Cet apport culturel a marqué beaucoup de domaines de la société que ça soit au niveau culinaire, dans les arts ou encore dans la musique mais surtout et initialement dans le secteur de l’emploi et de l’économie.

Dans un pays comme la Belgique, il existe divers types de migration, incluant la primo-migration et la migration de longue date. Chacun de ces groupes entretient un rapport différent à l’interculturalité et suit un parcours distinct. Ces différences influencent la manière dont les individus interagissent avec la société belge et évoluent en son sein.

Premièrement, la primo-migration en Belgique concerne les individus et les familles qui sont les premiers de leur lignée à immigrer dans ce pays. Ces primo-migrants, souvent confrontés à des défis majeurs tels que la barrière linguistique et la reconnaissance des qualifications professionnelles, doivent s’adapter à un environnement culturel très différent de leur pays d’origine. Pour eux, l’interculturalité est principalement perçue comme un défi et un processus intensif d’apprentissage. La compréhension et l’adaptation “leur réussite” dans le pays. Des politiques de soutien spécifiques sont nécessaires pour aider ces primo-migrants à surmonter les obstacles linguistiques et professionnels.

Concernant la “vieille migration”, elle représente ceux qui sont bien établis en Belgique, souvent descendants de précédentes vagues migratoires. Pour eux, l’interculturalité fait souvent partie intégrante de leur identité. Ayant grandi dans un contexte de mixité culturelle, avec des parents issus d’autres cultures tout en vivant dans la société belge, ils perçoivent l’interculturalité non seulement comme une intégration mais aussi comme un moyen de préserver leur héritage culturel. Cela se manifeste dans un mélange de traditions et de langues, où des mots de différentes cultures se mêlent aux langues nationales. Pour ces individus, une approche politique différente est cruciale, axée sur la lutte contre la discrimination dans l’emploi, le logement, l’éducation, etc., ainsi que sur le droit à l’égalité des chances. Bien qu’ils·elles soient né·es en Belgique, certains d’entre eux·elles continuent à ne pas être considéré·es comme des citoyens et citoyennes belges.

2. L’interculturalité au coeur des programmes2

Dans le contexte actuel qui est le nôtre et à l’approche des élections fédérales, régionales et européennes du 9 juin 2024 et communautaires le 13 octobre 2024 en Belgique, il nous a semblé plus que pertinent pour cet article d’analyser de manière non exhaustive des programmes des principaux partis francophones belges en portant l’attention sur l’interculturalité. Il convient de souligner qu’il existe d’autres analyses bien plus approfondies et rigoureuses, ainsi que d’autres méthodes pour examiner les partis politiques concernant le thème qui nous est cher, notamment des sondages tels que celui proposé par la RTBF intitulé “Quels partis portent vos idées ? Faites le « Test Électoral » de la RTBF pour découvrir votre profil d’électeur”3.

2.1 PS

Analysons le programme des socialistes4 autour du thème de l’interculturalité à travers les grandes thématiques

IMMIGRATION

Le PS propose des mesures pour améliorer l’intégration des immigrant·es et des réfugié·es, en mettant l’accent sur la portabilité des droits, qui garantit la continuité des droits fondamentaux lors des déplacements d’un pays à un autre. Les socialistes soulignent l’importance d’une intégration efficace et respectueuse des migrant·es. Cela se traduit par la création d’une commission chargée d’examiner les demandes, dans le but de promouvoir une immigration plus juste et équilibrée. De plus, ils proposent de faciliter l’intégration des migrants en modifiant la loi afin de leur permettre un accès au travail et aux études sur le territoire belge.

EMPLOI

Le Parti Socialiste encourage l’interculturalité et envisage un emploi inclusif à travers plusieurs mesures de leur programme. Une intégration de mesure anti-discriminations dans le code belge des entreprises, un renforcement des politiques régionales de promotion de la diversité dans les entreprises et la fonction publique avec de la sensibilisation et de la formation pour les responsables des ressources humaines. Aussi, le PS souligne le développement de la diversité dans les entreprises en apportant un soutien à celles qui sont désireuses de développer des plans de diversité. Et pour finir, la volonté du parti est de porter l’importance de l’intégration des migrants par le travail.

ENSEIGNEMENT

Concernant l’enseignement, le PS met l’accent sur la création d’un environnement éducatif inclusif et adaptatif, capable de répondre aux besoins d’une population étudiante diversifiée. Le PS envisage de faciliter l’accès aux études pour les étudiant·es étranger·es par une révision des conditions de visa et des procédures d’équivalence de diplôme, rendant l’éducation plus accessible et adaptée aux réalités des étudiant·es internationaux·ales. Il propose d’élargir le déploiement d’heures d’accompagnement personnalisé dans l’enseignement primaire et secondaire pour offrir un soutien adapté aux élèves, en particulier ceux et celles rencontrant des difficultés. Cette approche vise à garantir une égalité des chances éducatives, permettant ainsi de surmonter les inégalités liées à l’origine sociale et culturelle des étudiant·es.

CONCLUSION

Le Parti Socialiste par ces initiatives et ces mesures qu’il désire mettre en place, est évidemment en faveur d’une société plus diversifiée avec un mélange culturel. Dans toutes les thématiques énoncées, la promotion de l’interculturalité est mise en avant.

2.2 MR

Concernant le programme du MR5 (mouvement réformateur) l’interculturalité à travers les grandes thématiques est traitée différemment que le parti précédent.

IMMIGRATION

Au niveau migratoire, le MR envisage l’immigration comme un grand défi. Le programme préconise une politique d’intégration rigoureuse, avec un parcours d’intégration renforcé, conditionnant l’accès aux allocations sociales, à la réussite de ce parcours, un renforcement des conditions d’accès à la nationalité pour promouvoir les valeurs de la citoyenneté belge, en plus d’un renforcement des conditions pour bénéficier d’un regroupement familial. Ils prônent également une politique de retours plus stricte pour les personnes en situation irrégulière ainsi que des procédures d’asile plus rapides visant à éviter une installation durable de ces personnes en irrégularité. Ces mesures visent à assurer que les nouveaux et nouvelles arrivant·es soient pleinement intégré·es à la culture belge en contrôlant et limitant une immigration de masse tout en enrichissant le patrimoine culturel du pays.

EMPLOI

D’un autre côté, le MR propose des mesures pour réussir l’intégration des immigrant·es par le travail, notamment en reliant le versement du revenu d’intégration sociale à la poursuite et à la réussite d’un parcours d’intégration qui inclut la connaissance de la langue et un accès au marché du travail. Un programme nommé “Fast Track”, inspiré de la Suède, est envisagé pour coacher directement les demandeur·euses d’asile ayant une forte probabilité d’être admis·es, en leur fournissant des cours de langue et en les orientant vers des emplois en fonction de leurs compétences, ce qui peut aider à combler des emplois en pénurie. De plus, les libéraux comptent renforcer des lois et mesures pour lutter contre les discriminations dans le monde du travail. Néanmoins, la mise en place des conditions très strictes liées à leur politique migratoire telle que la très grande limitation de l’accès à la nationalité ou encore la dissuasion au regroupement familial, pourrait contrebalancer leurs efforts d’intégrations culturelles dans le monde du travail.

ENSEIGNEMENT

Au niveau de l’enseignement, le parti souligne l’importance des cours de citoyenneté et de philosophie, reconnaissant la croissance de la diversité des cultures dans la société. Ces cours visent à favoriser la compréhension mutuelle et le vivre ensemble. Le mouvement soutient également pleinement les immersions linguistiques des élèves avec un accent particulier sur les langues nationales à savoir l’allemand et le néerlandais dès l’enseignement primaire, tout en offrant la possibilité d’apprendre d’autres langues dans le reste du parcours éducatif.

CONCLUSION

La position du Mouvement réformateur sur la question de l’interculturalité reste assez contrastée comme la plupart des partis de droite. Il est à souligner que les libéraux à travers certaines de leurs propositions veulent faire exister une certaine interculturalité dans le monde du travail et de l’enseignement. Cependant, malgré les efforts déployés pour la promouvoir, leur position ferme en matière d’immigration, d’intégration et la valorisation des valeurs et de la culture belge peuvent parfois limiter la pleine expression de l’interculturalité. La véritable mesure de son impact dépendra donc de la manière dont les pratiques mises en place par le parti seront appliquées.

2.3 Ecolo

Dans le programme des écologistes6, la question de l’interculturalité est abordée dans plusieurs grandes thématiques du programme.

IMMIGRATION

Le premier sujet à traiter concerne évidemment l’immigration. La position d’Écolo est illustrée par plusieurs initiatives, telles que le soutien au regroupement familial, facilité par la réduction des obstacles financiers et l’extension de la définition des membres de famille éligible. Également, l’amélioration de l’intégration et la reconnaissance des compétences est soutenue par une envie de la révision des procédures d’équivalence des diplômes étrangers et la diminution des frais d’inscription pour les ressortissants non européens. Enfin, la qualité des procédures d’asile est renforcée par la réduction des délais maximaux, accélérant ainsi le traitement des demandes d’asile.

EMPLOI

Le programme d’Écolo propose plusieurs initiatives en lien avec l’interculturalité dans l’emploi et l’entreprise. Le parti veut encourager la diversité en entreprise à travers des formations et des actions de sensibilisation pour lutter contre le racisme ordinaire et promouvoir une culture inclusive. Également un soutien à l’entrepreneuriat parmi les personnes issues de la migration, avec des programmes spécifiques d’accompagnement et de la mise en relation avec d’autres entrepreneurs pour faciliter leur intégration. Les écolos mettent en évidence l’importance des formations proposées aux entreprises visant principalement à réduire les discriminations à l’emploi présentes en Belgique, ainsi qu’à améliorer la gestion des diverses cultures au sein d’une entreprise.

ENSEIGNEMENT

Écolo met l’accent sur l’amélioration de l’accès à l’éducation pour tous, en adaptant les écoles à la diversité des élèves. Cela en améliorant la communication entre école et parents et adapter ces communications aux diverses réalités culturelles des familles. Il est aussi question de réduire les inégalités dans l’éducation très souvent liées à l’origine sociale d’une personne.

CONCLUSION

Il est évident que le parti écologiste soutient fermement l’interculturalité. Que ce soit dans le domaine de l’éducation, de l’immigration ou de l’emploi, le parti a toujours promu cette valeur faisant d’elle un point important de son programme.

2.4 PTB

A présent, concentrons-nous sur le programme du Parti des Travailleurs Belges7 le “PTB”. Comme les précédents, nous allons analyser la question de l’interculturalité dans les grandes thématiques.

IMMIGRATION

Pour améliorer l’intégration des immigrant·es, le parti prône l’accès facilité aux services publics et aux programmes sociaux, assurant un soutien renforcé aux nouveaux et nouvelles arrivant·es. Concernant les procédures d’asile, le PTB milite pour des délais de traitement réduits et une transparence, afin de garantir le respect des droits et la dignité des demandeur·ses d’asile. L’établissement de centres d’accueil dotés de ressources suffisantes est également une priorité, pour une intégration respectueuse et humaine.

EMPLOI

Au niveau de l’emploi qui est un point important pour le parti travailleur, le PTB se concentre sur l’élimination des barrières systémiques qui empêchent l’équité dans le milieu du travail. Le parti propose la mise en œuvre de quotas d’emploi pour les minorités ethniques dans les entreprises publiques et privées, accompagnés de contrôles réguliers pour s’assurer de leur respect. De plus, le PTB soutient la création de programmes de formation professionnelle destinés spécifiquement aux immigrant·es, afin de favoriser une insertion professionnelle rapide et efficace, contribuant ainsi à une société plus égalitaire.

ENSEIGNEMENT

Pour le domaine éducatif la continuité des idées sont les mêmes, des mesures pour démocratiser l’accès à l’éducation pour tous et toutes, en augmentant le financement des écoles situées dans des zones défavorisées et en développant des programmes pédagogiques adaptés à la diversité culturelle des élèves. Autre point important pour le parti, c’est la formation des enseignant·es à la réalité multiculturelle de notre société se traduisant par une multiculturalité au sein des écoles afin de favoriser une meilleure compréhension de tou·tes les élèves quelle que soit leur culture. Le parti propose également l’annulation de frais de scolarité pour les familles des étudiant·es étranger·es, dans le but de réduire les obstacles à l’éducation.

CONCLUSION

Le PTB, souvent perçu comme un parti très à gauche, est généralement considéré par l’opinion publique comme favorable à la diversité et donc à l’interculturalité. En effet, nous pouvons affirmer que les mesures et idées mises en avant par le parti confirment son engagement en faveur d’une société interculturelle.

2.5 Les Engagé·e·s

Terminons cette analyse des programmes par le parti du centre : les Engagé·e·s8 (nouveau nom des humanistes du CDH).

IMMIGRATION

Les Engagé·e·s proposent de développer une vision de la cohésion interculturelle à travers ce qu’iels appellent des “États généraux de la cohésion interculturelle”. En d’autres termes, c’est le rassemblement de divers acteurs et actrices de la société afin de discuter et d’élaborer des stratégies sur la manière de renforcer l’interculturalité et l’intégration au sein de la société. Comme le Parti Socialiste, le programme des engagé·e·s fait mention des droits fondamentaux dont bénéficient les migrant·es, cela avec la mise en place de services de traduction et d’interprétation à disposition pour les aider à comprendre les procédures administratives et à s’intégrer plus facilement. Comme d’autres partis, les centristes soulignent l’importance d’intégrer les migrant·es sur le marché du travail, notamment par la réduction des obstacles administratifs, des cours de langue, de la formation professionnelle, ainsi que combattre les pratiques discriminatoires lors du recrutement.

EMPLOI

Comme énoncé et expliqué précédemment dans le point immigration, l’intégration des migrant·es par le travail est un point très important du programme. La lutte contre les discriminations est également un combat pour les centristes. Des mesures spécifiques sont envisagées pour lutter contre ces discriminations à l’embauche et au travail, incluant des sanctions plus sévères pour les entreprises qui pratiquent ou tolèrent des comportements discriminatoires. Le parti soutient également le financement de formations et des actions de sensibilisation pour préparer les départements des ressources humaines à mieux gérer la diversité et l’inclusion.

ENSEIGNEMENT

Dans le milieu éducatif plusieurs mesures sont envisagées pour promouvoir l’interculturalité. Tout d’abord, un renforcement de la formation pour les enseignant·es et les directions à la démarche du dialogue interculturel. Intégrer dans ces formations la notion “gestion inclusive de la diversité” c’est-à-dire sensibilisation des acteur·trices de l’enseignement aux discours de haine et à la manière d’y répondre. Et pour finir l’introduction d’un cours de deux heures d’éducation philosophique et convictionnelle en secondaire, visant à renforcer les valeurs communes tout en luttant contre les discriminations, le racisme, les extrémismes et les radicalismes.

2.5 Conclusion générale

En conclusion de l’analyse des engagements politiques, il est pertinent de souligner que ce parti, bien que se situant au centre, sur le plan social adopte une politique assez alignée sur les idées de gauche. Les mesures et propositions émises par le parti démontrent une forte détermination à promouvoir l’interculturalité.

Aux frontières de l’extrême: Ascension de la droite radicale en Flandre et au-delà9

Comme mentionné dans l’introduction ce qui suit a été réalisée grâce à divers documents mais surtout grâce à une interview réalisée avec le professeur de sciences politiques Mr. François Debras.

Vous avez peut-être remarqué, si vous suivez l’actualité politique, que l’extrême droite gagne du terrain un peu partout en Europe, et est même  au pouvoir dans certains pays. En effet, l’extrême droite est en ascension en Europe. On observe cette tendance en France avec le RN, en Espagne avec le parti VOX, en Allemagne avec l’AFD, ainsi qu’en Autriche et aux Pays-Bas. Dans certains pays européens, des partis d’extrême droite font partie du gouvernement, comme en Italie avec la première ministre Giorgia Meloni, en Hongrie dirigée par Viktor Orban, et en Pologne avec le parti Droit et Justice.

Selon François Debras, il existe plusieurs raisons pour expliquer cette tendance. La première raison est une intensification du sentiment identitaire. En effet, les régions où les identités nationales, culturelles ou linguistiques sont fortement ressenties, l’extrême droite se positionne comme le protecteur de ces identités contre d’éventuelles menaces ressenties telles que l’immigration ou l’influence de l’Union Européenne. Ce sentiment identitaire englobe la langue, la culture, les valeurs et les traditions. Ensuite, les crises économique et financière peuvent être perçues​ comme une cause de la montée extrémiste. Il est vrai que les pays gravement affectés par des crises économiques et financières voient souvent une augmentation du soutien aux partis d’extrême droite. Ces partis exploitent les peurs économiques et le sentiment de rétrogradation pour attirer des électeurs. Cela a été le cas pour des pays comme l’Italie et la Grèce par exemple, qui, touchés de manière sévère par les crises, ont connu une montée significative de l’extrême droite. Finalement, une autre raison est une défiance envers les Institutions. C’est-à -dire une perte de confiance généralisée dans les institutions politiques, les partis traditionnels, les médias et les universitaires mis en évidence par plusieurs sondages. Et donc cette défiance est souvent reprise par les partis d’extrême droite s’opposant à l’élite et aux structures institutionnelles en place.

Dans ce contexte de montée de ces partis, la Belgique ne fait pas exception. Il est a précisé dans le nord du pays, en Flandres. Effectivement, ces dernières années, la Belgique et les Flamands font face à l’émergence d’un parti appelé le « Vlaams Belang »10, clairement d’extrême droite et nationaliste flamand. Bien qu’un cordon sanitaire existe également dans le nord du pays, ce parti ne peut être ignoré et préoccupe de nombreuses personnes, car selon les sondages, il recueillerait jusqu’à 30 % des intentions de vote chez les Flamands. La façon dont ce parti et d’autres de ce type traitent l’interculturalité est une question cruciale.

Toujours selon Mr. François Debras, ces partis rejettent catégoriquement et fermement l’idée d’interculturalité. Bien que le discours de l’extrême droite ait évolué, le principe demeure le même : les êtres humains seraient fondamentalement et naturellement inégaux les uns par rapport aux autres. Les discours ont changé, ces partis ne parlent plus de races supérieures ou inférieures, mais de cultures ou de religions. L’extrême droite considère même certaines cultures ou religions comme inassimilables, totalement incompatibles en raison de différences profondes de valeurs et de pratiques. Par exemple, le Vlaams Belang perçoit actuellement la religion musulmane comme incompatible avec les valeurs et la culture belges, à travers sa lutte contre l’islamisation de la société. Comme mentionné précédemment, l’extrême droite se positionne en tant que protectrice des traditions, des coutumes et des identités nationales contre les influences étrangères. Par conséquent, elle rejette totalement l’idée d’une société multiculturelle, car dans son imagination, il n’est pas possible que deux cultures coexistent pacifiquement, l’une finira par dominer l’autre, entraînant la perte de celle-ci. Toutes ces préoccupations conduisent à évoquer le mythe du « grand remplacement »11, selon lequel les populations locales seraient progressivement remplacées par des immigrant·es de cultures différentes. Cette vision se traduit également par une politique anti-immigration visant à limiter l’entrée de personnes issues de cultures jugées incompatibles, par le renforcement des critères pour obtenir la nationalité, des restrictions sur les visas, et d’autres mesures similaires.

En revanche concernant le sud du pays, même s’il existe un parti d’extrême droite que très peu de wallons connaissent, il n’existe aucune quelconque montée ou même percée de l’extrême droite. Ceci est avant tout rendu possible grâce à la mise en place d’un cordon sanitaire, à la fois médiatique et politique qui empêche les partis d’extrême droite de s’exprimer librement dans les médias et d’obtenir une légitimité politique. Le cordon sanitaire est une stratégie d’isolement des partis d’extrême droite par les différents partis politiques belges. En effet, depuis 1990, les principaux partis politiques belges ont convenu de ne pas former de coalitions avec ces partis, ni de collaborer avec eux, en raison de leurs positions jugées racistes et xénophobes. L’objectif est de limiter leur influence politique et de maintenir un certain niveau de tolérance et de diversité dans la société belge. Ce cordon sanitaire en Wallonie est également médiatique, il s’agit du même raisonnement que le cordon politique mais appliqué aux médias. Les médias choisissent donc de ne pas donner de plateforme ou de couverture médiatique à des groupes ou des individus dont les opinions sont considérées comme extrémistes, dangereuses ou nuisibles à la démocratie, comme cela a été le cas pour le Vlaamss Belang. Cela réduit leur visibilité et leur capacité à attirer des électeurs. Bien que le cordon sanitaire existe également en Flandres, celui-ci est appliqué de manière moins stricte, ce qui permet à des partis comme le Vlaams Belang, de gagner en visibilité et en popularité.

Ensuite, revenons à ce qui a été mentionné précédemment :  le sentiment identitaire joue un rôle. La Flandre possède un sentiment identitaire flamand très fort, alimenté par des revendications autonomistes et nationalistes. Le Vlaams Belang joue sur ce sentiment en se positionnant comme le défenseur des intérêts flamands contre le gouvernement et les influences étrangères. Dans le sud du pays, le sentiment identitaire francophone ou wallon est moins prononcé, ce qui réduit l’attrait pour de tels partis. Le rôle des syndicats et du tissu associatif n’est également pas négligeable. Effectivement, en Wallonie, les syndicats et le tissu associatif jouent un rôle crucial dans la lutte contre l’extrême droite. Des organisations syndicalistes comme la FGTB et la CSC sont très actives dans la promotion de valeurs antiracistes et de liberté, ce qui limite l’influence des idées d’extrême droite. Pour conclure, les différences économiques et sociales entre les deux régions ne font qu’augmenter la montée de l’extrême droite en Flandres.  La Flandre, étant plus prospère, peut voir une ascension de l’extrême droite comme une réaction à la perception que ses ressources sont gaspillées par des politiques fédérales ou des populations immigrées.

Précédemment, il était sujet de cordon sanitaire médiatique, il est temps d’aborder un sujet important qu’est l’implication des médias dans une montée de l’extrême droite ainsi qu’à une propagation de certaines pensées et idées extrémistes. Mr Francois Debras a un avis clair sur cette question. Pour lui il y a une réelle corrélation entre les deux et celle-ci se manifeste de plusieurs façons.

Tout d’abord, le choix des mots employés par les médias a une influence considérable sur l’imaginaire collectif. Par exemple, les termes « décivilisation », « ensauvagement », « grand remplacement » et « vagues migratoires » sont souvent issus du lexique de l’extrême droite et véhiculent une vision négative et alarmiste des phénomènes migratoires et sociaux. Ces termes ne se contentent pas de décrire la réalité, ils créent une perception d’urgence et de menace. Par exemple, parler de « vagues migratoires » évoque une invasion et une catastrophe imminente, alors que « crise de l’accueil » pointe vers une problématique de gestion des capacités d’accueil, déplaçant ainsi la responsabilité de la crise sur les infrastructures d’accueil plutôt que sur les migrant·es eux·elles-mêmes.

La manière dont les médias construisent l’imaginaire collectif est également cruciale. Les reportages sur l’insécurité dans « les quartiers » renforcent les stéréotypes négatifs et la peur des étranger·es, même si les journalistes n’ont pas l’intention de promouvoir des idées d’extrême droite. En évoquant constamment l’insécurité dans des termes génériques et anxiogènes, les médias contribuent à associer implicitement la criminalité aux populations issues de l’immigration, alimentant ainsi un climat de méfiance et de rejet.

La banalisation des idées d’extrême droite est un autre aspect préoccupant. Certaines propositions de l’extrême droite, telles que la déchéance de la nationalité ou la création de centres fermés pour migrant·es, sont souvent discutées dans les médias comme des sujets banals et acceptables, sans toujours rappeler leur origine idéologique. Cette banalisation permet d’intégrer progressivement ces idées dans le discours public, sans les associer systématiquement à leur provenance extrémiste, ce qui peut les rendre plus acceptables pour une partie de la population.

De plus, les médias ne contextualisent pas toujours suffisamment les sujets qu’ils abordent. Les discussions sur la migration ou l’insécurité manquent souvent de perspectives historiques ou sociologiques, ce qui peut favoriser une interprétation simpliste et manichéenne des phénomènes. Par exemple, sans une compréhension approfondie des causes et des dynamiques de la migration, le public est plus susceptible d’adhérer aux explications simplistes et alarmistes proposées par l’extrême droite. Cette absence de contextualisation rend le discours médiatique vulnérable à la récupération politique et facilite la diffusion des thèses extrémistes.

Enfin, même en l’absence de partis politiques d’extrême droite en Wallonie, les discours extrémistes peuvent se diffuser largement grâce aux médias. Les termes et concepts de l’extrême droite pénètrent le discours courant, influençant ainsi l’opinion publique. Les médias peuvent indirectement légitimer ces discours en leur offrant une plateforme, même lorsqu’ils sont critiqués. La répétition de ces idées, même sous une lumière négative, contribue à leur normalisation. Par exemple, en discutant fréquemment des concepts comme « vague migratoire » ou « insécurité des quartiers », les médias participent à l’installation de ces idées dans l’esprit du public, les rendant ainsi plus acceptables et influentes.

Conclusion

Pour conclure et terminer cet article, il a été démontré que l’interculturalité joue un rôle central dans le paysage politique belge dans beaucoup de grandes thématiques importantes, surtout avec l’arrivée des prochaines élections du 9 juin 2024. Cet article a pu mettre en évidence les différentes approches adoptées par les principaux partis politiques francophones belges face à cette question.

Chaque parti a sa propre stratégie pour favoriser ou gérer l’interculturalité. Le Parti Socialiste met l’accent sur l’intégration des immigrant·es et la lutte contre les discriminations dans le domaine de l’emploi et de l’éducation. Le Mouvement Réformateur privilégie une intégration stricte et des politiques migratoires fermes, tout en promouvant l’inclusion à travers l’éducation et l’emploi. Écolo se concentre sur la réduction des obstacles administratifs et la promotion de la diversité à tous les niveaux, tandis que le Parti du Travail de Belgique (PTB) propose des mesures radicales pour éliminer les inégalités systémiques et favoriser une société plus équitable. Les Engagé·e·s adoptent une approche centriste, mettant en avant la cohésion interculturelle à travers des initiatives inclusives et une formation approfondie des enseignant·es.

Par ailleurs, l’émergence de l’extrême droite en Flandre, représentée par le Vlaams Belang, constitue un défi majeur pour l’interculturalité. Cet article vous a peut-être permis de mieux comprendre le véritable point de vue de ce parti sur cette thématique, ainsi qu’une analyse plus approfondie des mécanismes mis en jeu par l’extrême droite pour convaincre, ainsi que sa relation à l’interculturalité grâce aux informations importantes fournies par M. François Debras.

Pour conclure, malgré les progrès réalisés, les défis liés à l’interculturalité restent complexes et exigent des efforts continus de la part des acteurs politiques et sociaux. L’évolution des politiques et des mentalités sera essentielle pour garantir une coexistence harmonieuse et enrichissante des différentes cultures en Belgique. Les prochaines élections, accompagnées des nouvelles initiatives et mesures mises en place, constitueront également un élément clé dans le défi de l’interculturalité.

Après tout ce qui vient d’être mentionné dans cet article, l’une des pistes d’actions en laquelle je crois fermement est la culture de l’information, mais de la “bonne” information. Cela sert à mettre en lien direct avec ce que j’ai abordé auparavant sur le rôle des médias dans la propagation des idéologies extrémistes. De nos jours, de nombreux médias utilisent la désinformation au moyen de fake news ou, comme dit précédemment, par des manipulations de mots. Si un enjeu sociétal vous intéresse ou vous semble crucial, il est vital d’entreprendre les démarches nécessaires pour s’informer correctement : que fait la société à ce propos ? Comment les acteurs sociaux abordent-ils cette question ? Quelle est la position du monde politique ? L’accès à une information fiable est essentiel pour contrer les tentatives de manipulation par divers intervenant·es.

Concernant le thème abordé dans l’article, une information solide sur l’interculturalité peut dissuader un vote extrémiste, puisque l’électeur dispose alors de toutes les données nécessaires pour décrypter les stratégies de ces partis qui cherchent aujourd’hui à se normaliser en jouant sur les mots.

Prenons mon cheminement personnel pour cet article : l’interculturalité est un sujet complexe et souvent peu clair pour le grand public. C’était aussi le cas pour moi au début, mais je savais qu’il incarnait des valeurs importantes et qu’il s’agissait d’une question centrale dans notre société actuelle. Avec les élections à venir, en tant que jeune votant pour la première fois, j’ai jugé nécessaire et pertinent de considérer ce sujet sous un angle politique. L’objectif étant que d’autres personnes, incertaines de leur choix électoral et passionnées par certaines thématiques, puissent également effectuer leurs recherches (peut-être par des moyens moins complexes que les miens – j’ai fait le choix d’explorer et d’analyser les programmes politiques depuis les sites des partis sur internet – tels que les sondages RTBF mentionnés précédemment) pour évaluer comment chaque parti traite ces sujets et s’il existe une compatibilité avec leurs visions personnelles et les enjeux de société qui les concernent.

 


Notes

1 https://www.toupie.org/Dictionnaire/Interculturalite consulté le 13 mai 2024

2 L’analyse des programmes politiques qui suit a notamment été réalisée par l’auteur depuis les programmes des partis publiés sur leurs sites internet.

3 https://www.rtbf.be/article/quels-partis-portent-vos-idees-quel-est-votre-profil-d-electeur-faites-le-test-electoral-de-la-rtbf-11357037

4 Consulter : https://www.ps.be/banner-programme-ps-2024

5 Consulter : https://www.mr.be/programme2024/

6 Consulter : https://ecolo.be/programme-2024/

7 Consulter : https://www.ptb.be/programme 

8 Consulter : https://www.lesengages.be/actualite/le-programme-les-engages-elections-2024/

9 La rédaction de cette partie de l’article a été rendue possible grâce à une interview téléphonique avec Mr François Debras, le 30 avril 2024 à 15h35, à Liège.

10 Consulter : https://www.vlaamsbelang.org/programma

11 Le concept de « grand remplacement » est une théorie conspirationniste principalement propagée par l’extrême droite. Introduite sous ce nom en 2010 par l’écrivain français Renaud Camus, elle suggère un prétendu remplacement des populations européennes par des immigrants non-européens, surtout d’origine sub-saharienne et maghrébine aujourd’hui. Toutefois, les racines de cette idée remontent bien avant, jusqu’au début du 20e siècle en Europe et aux États-Unis. Durant les années 1920-1930, des législations américaines visaient à protéger ce qu’elles appelaient « l’ethnie américaine ». Cette notion s’est également manifestée dans les années 1940 avec la propagande antisémite nazie durant la Seconde Guerre mondiale. Plus récemment, cette théorie s’est d’abord attachée à la culture italienne avant de se focaliser principalement sur les cultures maghrébine et musulmane.

 


Bibliographie

European Commission. (2010). Indicators of Immigrant Integration: A Pilot Study [PDF] https://migrant-integration.ec.europa.eu/sites/default/files/2010-12/docl_17421_103624414.pdf. Consulté le 28 avril 2024.

Marandon Gérard. Más allá de la empatía, hay que cultivar la confianza: claves para el reencuentro intercultural. Revista CIDOB d’afers internacionals, 2003 (61 – 62 Interculturalidad y confianza = Interculturalité et confiance). https://explore.lib.uliege.be/discovery/fulldisplay?docid=cdi_csuc_raco_oai_raco_cat_article_28303&context=PC&vid=32ULG_INST:ULIEGE&lang=fr&search_scope=ULIEGE&adaptor=Primo%20. Consulté le 28 avril 2024.

Coppi D., Noppe A, Vande Velde S. (2024, 22 mars). Grand Baromètre : le Vlaams Belang loin devant, Les Engagés percent en Wallonie (infographies). Le Soir. https://www.lesoir.be/576353/article/2024-03-22/grand-barometre-le-vlaams-belang-loin-devant-les-engages-percent-en-wallonie . Consulté le 16 mai 2024.

Dialogue interculturel. (2009). Les assises de l’interculturalité [PDF]. https://www.belgium.be/sites/default/files/downloads/publ_assises_interculturalite_2009.pdf. Consulté le 28 avril 2024.

Le Vif. (2019, 24 juin). Assises de l’interculturalité : le bilan, dix ans après. https://www.levif.be/belgique/assises-de-linterculturalite-le-bilan-dix-ans-apres/. Consulté le 28 avril 2024.

Duignan, Brian. «replacement theory». Encyclopedia Britannica, 13 février 2024, https://www.britannica.com/topic/replacement-theory. Consulté le 20 mai 2024.

The great replacement. Institute for Strategic Dialogue. https://www.isdglobal.org/explainers/the-greatreplacement-explainer/. Consulté le 16 mai 2024.

« One Health » à l’ULiège : retour sur une journée test d’envergure

Une rencontre autour du concept appelé « One Health » ou « Une Seule Santé » s’est déroulée ce mercredi 3 avril à ULiège au sein du festival Rêve Général. Une approche interdisciplinaire qui va rentrer comme crédit à option pour le module Développement Durable de la faculté de Médecine, à partir de l’année académique prochaine.

Des étudiant·es amené·es sur le terrain de l’interdisciplinarité et de la mise en récit pour une santé globale !

De l’aurore à l’aube, étudiant·es, artistes et universitaires se sont réuni·es autour d’un concept appelé « One Health ». Arpentage, pièce de théâtre, atelier collaboratif et conférence : une  créativité méthodologique pour stimuler l’échange et les réflexions croisées tout au long de la journée.  Il s’agissait d’une occasion pour l’équipe organisatrice – coordonnée par Marjorie Bardiau, scientifique et responsable disciplinaire à ULiège Library dans la bibliothèque Santé – de tester une journée thématique autour du concept de « Une Seule Santé », en utilisant des techniques pédagogiques actives. Cette journée thématique sera intégrée dès l’année prochaine dans le crédit à option (2 ECTS) pour le module Développement Durable de la faculté de Médecine.

« Il s’agit d’un cadre de travail transdisciplinaire qui questionne habilement la santé comme objet à l’intersection de trois mondes intrinsèquement liés : le monde humain, le monde animal et les écosystèmes. »

Apparu au début des années 2000, le One Health a, tristement néanmoins, bénéficié de la pandémie de covid-19 en termes de visibilité. Il est alors devenu une véritable grille de lecture pour l’analyse de cette  période troublée. En effet, il s’agit d’un cadre de travail transdisciplinaire qui questionne habilement la santé comme objet à l’intersection de trois mondes intrinsèquement liés : le monde humain, le monde animal et les écosystèmes.

« Illustration un peu trop parfaite de l’interdépendance entre santé animale, santé humaine et santé environnementale, la pandémie a joué le rôle de spectaculaire piqûre de rappel : les humains n’habitent pas dans un décor – la nature – avec des personnages secondaires, les animaux, les plantes ou les micro-organismes. Au contraire, nous évoluons dans un monde interconnecté qui rassemble tous les êtres vivants. » (Luong, 2024)

Ainsi, au deuxième jour du festival Rêve général, près de 135 étudiant·es de plusieurs facultés (Faculté de Médecine, Faculté des Sciences appliquées et Faculté de Droit, Sciences Politiques et Criminologie) ont été invité·es à découvrir et à s’approprier le One Health, accompagné·es par Eclosio et le centre de recherche Spiral. La matinée fut dédiée à une « première phase d’expérimentation », sous les mots de la dynamique Pr. Céline Parotte (Département de science politique), durant laquelle un arpentage du livre « La fabrique des pandémies » permis une analyse collective de l’ouvrage.

Arpentage journée One Health

Arpentage du livre « La fabrique des pandémies »

Un arpentage est un exercice collectif qui consiste à découper un livre, à se partager les parties entre participant·es et, après une lecture individuelle, à s’expliquer entre lecteur·ices les extraits. On arrive alors à lire rapidement un ouvrage.

Arpentage du livre « La fabrique des pandémies ». © Kévin Dupont, Eclosio

Arpentage du livre « La fabrique des pandémies »

En se basant sur la technique du Graphic Medicine, les étudiant·es furent au préalable invité·es à lire aussi le manga «Contamination» permettant de personnifier la problématique et ainsi de la comprendre de manière plus intime.

Graphic Medicine est l’utilisation de bandes dessinées pour raconter des histoires personnelles de maladie et de santé. Le langage combiné de mots et d’images qu’est la bande dessinée rend ces histoires personnelles accessibles et leur confère un impact émotionnel, de même qu’aux données cliniques qu’elles contiennent parfois.

Lors de la restitution collective sur ces deux ouvrages, un récit commun sembla alors émerger. Furent soulignés communément l’importance de sortir de la logique de travail en silos et de renforcer les dynamiques d’interdisciplinarité, la déconstruction des soubassements anthropocentrés de la médecine occidentale, les limites socio-économiques auxquelles le système de santé fait face, l’importance de valeurs telles que l’empathie et la coopération, ou encore la nécessité d’amener plus d’interdisciplinarité au sein des cursus universitaires.

Préparation de la restitution. © Kévin Dupont, Eclosio

Préparation de la restitution

Après une pause bien méritée, autour d’une tasse de soupe et de tranches de pain tartinées à la betterave et aux houmous colorés, le programme fit place à la Compagnie Adoc qui émut le grand chapiteau et les étudiant·es avec son spectacle « Urgences ». Résultat de 2 années de travail d’immersion et d’un véritable travail journalistique dans le secteur hospitalier, les répliques avaient pour particularité de venir directement de la bouche des soignants et des soignantes rencontré⸱es par la troupe. Plus de 4 ans après le premier confinement, cette dernière réussit à raviver nos souvenirs, notre mémoire collective pourrait-on dire, en rappelant sans détour mais avec poésie les difficultés quotidiennes du travail hospitalier. Elle a également su proposer des idées pour un futur désirable, que nous allons nous garder de vous dévoiler ici puisque plusieurs représentations sont encore au programme du festival !

Extrait de la pièce « Urgences ». © Kévin Dupont, Eclosio

Extrait de la pièce « Urgences »

En guise de « discussion de clôture », messieurs Nicolas Neysen (professeur à HEC Liège) et Marc De Paoli (administrateur-délégué du CHU de Liège) ont été invités à réagir à chaud après la représentation d’Urgences . Monsieur De Paoli a entre autres exprimé ses craintes pour l’avenir du système hospitalier, en soutenant l’idée de supprimer ou d’ouvrir les numérus clausus à l’instar de la France. Il a également partagé les conflits de valeur auquel il fait face dans son travail quotidien : entre rentabilité et amour de l’humain, l’administrateur-délégué nous qu’il est « torturé » . Il trouve néanmoins du bonheur dans la mise en place de démarches consultatives auprès du personnel hospitalier pour les prises de décision.

Messieurs Nicolas Neysen (professeur à HEC Liège) et Marc De Paoli (administrateur-délégué du CHU de Liège). Journée One Health

Nicolas Neysen (à gauche) et Marc De Paoli (à droite)

L’émotion ambiante fut alors invitée à être canalisée dans un atelier de mise en récit organisé par Eclosio, animé par notre collègue Claire Wiliquet, atelier directement inspiré de la méthodologie de la fresque des nouveaux récits.

« Ainsi, la « sombreur » du chapiteau laissa place à la lumière du dôme, comme si la clarté de l’espoir inspiré par les récits chassait l’obscurité des problèmes soulevés. »

Atelier sur les récits - Journée One Health

Etudiant·es par groupe recevant les consignes

La première étape consista alors, après qu’ils et elles se soient attablé·es par groupe, à ce que chaque étudiant·e confie les forces et faiblesses qu’il ou elle identifie en lui ou en elle face au changement. La deuxième étape les invitait à créer un récit pour changer un morceau de société collectivement désigné.

Atelier sur les récits - Journée One Health

Immortalisation du résultat de cette première étape

Atelier sur les récits - Journée One Health

Extrait des consignes données à chacun·e

Iels choisirent des sujets hétéroclites bien qu’ils se recoupent finalement autour des questions du sens de notre vie, allant du vivre ensemble à la cohésion sociale (« Et si on créait collectivement des espaces publics ? »), de la mobilité douce (« Et si on vivait plus simplement ? ») à la prise en compte des non-humains dans notre aménagement de l’espace et d’une agriculture plus juste et plus végétale (« Et si on arrêtait les traités de libre-échange insoutenables pour les agriculteurs belges ? »), etc. Nous découvrîmes lors la restitution en commun de véritables talents d’orateurice ! Ou plutôt, de conteureuses. Ce fut réellement le point d’orgue de la journée. Ainsi, la « sombreur » du chapiteau laissa place à la lumière du dôme, comme si la clarté de l’espoir inspiré par les récits chassait l’obscurité des problèmes soulevés.

Atelier sur les récits - Journée One Health

Premier résultat d’un mode d’organisation changer, accompagné de ses stratégies

Atelier sur les récits - Journée One Health

Deuxième résultat d’un mode d’organisation changer, accompagné de ses stratégies

Dans ce type d’atelier, vous remarquerez l’influence de philosophes des futurs désirables, tels que Rob Hopkins, avec une invitation au « Et si… ? ». Cette invitation, née dans le milieu associatif, est proposées ici dans le milieu académique pour ouvrir le champ des possibles, et décloisonner la créativité des étudiant·es…

Atelier sur les récits - Journée One Health

Table d’inspirateur·ices, étudiant·es en ingénierie civile

La journée One Health s’est officiellement conclue avec cet atelier de création de récits. Néanmoins, une conférence-débat facultative pour nos étudiant·es, fort sollicité·es pour l’occasion, a officieusement poursuivit le débat pour les plus enthousiastes. Une conférence-débat toujours autour de ce fameux concept du « One Health », à nouveau orchestrée par l’équipe du centre de recherche Spiral. Ainsi, 5 questions, véritables agglomérats des interrogations soulevées par les étudiant·es durant l’arpentage de la matinée, ont été élaborées par les chercheur·euses du centre et soumises à 5 autres chercheur·euses d’horizons disciplinaires variés. Etaient membres du panel : Nolwenn Bühler (anthropologue de la santé, Université de Neuchâtel (Suisse)), Maxime Pauwels (écologue, Université de Lille), Barbara Stiegler (philosophe, Université Bordeaux Montaigne), Evelyne De Leeuw (politologue de la santé, Université de Montréal (Canada)) et Kim Hendrickx (sociologue, Université de Liège). Les discussions ont (à nouveau) abordé la transdisciplinarité (sur sa mise en application), sur la nature même du One Health (peut-on le définir ? comment le traduire ?), sur comment ils et elles perçoivent ce concept (ont été discutées les faiblesses des concepts dits « parapluie », la perception qu’ils et elles avaient de ce qu’est un écosystème, leur relation à la complexité), ou encore les enjeux d’un pilotage démocratique de la science (qui était communément considérée dans le panel comme loin d’être aussi neutre qu’on le pense habituellement). Barbara Stiegler, marraine du festival Rêve Général, soutint alors : « Il faut assumer la dimension politique et démocratique de la science. [Les citoyens devraient] donc être acteurs du processus, sans pour autant [basculer dans une posture] de donneurs d’ordre. »

« Il faut assumer la dimension politique et démocratique de la science. [Les citoyens devraient] donc être acteurs du processus, sans pour autant [basculer dans une posture] de donneurs d’ordre. » Barbara Stiegler

C’est sur une invitation à poursuivre les discussions sous le Dôme du festival Rêve Général, festival hôte ayant posé ses chapiteaux sur la plaine du Département de géographie, que le rythme de cette journée commença à ralentir… Espérons, rêvons, que se poursuive ce chemin vers un décloisonnement des connaissances, vers plus d’échange entre disciplines, ainsi que vers une démocratisation globale et générale afin de pouvoir affronter de manière résiliente les défis actuels et futurs hérités du passé. Après cette rencontre conciliant « art, sciences et démocratie » au service d’une seule santé, humaine, animale et planétaire, nos étudiants et étudiantes sont reparti·es, nous l’espérons, avec des idées et des rêves porteurs d’un avenir meilleur !

 

Personnes à l’initiative de la journée

Marjorie Bardiau Nicolas Antoine-Moussiaux et Catherine Delguste, Céline Parotte, Hélène Dodion, Pierre Delvenne, François Thoreau, Kim Hendrickx, Mathias Sabbe, Lucas Bechoux, Valentine Meens, Sacha Frenay, Sarah Delvaux, Claire Wiliquet, Aurore Gaspar, Gilles Henrard

Bibliographie

Acato, A., & Simon, P. (2018). Contamination. Kana.

Luong, J. (2024). Dialogue avec le vivant. Le Quinzième Jour.

Robin, M.-M., Morand, S. (2022). La fabrique des pandémies : préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire. Pocket.

Rédaction : Jennifer Buxant, assistante communication chez Eclosio

Empowerment et leadership des femmes productrices en agriculture familiale andine – Résumé

Réflexions pour impulser des changements et des processus vers des systèmes alimentaires soutenables.

 

Préface

En ces temps d’incertitude quant à la défense des droits et de la justice au niveau mondial, en particulier pour les femmes, il est urgent de déconstruire la pensée dominante de la domination masculine comme un fait naturel et inhérent à nos cultures, nos sociétés et leurs institutions : la famille, l’église, l’école, l’État.

Changer ce pseudo-paradigme implique plusieurs défis pour les personnes, les institutions et les projets de développement :

  • Un point de rupture avec la perception traditionnelle, conservatrice – et coloniale – que nous avons des hommes et des femmes, ainsi que des autres identités de genre, de notre rôle et de notre fonction dans la société.
  • Remettre en question notre pensée politique, nos normes sociales et nos croyances religieuses, notre être et notre devenir ; en bref, remettre en question notre propre philosophie de la vie et de l’existence en tant que sujets sociaux de droit, architectes de notre propre destin et de notre propre histoire.
  • Persister dans la nécessité de construire une société plurielle, démocratique et inclusive, à partir de notre propre réalité et diversité culturelle et d’une nouvelle façon de nous regarder et de nous approcher.
  • Être capables de désapprendre pour réapprendre et envisager de nouveaux modes de compréhension et de relation entre les femmes, les hommes et les autres identités de genre à la campagne et à la ville.
  • S’engager à forger une nouvelle perspective transformatrice et intersectionnelle du genre dans l’histoire, la politique, la culture, l’ethnicité et le développement territorial harmonieux aux niveaux social, économique et environnemental.
  • Être des animateurs de la justice sociale et de l’égalité entre les femmes et les hommes, en assurant l’égalité des chances et des conditions pour les femmes et les hommes, ainsi que leur plein accès aux droits de citoyenneté.
  • Renforcer les progrès et les efforts visant à reconnaître, valoriser et rendre visible la contribution des femmes dans les différents domaines de la pensée et de l’action humaines, dans les sociétés et les cultures différentes et complexes où elles vivent, même dans les plus arriérées, et dans leur lutte persistante pour obtenir des changements substantiels en faveur de sociétés plus démocratiques, plus justes et plus égalitaires.

Peser les conséquences de la domination masculine comme « l’éternisation de l’arbitraire », nous rappelle les travaux du sociologue Pierre Bourdieu et de penseurs féministes notables, aboutissant à un impératif moral intergénérationnel que nous devons reconnaître et assumer face à ceux qui s’obstinent à défendre le statu quo : cet ordre institué injuste qui perpétue les rapports de domination, les privilèges et les violations des droits.

Alors, continuons à encourager de nouveaux rêves et slogans d’espoir pour le changement et l’égalité !

Terres publiques & agriculture – Courrier-type d’interpellation communale

Eclosio, Terre-en-vue et des étudiant·es de Gembloux Agro-Bio Tech vous proposent un courrier type pour interpeller les élu·e·s de votre commune et demander à ce que des terres publiques soient mises à disposition de l’agriculture durable et locale, et ce, en suite à la Soirée-débat TCHAK ! – Des terres publiques pour nous nourrir ?.

 

Lien vers le courrier type d’interpellation communale

 

Courrier Type d'interpellation communale - (recto)
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Du pouvoir-sur au pouvoir du dedans : ce que l’écoféminisme nous apprend pour penser nos rapports à la terre et construire un monde égalitaire – Analyse

 


Une analyse de Déborah CHANTRIE, chargée des programmes chez Eclosio. 

Lire l’analyse en version PDF

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Prise de conscience face à la crise climatique, mise en lumière des systèmes de domination, critique d’un modèle économique capitaliste basé sur la croissance infinie et l’exploitation des ressources naturelles… Face à ces enjeux, les écoféminismes apportent des pistes de réflexion.

En effet, les mouvements écoféministes, contraction entre écologie et féminisme, remettent en cause le modèle de développement capitaliste inégalitaire et destructeur pour la planète. Ils invitent à penser un nouveau modèle sociétal à travers le prisme de l’écologie et du « care » qui renvoie à l’éthique du soin¹ : prendre soin des humains, de la terre et de son environnement. Ce sont des mouvements sociaux de lutte pour l’égalité et le respect de l’environnement. Mais, l’écoféminisme est aussi un courant politique, philosophique et éthique porté par les femmes et dont les racines sont ancrées localement.

 

S’intéresser aux écoféministes, c’est développer notre esprit critique et notre conscience écologique, c’est à dire, tenter de réagir face aux urgences climatiques, sans perdre les acquis des luttes pour les droits des femmes (Puleo, A. 2017). C’est aussi dépasser le féminisme théorisé en occident construit sur base des revendications propres aux femmes blanches aisées. C’est élargir son regard et en prenant en compte les différentes formes de domination et les revendications qui en découlent.

Photo d'une main tenant une plante

Photo Pexels.com (Akil Mazumder)

Les origines des mouvements écoféministes

Dans la littérature, le mot écoféminisme est apparu pour la première fois sous la plume de Françoise d’Aubonne en 1974 dans son ouvrage « Le féminisme ou la mort ». Elle fait le lien entre capitalisme et patriarcat, deux systèmes d’oppression qui sont, selon l’autrice, responsables de l’exploitation du corps des femmes et de la nature. Toujours à la fin des années 70, en Inde, naissait le mouvement des femmes Chipko, qui signifie « étreindre », qui s’élèvent contre la déforestation : elles défendent les arbres au nom de leur vie. Elles ont inspiré Vandana Shiva, militante écoféministe indienne, célèbre pour sa lutte contre le géant Monsanto et la défense des paysans indiens.

Au Kenya, en 1977, Wangari Maathai a créé un mouvement de la « ceinture verte », pour lutter contre la déforestation qui pèse particulièrement sur les femmes. Et, dans les années 80 aux Etats-Unis, avec un mouvement de femmes anti-nucléaire très fort, l’écoféminisme se popularise et englobe toutes formes de mobilisation de femmes pour la défense de l’environnement (Larrère, C. 2022).

Et c’est encore en 1991, à Washington, lors du premier Sommet national des peuples de couleur sur l’environnement, que les voix des femmes des Suds dénoncent les conséquences sur leurs conditions de vie du modèle agro industriel promu par la révolution verte. L’objectif était d’augmenter la productivité agricole dans les pays des Suds. Cette révolution verte était pleine de promesses – élimination de la famine, rendements agricoles améliorés, irrigation plus efficace – mais oublie les conséquences néfastes (Larrère, C. 2022). En effet, aujourd’hui les effets négatifs sont nombreux, avec entre autres une perte de la biodiversité, la dépendance aux engrais chimiques et aux pesticides, l’appauvrissement des sols, la perte de la diversité des semences. Sans s’identifier à un mouvement commun transnational, des actions concrètes menées par des femmes pour préserver l’environnement ont marqué l’écoféminisme.

Ces mouvements de femmes sont donc nombreux et globaux, ils se sont construits à travers des revendications différentes mais toutes liées par la dénonciation du système capitaliste et patriarcal : protection des terres autochtones, dénonciation de la surexploitation des ressources naturelles, promotion d’une agriculture durable et locale, etc. Par ces actions très concrètes, elles remettent en question le modèle économique capitaliste qui privilégie la croissance infinie et l’exploitation des ressources naturelles.

Capitalisme et patriarcat : quels liens ?

La place des hommes et des femmes dans la société ne peut être distinguée des paradigmes de développement des sociétés. Dans une société capitaliste, la croissance économique est le vecteur du développement. Cela passe par la domination des corps, de la nature, des groupes sociaux marginalisés, comme marqueur de succès. Les femmes ont donc été exclues du développement et les inégalités se sont accentuées.
En effet, dans un modèle de développement économique capitaliste, une première séparation entre la nature et l’être humain a permis l’exploitation du second sur la première. C’est le même processus à l’œuvre concernant le rapport de domination envers les femmes. Elles sont reléguées au second plan du développement économique, enfermées dans la sphère reproductive où leur travail est totalement dévalorisé et invisibilisé. En effet, le travail domestique, essentiel à la survie des humains, est traditionnellement attribué aux femmes. Ce travail est d’une part invisible, il se réalise dans la sphère privée, à la maison. Et d’autre part dévalorisé parce qu’il ne contribue pas à la croissance économique. Et, finalement ce sont tous les traits liés à la féminité qui sont connotés négativement.

Mais, ici et ailleurs, les voix des femmes se lèvent pour actionner la transformation vers un autre modèle de société. En effet, en plus d’un système inégalitaire entre les sexes, les femmes sont les premières touchées par les changements climatiques et la pauvreté. Les sècheresses à répétition, la diminution de la biodiversité, la disparition d’espèces endémiques, l’appauvrissement des sols à cause des pesticides et engrais chimiques, l’accaparement des terres, entraînent des conséquences directes sur l’accès à une alimentation suffisante et saine. Aujourd’hui, les inégalités environnementales sont de plus en plus importantes, et les luttes sociales se sont déplacées vers la sphère familiale dont les femmes ont la charge (Pruvost, G. 2019). Elles sont alors au cœur des luttes, parce qu’elles sont les plus touchées, mais aussi parce qu’elles détiennent une partie des solutions.

De plus, les populations qui pratiquent l’agriculture de subsistance sont fortement impactées par les bouleversements climatiques et les inégalités de genre. Ce sont des peuples d’Afrique, d’Asie ou encore d’Amérique du Sud. A ce titre, citons l’exemple de Vandana Shiva, militante indienne qui lutte pour la sauvegarde de la biodiversité et l’émancipation des femmes. Elle nous invite à penser un nouveau modèle de développement soutenable à contre-courant du modèle économique capitaliste. Elle propose de concevoir une économie du vivant et une agriculture basée sur les principes de l’agroécologie.

Selon Vandana Shiva : « le développement est le problème et non la solution ». Si nous partons de ce postulat, alors il faut repenser le développement et sortir de la logique économique pour tendre vers une logique du soin, c’est-à-dire du soin aux autres et à l’environnement. C’est pourquoi, elle place les semences au centre des luttes écoféminismes. Elle nous explique que « la terre est au centre de la vie ». Et la symbolique des semences est puissante, car elles nous connectent à la nature alors que la philosophie mécanique voit la nature comme morte et exploitable. Elle a dédié sa vie à conserver les semences paysannes car la graine est une entité vivante et pas une machine (Beyrand, S. 2023). C’est le symbole même de reproduction de la vie.

L’écoféminisme dans les pays du Sud offre une perspective unique sur les défis environnementaux et sociaux auxquels ces régions sont confrontées. Il met en évidence la nécessité de combattre à la fois l’oppression des femmes et la dégradation de la nature, pour construire un monde plus équitable et durable.

Ecouter la voix des femmes

Les mouvements écoféministes ont donc cette particularité de ne pas s’être construits uniquement dans le monde occidental. S’intéresser à ces mouvements, c’est aussi prendre une perspective interculturelle et s’autoriser à apprendre des autres, et surtout des peuples qui ont gardé une grande connexion avec la nature.

Construire des liens entre la nature et les humains, c’est un premier pas vers une pensée écologique et féministe. Car, pour comprendre ces mouvements écoféministes, il faut savoir qu’ils sont portés par des femmes depuis leur position subalterne dans notre société capitaliste.

Ces rapports de domination sont marquants car ils sont le fruit d’un système capitaliste et patriarcal, basé sur la domination de l’environnement d’une part, et des femmes d’autre part. Les courants écoféministes ont en commun de remettre en cause ces dominations.

Dans beaucoup de pays, les femmes sont détentrices de pléthore de savoirs utiles pour créer d’autres possibles plus inclusifs et plus respectueux de l’environnement. Bien que les femmes aient toujours constitué une main d’œuvre importante, elles ont construit, depuis des millénaires, des savoirs, depuis la sphère privée. Ils s’articulent autour de tâches réservées aux femmes, et elles ont élaboré des expertises sur la biodiversité, les plantes, les soins aux humains et aux animaux, ainsi que la transformation alimentaire.

Productrice membre d’une coopérative (Kampong Speu - Cambodge)

Productrice membre d’une coopérative (Kampong Speu – Cambodge) – ©Eclosio

 

De plus, actuellement, parce que les femmes sont les premières victimes des changements climatiques, cela les force à faire preuve de résilience, et à s’adapter rapidement pour survivre. Par exemple, au Tchad, Mme Hindou Oumarou Ibrahim, géographe et activiste climatique, explique que « les femmes sont les dernières à savoir où se trouve la nourriture dans la brousse., Il faut aller trouver les feuilles dans la brousse pour cuisiner. S’il y en a beaucoup, elles connaissent les techniques pour les sécher et les utiliser pour un autre jour ». En matière d’agriculture durable aussi « elles savent comment fertiliser une petite parcelle qui n’est pas grande comme celle de l’homme, mais pour l’exploiter et avoir plus de rendement pour sa famille ». (Diop, D. 2023). Les femmes, dans les Suds, sont les piliers de l’agriculture de subsistance. Un autre exemple sont les femmes du mouvement Chipko en Inde, duquel Vandana Shiva puise son inspiration. Elle a été bénévole dans cette communauté pendant des années. Elle y a appris l’importance des savoirs endogènes des femmes : « dans ce mouvement il y a des femmes qui ne sont jamais allées à l’école, mais elles connaissent toute la forêt, elles savaient que la forêt était reliée à la rivière, elles savaient reconnaitre une plante comestible et une plante médicinale ». Mais comme le souligne Vandana Shiva, les savoirs concernant la biodiversité ne sont pas considérés comme des savoirs importants (Beyrand, S. 2023). Avec la technicisation de l’agriculture, les savoirs concernant la biodiversité et la préservation de la nature ont été relégués au second rang, au profit des savoirs mécaniques, techniques, et scientifiques. L’objectif n’est plus de préserver son environnement, mais de le dominer.
Il donc est intéressant de rappeler qu’il faut impliquer les femmes et les écouter, parce qu’elles ont des solutions à offrir. Mais il faut être très attentif à ne pas faire porter sur les femmes toute la charge de sauver le monde. Il s’agit bien de valoriser leurs savoirs et pratiques, et de les porter en tant que modèle de développement inclusif. Pour cela, il est important d’entamer un processus de déconstruction des stéréotypes de genre dans la société afin de ne pas tomber dans le biais essentialiste, c’est-à-dire l’attribution de caractéristiques immuables aux femmes. Plus spécifiquement, il s’agit de représentations biaisées construites sur base des stéréotypes de genre. Elles conduisent à l’attribution de caractéristiques dites naturelles aux hommes et aux femmes, qui sont souvent antagonistes et dévalorisent généralement les attributs féminins. Les femmes seraient des êtres de douceur, d’amour et de compassion. Elles seraient naturellement plus enclines à être en proie à leurs émotions, des êtres sensibles et délicats. Alors que les hommes seraient plein de force, de domination et de pouvoir. Ils seraient des leaders nés, des êtres de rationalité et de raison. Ce sont évidemment des caricatures stéréotypées des groupes sociaux hommes et femmes, mais cela montre l’importance de dépasser ces clichés et tendre vers l’égalité. Sinon, les femmes auront à nouveau à porter la charge du soin, qu’elles ont portée auparavant, et qu’elles tentent de valoriser.

Construire des systèmes alimentaires durables à travers le prisme écoféministe

A l’instar de l’écoféminisme, l’agroécologie² est un mouvement, mais c’est aussi une science et un ensemble de pratiques, où les dimensions sociales et environnementales sont importantes. L’agroécologie veut transformer les systèmes alimentaires pour construire des modèles durables. Ce processus de transformation commence souvent par changer les pratiques de production agricole en couplant les savoirs des paysan·nes avec les savoirs scientifiques (Prévost, H. 2014). C’est donc un modèle qui promeut et intègre les savoirs paysans.

De plus, dans la transition agroécologique, la justice sociale et l’équité sont des valeurs importantes. L’idée est de penser un modèle de société holistique, où la dignité de chaque personne est respectée. Il est donc question d’intégrer dans ce modèle de société toutes les personnes, qu’ils ou elles soient hommes ou femmes. Les mouvements écoféministes montrent que les femmes agissent pour la sauvegarde et la reproduction de la vie depuis des millénaires. L’agroécologie a donc intérêt à prendre en compte les savoirs subalternes, dont ceux des femmes, en pensant un nouveau modèle de production agricole, basé sur la préservation de la nature et de la vie. C’est pourquoi, il apparait que l’écoféminisme et l’agroécologie sont étroitement liés, offrant une perspective puissante pour la transition vers des systèmes alimentaires durables, dans lesquels la relation à la terre, au vivant, le soin et la reproduction sont les bases d’un développement harmonieux. Dans la transition agroécologique, il apparait que les femmes et leurs savoirs sont trop peu ou pas pris en compte, alors que cette transition gagnerait de cette inclusivité.

 

Productrice d’oignons - Projet Yessal Sunu MBay (Sénégal)

Productrice d’oignons – Projet Yessal Sunu MBay (Sénégal) – ©Eclosio

De la contrainte sociétale au pouvoir d’agir

Depuis trop longtemps, les femmes ont été assignées à la sphère reproductive, à la « nature » et rejetées de la sphère économique, politique et culturelle.

Aujourd’hui, les écoféminismes portent d’autres récits, des expériences de femmes qui participent à la construction d’un développement durable. Et, le paradoxe est intéressant, car c’est l’assignation des femmes à la nature qui a conduit à leur aliénation, mais c’est aussi à travers le lien qu’elles ont entretenu avec la nature qu’elles cherchent aujourd’hui à s’émanciper (Pruvost, G. 2019). La nature n’est pas un objet, le corps des femmes non plus. Repenser des relations égalitaires, nous permet de sortir du modèle de développement capitaliste, basé sur des principes, non pas d’une croissance sans fin, mais du respect du vivant, d’une valorisation du travail domestique, invisible et reproductif.

Parce que finalement, c’est dans cette sphère nécessaire mais invisible que les femmes exercent leurs savoirs, qu’elles éduquent les générations à venir, qu’elles transforment les aliments en repas pour donner de l’énergie à toute la famille. Mais c’est aussi dans cette sphère qu’elles reproduisent des semences pour faire le jardin potager derrière la maison. Elles soignent les malades, soignent leur maison, soignent leur(s) enfant(s), et se soignent aussi. Elles s’occupent du vivant. Elles créent la vie.

Le concept politique ou philosophique d’écoféminisme offre des pistes intéressantes pour contribuer à toutes les entreprises de promotion du développement durable. Les écoféminismes mettent en exergue la puissance des femmes, celles que ni le capitalisme, ni le patriarcat n’a réussi à faire taire.

Cette reconnaissance, cette force proprement féminine, peut faire peur, même si elle ne doit pas car « la puissance des femmes ne relève pas du pouvoir-sur mais du pouvoir-du-dedans, celui qui lie femmes et hommes à la nature » (Larrère, C. 2023). Actuellement aux mains des femmes, cette puissance conduit à une revalorisation des traits liés à la féminité, ces traits partagés par tous les êtres humains, les hommes y compris.


Notes :

¹ Qui fait référence aux infirmières, aides-soignantes, puéricultrices et tous ces métiers soi-disant réservés aux femmes, liés au soin des autres et souvent dévalorisés. Comme si les femmes seraient naturellement plus enclines à soigner les autres.

² Définition | Plateforme des connaissances sur l’agroécologie | Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (fao.org)


Bibliographie

Larrère, C. (2022). L’écoféminisme en paroles et en actes. Communications, 110, 139-152. https://doi.org/10.3917/commu.110.0139

Larrère, C. (2023). Conclusion. Dans : Catherine Larrère éd., L’écoféminisme (pp. 111-112). Paris: La Découverte.

Puleo, A. (2017). Pour un écoféminisme de l’égalité. Multitudes, 67, 75-81. https://doi.org/10.3917/mult.067.0075

Prévost, H., Galgani Silveira Leite Esmeraldo, G. & Guétat-Bernard, H. (2014). Il n’y aura pas d’agroécologie sans féminisme : l’expérience brésilienne. Pour, 222, 275-284. https://doi.org/10.3917/pour.222.0275

Pruvost, G. (2019). Penser l’écoféminisme : Féminisme de la subsistance et écoféminisme vernaculaire. Travail, genre et sociétés, 42, 29-47. https://doi.org/10.3917/tgs.042.0029

Zielinski, A. (2010). L’éthique du care : Une nouvelle façon de prendre soin. Études, 413, 631-641. https://doi.org/10.3917/etu.4136.0631

Podcast :

Beyrand, S. (2023), Cultiver la biodiversité de l’esprit, semer des graines d’espoir. Vandana Shiva. Dans Radio Recyclerie. Spotify.

Diop, D. (2023). Activisme climatique : cartographie des ressources naturelles et des savoirs locaux. Interview de Hindou Oumarou Ibrahim dans OECD/SWAC – Sahel and West Africa Club. Soundcloud.

Pour aller plus loin :

Myriam Bahaffou (2022). Des paillettes sur le compost, Ecoféminisme du quotidien. Le passager clandestin

Retour sur une semaine d’apprentissage collectif à Thiès, au Sénégal

Du 10 au 14 juillet 2023, vingt-deux professionnel·les étaient réuni∙e∙s à Thiès, toutes et tous animé·es par un même objectif : celui d’améliorer nos stratégies et nos pratiques de mise en œuvre de projets de développement, liés à l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques.

Une réelle aubaine

Imaginez-vous un groupe de 22 personnes d’horizons aussi divers, actives dans la recherche et mise en œuvre d’actions avec des communautés, dans des contextes socioéconomiques et politiques difficiles et variés ! Imaginez la quantité et la qualité des expériences et des parcours personnels et institutionnels qu’elles ont vécues ! Imaginez que chacun·e d’entre elles partage tout cela, sans jugements de valeur quant à cette quantité et cette qualité !

Le résultat est évident : un foisonnement d’idées, de questions, de suggestions, d’exemples concrets. Ce fut une réelle aubaine et un apprentissage inspirateur que de partager nos expériences et nos compétences. Chacun·e est reparti avec un bagage d’innovations à tester à son retour au pays.

Un apprentissage inspirateur

Pour faire émerger cette diversité de savoirs et savoir-faire, l’équipe organisatrice a choisi de sortir des sentiers battus en promouvant un apprentissage collectif.

Sujet d'étude - quantité de bois utilisé par les ménages quotidiennement pour la cuisson

 

Des communautés d’apprentissage et de pratiques ont commencé leurs échanges en mars 2023 de manière virtuelle et les participant·es se sont retrouvé·es en présentiel durant ce séminaire. Ce type d’approche pédagogique, nouvelle pour la plupart des participant·es, a permis à ceux·celles -ci de partager leurs problématiques et de coconstruire des solutions en se basant sur les compétences et expériences des autres.

 

 

« Ce fut un creuset de riches échanges, d’expériences qui, en plus d’étoffer mon savoir, m’a permis de faire une auto-évaluation de mes compétences » (Yvonne Ogan, 16-07-2023).

« Ça a été un plaisir de participer à ce séminaire international. J’ai énormément appris de toutes les parties présentes et noué des relations dynamiques. Cela va améliorer mes façons de faire au sein de l’organisation qui m’a déléguée. » (Mamadou Saliou BALDE, 17-07-2023).

Un potentiel humain remarquable qui ne demande qu’à apprendre et enseigner

Ce séminaire met à nouveau en évidence que le monde du « développement » dispose d’un vivier de talents dans tous les pays. Ce potentiel humain n’est pas suffisamment reconnu, ni pour ses apports à la société, ni pour ses savoirs, ni pour ses savoir-faire, ni pour ses savoir-être.

S’il est vrai que beaucoup de professionnel·les sont à la recherche de formations complémentaires, peu accessibles sur le terrain, il est indispensable d’y répondre en repensant nos approches formatives, en démontrant notre capacité d’inclusivité de leurs talents, en reconnaissant et en valorisant leurs compétences et expériences. Dans cette optique, comme le mentionne B. de Souza Santos [1], il est primordial de valoriser la diversité, « des manières très différentes d’être, de penser, de ressentir, de concevoir le temps, d’appréhender les relations des êtres humains entre eux et celles entre les humains et les non-humains, de regarder le passé et le futur, d’organiser la vie collective, la production de biens et des services, et les loisirs ».

C’est d’ailleurs dans cette voie qu’Eclosio s’est engagée dans son plan stratégique 2022-2026.


[1] B. de Sousa Santos, 2011. Epistémologies du Sud. Etudes rurales, janvier-juin 2011, 187 : 21-50. Traduit de l’anglais par Magali Watteaux.

L’origine du séminaire

En coordination avec le Service public de Wallonie (SPW) et AWAC, Eclosio a mis à la disposition de diverses institutions porteuses de projets d’atténuation et/ou d’adaptation aux changements climatiques une offre de services pour contribuer à l’amélioration des impacts et de la visibilité des actions et projets relatifs à l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques. Les institutions participantes ont identifié différents freins dans la réalisation de leurs projets et les aspects à améliorer. Cette analyse a débouché sur la mise en œuvre de communautés d’apprentissage et de pratique, réunissant des professionnel·les du développement de différents pays du continent africain et ailleurs (Haïti, Belgique) autour de 4 thématiques : l’agroécologie, la gestion des ressources naturelles, l’agroforesterie/gestion des forêts et l’implication des groupes-cibles. Des formations virtuelles en termes de capitalisation d’expériences et de suivi-évaluation ont complété le travail de ces communautés.

 

Le séminaire en vidéos

Pour en apprendre plus sur les Communautés d’Apprentissage et de Pratiques, rendez-vous sur cette page.

 

Pour en apprendre plus sur la méthode du co-développement, rendez-vous sur cette page.

 

Remerciements

Nous tenons à remercier les institutions et les personnes qui ont permis l’organisation de ce processus formatif :

  • Le Service public de Wallonie (SPW) pour le financement et la confiance dans ce processus formatif ;
  • L’équipe d’Eclosio, Anne, Fatou, Olfa et Pierre R. et Pierre C. pour la facilitation ; Médina, Agnès, Marie-Thérèse, Jérôme et Didier pour la logistique et les finances ;
  • Daniel Faulx et Cédric Danse, de l’Université de Liège, pour la formation de facilitateurs·rices.

Les participant∙e∙s : Yvonne, Valentin, Saloum, Ramata, Mara Moussa, Mamadou Saliou, Mal, Lidia, Léonidas, Jean-Pierre, Jean-Claude, Jean, Ibrahim, Fodé, Félix, Euloge, El Hadji Ousmane et les institutions auxquelles ils∙elles appartiennent.

 

 

 

Vers la transition agroécologique, l’insertion socioéconomique de populations fragilisées et un engagement citoyen face aux enjeux sociétaux et climatiques