Sénégal : un stage en agroécologie au pays de la Teranga

Pour ma 3ème et dernière année d’étude, j’ai dû réaliser un stage de 3 mois de mi-septembre à mi-décembre 2019, aboutissant sur un TFE. J’ai voulu partir à l’étranger pour découvrir un nouveau pays, une nouvelle façon de vivre, mais aussi travailler sur un sujet de TFE intéressant et suffisamment sérieux pour que l’école autorise mon départ. Certains stages proposés par Eclosio convenaient parfaitement à ce que je cherchais et en particulier le projet sur la diffusion de l’agroécologie, projet sur lequel j’ai finalement travaillé.

Une arrivée surprenante

Lorsque je suis parti je me sentais prêt, je m’étais intéressé aux coutumes du Sénégal et au projet sur lequel j’allais travailler : l’agroécologie sous les tropiques, la diffusion de pratiques et d’informations entre paysan·ne·s, etc. Pourtant quand je suis arrivé, j’étais complètement perdu. Tout était différent de chez nous. Je n’avais aucun repère et la chaleur étouffante du mois de septembre ne faisait que m’embrouiller encore plus. Heureusement j’ai pu m’acclimater très rapidement. Après une à deux semaines, grâce à la sympathie et l’accueil chaleureux des sénégalais·es que j’ai rencontré·e·s et des membres d’Eclosio, je me suis senti beaucoup plus détendu. Nous étions deux de la même école à être parti·e·s à ce moment-là et nous nous sommes serré les coudes les premiers jours et dans les moments difficiles.

Je m’étais intéressé aux coutumes du Sénégal et au projet sur lequel j’allais travailler : l’agroécologie sous les tropiques, la diffusion de pratiques et d’informations entre paysan·ne·s, etc. Pourtant quand je suis arrivé, j’étais complètement perdu.

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Visite d’une pépinière d’oignon d’un paysan-relais (à gauche) de la commune de Dialacoto avec le technicien (à droite).

Des leçons de vie

Au-delà de ce que j’ai appris en m’intéressant au projet de modèle de développement durable (dont le but est de développer des exploitations familiales socialement, économiquement et écologiquement durables en mettant en avant les initiatives des femmes et des jeunes), à l’agroécologie au Sénégal et en écrivant mon TFE, j’ai appris à me débrouiller beaucoup plus tout seul. J’ai aussi appris à rester calme et à accepter le fait que j’étais face à des choses qui me dérangeaient, mais que je ne pouvais pas changer. J’ai appris à m’adapter et à vivre dans un environnement pas toujours facile pour moi. Ce stage m’a aussi permis d’entrapercevoir comment fonctionnent une ONG et le monde de l’entraide au Sénégal. Tout ce que j’ai appris à travers cette expérience va m’être utile si plus tard je compte travailler dans une ONG, dans un autre pays du Sud ou même pour certaines choses de mon quotidien. J’ai aussi eu un premier aperçu du monde du travail et de la manière dont cela fonctionne.

J’ai appris à m’adapter et à vivre dans un environnement pas toujours facile pour moi. Ce stage m’a aussi permis d’entrapercevoir comment fonctionnent une ONG et le monde de l’entraide au Sénégal.

Durant mon stage j’ai vraiment découvert une autre culture, une autre façon de vivre. Avant de partir, je me disais que l’on avait déjà tout découvert du monde et que grâce à internet et aux différents reportages on pouvait vite se faire une idée de l’ambiance d’un pays. En réalité, après être parti j’ai complètement changé ma vision de monde. Je me suis rendu compte que je ne connaissais rien et que finalement on ne pouvait seulement connaitre approximativement un pays, une région, un contexte précis qu’en y restant assez longtemps et en vivant vraiment avec la plupart des habitant·e·s sur place.

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Observation sur le terrain des bienfaits de l’agroécologie sur une parcelle d’un paysan-relais avec le technicien. Ce sont des cultures de piments à gauche et d’oignon à droite avec un système d’irrigation venant d’un puits.

Je vais terminer en vous proposant quelques conseils :

  • 1er conseil : Je dirais tout d’abord qu’il ne faut pas s’inquiéter au début, c’est impossible d’être prêt à 100 % avant de partir. Tout est tellement différent que c’est impossible de se sentir comme chez soi dans les premiers jours, mais cela va s’arranger très vite, car nous avons tous et toutes les capacités de nous adapter.
  • 2e conseil : Ne jamais s’énerver, le rythme de vie au Sénégal n’a rien en commun avec le nôtre. En tant que stagiaire vous aurez beau vous bouger le plus possible, cela ne changera rien. Au Sénégal vous devez vous laisser porter par la vie, par les événements et essayer de prendre tout du bon côté, car comme les sénégalais·e·s le disent, à la fin tout ira bien.
  • 3e conseil : Ne pas hésiter à partir, c’est vraiment une expérience de vie incroyable qui peut changer votre perception du monde qui vous entoure. En plus, vous serez encadré·e·s par les membres d’Eclosio qui se démèneront toujours pour que votre stage se passe au mieux.

Noé B.

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Le fils d’un paysan-relais porte des seaux d’eau venant du puits pour arroser les plantations de choux.

Une expérience professionnelle et humaine au Cambodge

Savoir-faire et savoir-vivre sont des compétences que j’ai acquises grâce à un stage de 4 mois qui m’a emmené à l’autre bout du monde, pour découvrir l’agriculture cambodgienne. Dans cet article, je vous fais part de l’expérience inoubliable que j’ai vécue. Je m’appelle Simon V., j’ai 21 ans et je fais des études d’agronomie à la HEPL (Campus de La Reid) en orientation « environnement ».

Après avoir suivi une formation en permaculture, qui m’a beaucoup plu, j’ai orienté ma recherche de stage dans le domaine de l’agroécologie. Je me suis tourné vers Eclosio, connaissant sa réputation, et parce que nous défendons les mêmes valeurs. Eclosio m’a proposé un stage sur le Bokashi, un fertilisant naturel produit par « Utdom Sorya », une coopérative agricole cambodgienne que l’ONG soutient. Ce sujet correspondait à mon envie de vouloir être acteur d’une agriculture familiale et respectueuse de l’environnement.

Eclosio m’a proposé un stage sur le Bokashi, un fertilisant naturel produit par « Utdom Sorya », une coopérative agricole cambodgienne que l’ONG soutient.

J’étais conscient qu’il ne serait pas simple de faire un stage dans un pays que je ne connaissais pas. Par conséquent, j’ai voulu préparer ce grand voyage au maximum en lisant le témoignage d’ancien·ne·s stagiaires et en prenant contact avec eux·elles. Avant de partir pour 4 mois de stage, je me suis documenté sur le sujet qui allait m’occuper pour une année académique entière (stage + TFE) et je me suis renseigné sur le Cambodge, sur sa culture et son histoire. Je me sentais prêt et le dépaysement promettait d’être total.

Premiers contacts rassurants

À mon arrivée au Cambodge, j’ai été très bien accueilli par le staff d’Eclosio. Je pouvais profiter de leurs bureaux et d’une connexion Internet afin de rédiger mon TFE. Je m’y rendais, en tuk-tuk, 1 à 2 fois par semaine depuis mon appartement de Phnom Penh, la capitale. Le reste de la semaine, j’étais sur le terrain, à 70 kilomètres au sud de la capitale. Là-bas, je travaillais sur l’amélioration du Bokashi dans une coopérative agricole. Cette coopérative produit cet engrais de A à Z, de l’achat des matériaux à la commercialisation en passant par la production (plusieurs tonnes par an) et la transformation de l’engrais en pellets. Je logeais chez la famille Meourn active dans cette coopérative. Cette famille m’a accueilli à bras ouverts dans sa maison où je mangeais de très bons plats.

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Photo 1 : mise en place d’une culture de micro-organismes selon une méthode locale avec l’aide d’un stagiaire cambodgien. (Sophorn, 2019)

État d’esprit positif

Les différences culturelles sont nombreuses tant dans la façon de dire bonjour que dans la manière de s’habiller. À Phnom Penh, la circulation est très dense et le Code de la route n’y est pas respecté. Les voitures se garent sur les trottoirs et tout semble désorganisé. La ville n’est pas le meilleur endroit pour se promener à pied donc j’étais très content de retourner régulièrement sur mon lieu de stage pour profiter du calme de la campagne. Pour m’y rendre, je devais emprunter plusieurs types de moyens de transport (minibus, tuk-tuk et moto). Les trajets étaient longs à cause de l’état déplorable des routes. Les personnes contre qui j’étais serré dans les taxis collectifs, prenaient leur mal en patience, j’ai donc rapidement adopté la même philosophie. Une fois arrivé au village, le rythme de vie était différent, on se levait et on se couchait très tôt. Il n’y avait ni magasin, ni café, ni restaurant et les habitations étaient rudimentaires. Mais quel bonheur de se réveiller au milieu des rizières et de la nature! Là-bas, la bienveillance et la joie de vivre étaient omniprésentes.

Les différences culturelles sont nombreuses tant dans la façon de dire bonjour que dans la manière de s’habiller. À Phnom Penh, la circulation est très dense et le Code de la route n’y est pas respecté.

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Photo 2 : membres de la coopérative « Utdom Sorya » lors de la visite d’une coopérative agricole partenaire. (Nov, 2019)

Investissement quotidien

Ce stage m’a appris à travailler en autonomie, à prendre mes responsabilités et à trouver les bons contacts pour mener à bien mon projet. J’ai appris à persévérer et à négocier, notamment, auprès des laboratoires pour qu’ils acceptent d’analyser mes échantillons. Il faut reconnaître que les embuches sont nombreuses. La barrière de la langue est un frein et le projet n’avançait pas aussi vite que je le voulais. Malgré tout, j’ai vite oublié les désagréments parce que j’aimais ce que je faisais. En outre, j’ai été marqué par le travail remarquable que font, au quotidien, les ONG actives dans la coopération internationale. Très vite, j’ai été pris par cette envie d’ajouter ma pierre à l’édifice.

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Photo 3 : production du Bokashi avec l’aide des membres de la coopérative. (Meourn, 2019)

Considéré comme un ami et non comme un étranger

La famille qui m’accueillait ne parlait malheureusement pas anglais, et moi, je ne parlais pas khmer, mais avec un peu de bonne volonté et par le biais des applications de traduction, j’ai pu me faire comprendre. Régulièrement, le staff d’Eclosio ou des étudiant·e·s cambodgien·ne·s travaillaient sur mon lieu de stage et ils·elles m’étaient d’une aide précieuse pour discuter avec les habitant·e·s du village et mettre en place mes expérimentations sur le terrain. J’ai été invité à des repas de famille, des mariages, des fêtes entre amis et je n’en garde que de très bons souvenirs.

En dehors du stage, j’ai pu échanger et créer des liens avec des personnes venues des 4 coins du monde. J’ai goûté des mets locaux et j’ai eu la chance de découvrir des paysages magnifiques, des fêtes nationales culturellement très riches ainsi qu’une faune et une flore tropicales passionnantes à observer.

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Photo 4 : famille Meourn, membres de la coopérative et stagiaires cambodgiens lors d’un repas. (Meourn, 2020)

Opportunités uniques à vivre

Si j’avais des conseils à donner aux futur·e·s stagiaires, je leur dirais de se renseigner sur la culture et sur le passé douloureux du pays, ce qui permet de comprendre la situation socio-économique dans laquelle se trouve le Cambodge aujourd’hui. Renseignez-vous sur le coût des transports, des logements et de la nourriture afin de ne pas tomber dans des pièges à touristes. Documentez-vous un maximum sur votre sujet de stage et n’hésitez pas à contacter d’ancien·ne·s stagiaires, comme moi, pour en apprendre davantage.

Je vous encourage à saisir toutes les opportunités qui s’offrent à vous tant d’un point de vue professionnel que culturel, car ce n’est pas tous les jours que vous aurez la chance de vivre des expériences si uniques, en si peu de temps.

Une fois sur place, communiquez un maximum avec vos collègues de travail et assurez-vous que votre interlocuteur·trice ait bien compris le message que vous vouliez lui faire passer. Enfin, je vous encourage à saisir toutes les opportunités qui s’offrent à vous tant d’un point de vue professionnel que culturel, car ce n’est pas tous les jours que vous aurez la chance de vivre des expériences si uniques, en si peu de temps.

En conclusion, si c’était à refaire, je le referais tout de suite !

Je tiens à remercier l’ONG Eclosio pour son encadrement et pour l’expérience professionnelle et humaine que j’ai vécue.

Simon V.

Témoignage d’un stage hors du commun au Cambodge

Récit, challenge et conseils à la suite d’un stage de 4 mois réalisé au Cambodge avec Eclosio, afin d’en apprendre plus sur les pratiques liées aux biopesticides. Un voyage hors du commun et hors de ma zone de confort.

Qui je suis et comment tout cela a commencé

Je m’appelle Eliza et je suis en 3e année de bachelier en Agronomie, à finalité Environnement, à la Haute École de La Reid (province de Liège, Belgique). Dans le cadre de mon cursus, je devais réaliser un stage pendant mon premier quadrimestre. Ce stage a pour but d’écrire un mémoire de bachelier sur le sujet étudié.

Fascinée par la nature et éternelle convaincue que l’agroécologie est synonyme de développement durable, j’ai décidé de réaliser mon stage de septembre 2019 à janvier 2020 avec Eclosio au Cambodge sur le sujet des biopesticides. Un biopesticide est un pesticide à base de produits naturels et est donc en accord avec la protection de l’environnement – ce qui en faisait un projet idéal pour moi.

Éternelle convaincue que l’agroécologie est synonyme de développement durable, j’ai décidé de réaliser mon stage de septembre 2019 à janvier 2020 avec Eclosio au Cambodge sur le sujet des biopesticides.

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Figure 1 : de gauche à droite : Piano, Monsieur Chea Sok, Éliza, Sophorn, Takada

Mon expérience

Je suis partie au Cambodge avec Simon, lui aussi stagiaire chez Eclosio et étudiant à la Haute École d’Agronomie à La Reid. Nous avons donc partagé cette expérience à deux, même si nos projets étaient différents. Après de longues heures d’avion, je suis alors arrivée au Cambodge en septembre, quand l’automne commençait en Belgique. Nous sommes arrivés pendant la période des pluies, avec une température autour de 30 °C. Simon et moi avons été merveilleusement accueilli·e·s nous nous sommes très vite acclimaté·e·s à la nourriture, aux coutumes, à la ville comme à la campagne. En plus du choc thermique, le choc culturel fut énorme. En effet, là-bas tout est différent. Les mœurs, le rythme de vie et la façon de travailler ne sont pas les mêmes que chez nous, ce qui m’a demandé une grande capacité d’adaptation. La langue a également été un frein important pour mener mon étude, mais j’ai trouvé rapidement un autre moyen de communiquer et de me faire comprendre.

Le rythme de vie et la façon de travailler ne sont pas les mêmes que chez nous, ce qui m’a demandé une grande capacité d’adaptation. La langue a également été un frein important pour mener mon étude, mais j’ai trouvé rapidement un autre moyen de communiquer et de me faire comprendre.

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Figure 2 : Paysage de la province de Takeo

Je logeais à la capitale, Phnom Penh, dans un appartement en colocation avec Simon dans le centre et je faisais les trajets en taxi jusqu’à la campagne de Takeo, où j’y étais nourrie et logée par une famille cambodgienne. La dichotomie entre le chao organisé de la ville et la sérénité de la campagne faisait partie de mon quotidien. Des étudiant·e·s en agronomie m’ont aidée à trouver des agricultrice·teur·s et à la traduction pour mon étude. Piano, Takada, Sophorn, Sreyrath et Butun sont très vite devenus mes ami·e·s, malgré quelques difficultés pour communiquer de l’anglais au khmer ! J’ai également rapidement rencontré des expatrié·e·s provenant du reste du monde et qui m’ont aidé à découvrir d’autres endroits de Phnom Penh, d’autres provinces, m’ont encouragé à voyager, et à m’ouvrir aux autres. Ce voyage n’aurait pas été le même sans les merveilleuses rencontres faites sur place.

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Figure 3 : De gauche à droite : Sreyrath, Takada, Simon, Eliza, Sophorn, Buntun et Madame Meourn

Ce que j’ai appris

J’ai rapidement appris à être tolérante, à résoudre des problèmes, à trouver des solutions avec des compromis, à gérer un projet, à être autonome et à vaincre ma timidité. Je me sens maintenant plus apte et légitime professionnellement – c’est réconfortant et satisfaisant, après des années d’acharnement à étudier, de se rendre compte que nos connaissances acquises ont un vrai poids. Mon étude consistait à rencontrer nombreux·ses agricultrice·teur·s et, à travers un ou deux entretiens, mieux comprendre les pratiques liées aux biopesticides. J’ai donc été en contact avec beaucoup de personnes en peu de temps, dans plusieurs provinces, ce qui m’a permis de mieux comprendre l’hétérogénéité qui fait du Cambodge un pays si particulier et différent des pays voisins. Il a fallu que je supprime ma façon occidentale de penser afin de m’adapter aux situations auxquelles je faisais face au quotidien. J’ai vite oublié le pain, le fromage et les frites belges pour devenir une adepte de la cuisine cambodgienne – complètement inconnue du grand public. Je me suis également habituée à utiliser quelques mots en khmer indispensables au quotidien, qui font maintenant partie de mon vocabulaire même une fois de retour en Belgique.

Il a fallu que je supprime ma façon occidentale de penser afin de m’adapter aux situations auxquelles je faisais face au quotidien. J’ai vite oublié le pain, le fromage et les frites belges pour devenir une adepte de la cuisine cambodgienne.

Ce stage m’a également permis de me rendre compte de l’importance des ONG dans un pays meurtri se remettant d’un génocide récent. En l’absence d’un État fort, les coopératives, ONG, institutions scientifiques travaillant au Cambodge sont essentielles au développement du pays. Cela m’a permis de réaliser l’importance du travail qui m’attend après mes études et la responsabilité toute particulière de travailler dans le milieu de la protection de l’environnement.

Quelques conseils…

Fonce ! C’est le conseil le plus important que je peux te donner. Ce voyage a changé ma vie et j’attends avec impatience de retourner au Cambodge prochainement. Je conseille à tous les prochain·ne·s stagiaires de parler anglais, d’être social, indépendant et surtout autonome. Cette aventure peut paraître insurmontable, mais, avec un petit coup de boost, il est facile de sortir de sa zone de confort et d’affronter ce voyage inoubliable. Le temps passe très vite donc profite de chaque instant.

Après avoir pris cette importante décision, renseigne-toi sur la monnaie locale, le visa, les vaccins, etc. Documente-toi sur ton projet et sur l’histoire du pays, de la région dans laquelle tu veux aller. Une fois sur place, il sera important de noter le plus possible – une fois rentré·e·s chez toi, il sera trop tard pour se rappeler les noms, prénoms, numéros ou les villages des personnes que tu auras rencontrées.

Et surtout, prépare-toi à changer ! La personne que tu seras en revenant ne sera plus la même que celle qui sera partie.

Eliza

Témoignage de stage : Mon aventure en Bolivie

Qui suis-je?

Bonjour! Je m’appelle Louise. J’étudie l’anthropologie sociale et culturelle à la KUL (Katholieke Universiteit Leuven). J’ai fait un stage avec Eclosio pendant 2 mois, de mi-Septembre à mi-Novembre dans la campagne bolivienne, dans le département de La Paz, où j’ai travaillé sur un projet agroécologique avec des petits producteurs de cacao. Plus précisément, j’ai mené une recherche sur ses aspects sociaux, en mettant l’accent sur la vie quotidienne des « cacaoleteros » (les producteurs de cacao, en espagnol).

Prêt? Partez!

Cela faisait dix ans que je rêvais de voyager en Amérique latine. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à apprendre l’espagnol à l’âge de dix-huit ans. Dans le cadre de mes études d’anthropologie, on m’a demandé de mener des recherches ethnographiques pendant environ six semaines durant l’été. C’est à ce moment-là que je me suis dit : « Ça y est ! Je vais partir en Amérique latine ». Ma thèse porte sur l’agroécologie et l’écologie, et vise à étudier ce que ces concepts signifient au niveau mondial et local et comment ils sont liés. Dans cette optique, j’ai commencé à envoyer des courriels à des organisations travaillant sur ces sujets en Amérique latine. Je ne vais pas mentir. Mes demandes ont été pour la plupart négatives. Mais, de manière tout à fait inattendue, Eclosio m’a envoyé par email une proposition pour l’un de ses projets en Bolivie. Lorsqu’on m’a demandé si j’étais intéressée par cette offre, j’ai bien sûr répondu « Oui, je le suis ! ».

Cela faisait dix ans que je rêvais de voyager en Amérique latine. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai commencé à apprendre l’espagnol à l’âge de dix-huit ans. Dans le cadre de mes études d’anthropologie, on m’a demandé de mener des recherches ethnographiques pendant environ six semaines durant l’été. C’est à ce moment-là que je me suis dit : « Ça y est ! Je vais partir en Amérique latine ».

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Quand la terre choque

Vous pouvez facilement l’imaginer. Il n’y a pas que des paillettes et de l’or. Passer du temps dans un endroit où l’on n’est pas sûr d’avoir l’électricité, où les gens vivent encore parfois dans des maisons en bois sans eau courante, cela vous touche vraiment. Vous faites l’expérience de chocs culturels, aussi bien pendant votre stage qu’à votre retour. C’est le genre d’expérience qui vous changera. Profondément !

Je me souviens particulièrement de la journée que j’ai passée avec un couple âgé, Isabel et Gabriël. Leur maison était en bois, il n’y avait pas d’eau courante, pas d’électricité et pas de gaz pour cuisiner. Préparer la nourriture était une tâche difficile, car cela n’était possible qu’avec un feu de bois.

J’ai senti tous mes privilèges de blanche en moi. Moi, dans mon joli t-shirt, avec mon smartphone de luxe. À la fin de la journée, j’ai eu une conversation avec ma mère d’accueil. Elle m’a expliqué que cette famille s’en sortait plutôt bien, avec un terrain de choix pour les cacaoyers qui leur permettait d’avoir une production substantielle avec plus que suffisamment d’argent pour prendre soin d’eux. Ce n’étaient pas des pauvres, a-t-elle affirmé. Le principal problème était qu’ils avaient neuf enfants, ce qui, bien sûr, augmentait considérablement leurs frais de subsistance.

J’espère que cet exemple montre que les chocs culturels existent vraiment. Ils vous arriveront. Cependant, j’insiste sur le fait qu’il ne faut pas les passer en revue trop rapidement. Au contraire, vous devriez poser des questions, essayer de comprendre ce que la pauvreté signifie réellement pour les personnes avec lesquelles vous travaillez/vivez. Cela changera votre point de vue. Je ne peux pas changer ma « blancheur » et tout ce qui va avec. Je peux cependant m’assurer que je ne juge personne injustement. Sortir de mon propre cadre est essentiel dans ce processus.

Longue vie au stage ! Beaucoup d’avantages !

Je veux insister sur le fait qu’il y a tellement d’avantages à faire un stage. Il est certain que vous apprenez à vous débrouiller seul et à faire face à des situations stressantes. Vous pouvez également apprendre ou améliorer une langue et développer vos compétences sociales… et bien d’autres choses encore.

Ca m’a coûté de quitter mon nid douillet. Mais cela m’a permis d’apprendre énormément sur moi, et ce, en un très court laps de temps.

J’ai évidemment appris tout ce qui précède et bien d’autres choses encore. Mais ce dont je suis le plus reconnaissant, c’est d’avoir appris qu’en dépit du fait que je me trouvais à l’autre bout du monde et que je me sentais parfois seul, j’avais vraiment un système de soutien. Il ne pouvait pas me sortir de toutes les situations stressantes ou difficiles, mais il était là, à mes côtés. Il m’en a coûté beaucoup de quitter mon nid douillet. Mais cela m’a permis d’apprendre beaucoup sur moi-même en très peu de temps.

Quelques (bons) conseils

« Sachez dans quoi vous vous engagez et sachez très bien que vous ne savez pas du tout dans quoi vous vous engagez… »

Honnêtement, cela s’applique à tout. Lorsque vous partez pour un stage quelque part, où que ce soit, essayez de vous préparer le mieux possible. Renseignez-vous sur l’histoire du pays, ses habitants, ses réussites économiques, son système politique, etc. Evitez absolument d’arriver quelque part en touriste. Vous n’êtes pas un touriste ! Vous êtes un stagiaire désireux d’apprendre et d’apporter sa contribution. La contribution est beaucoup plus facile si vous connaissez au moins les bases du pays et des personnes qui vous accueillent.

Evitez absolument d’arriver quelque part en touriste. Vous n’êtes pas un touriste ! Vous êtes un stagiaire désireux d’apprendre et d’apporter sa contribution. La contribution est beaucoup plus facile si vous connaissez au moins les bases du pays et des personnes qui vous accueillent.

Mais, malgré tout ce que vous avez lu ou préparé, vous n’êtes jamais un initié. Ce sont eux qui le sont. Et c’est à vous d’apprendre d’eux. Ne présumez jamais que vous en savez plus ou mieux. Si vous les écoutez, vous serez parfois surpris de ce qu’ils vous apprennent. Et comment une situation peut être interprétée de manière totalement différente. Vous apprendrez qu’il y a vraiment plus d’un monde à voir.

Je me suis un peu éloignée de ma maison. Je pensais que trois mois loin de ma famille et de mon environnement familier seraient une pause bienvenue. Je sais que je ne suis pas la seule à partir pour cette raison. Mais, comme je l’ai dit précédemment, on apprend beaucoup sur soi-même et sur le monde en très peu de temps. Nous, les humains, sommes des êtres sociaux, nous avons besoin de gens autour de nous pour nous aider à faire face aux changements. Mon dernier conseil serait le suivant : assurez-vous de pouvoir vous appuyer sur votre système de soutien lorsque vous en avez besoin. Par exemple, j’ai créé un groupe Whatsapp appelé « Louise en Bolivie ». J’y publiais régulièrement de petits messages sur mon état de santé. L’important n’était pas ce que je leur disais. Ce qui comptait, c’était les réponses que je recevais. Les intégrer à ma journée, partager un moment avec les personnes que j’aime, c’était vraiment important.

Louise V. étudiante à la KUL.

 

internship Louise KUL in cambodia

La Transition citoyenne, c’est la santé ?


Alimentation locale et de saison, mobilité douce, renforcement du lien social,… la transition en plus d’être bonne pour la planète ne serait-elle pas également bonne pour la santé? L’intégration à une initiative de transition pourrait-elle être suggérée par le personnel de santé au même titre que l’exercice physique ou l’arrête du tabac? C’est en tout cas l’hypothèse que fait Pauline Minguet, diplômée en santé publique de l’Uliège et participante aux ateliers d’écriture d’Eclosio, ouvrant une nouvelle voie au programme de promotion de la santé.


Savez-vous que selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 70% du nombre total des décès à travers le monde peuvent être attribués aux maladies non transmissibles (MNT) ? Alors qu’auparavant la principale cause de décès étaient les maladies infectieuses telles que la peste, la variole, la lèpre, la syphilis ou encore le choléra, de nos jours, les patients présentent majoritairement des maladies non transmissibles aussi appelées pathologies chroniques telles que : les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires chroniques, le cancer et le diabète. C’est ce que l’on appelle la transition épidémiologique. Cette transition épidémiologique est la conséquence de nombreux facteurs. Bien que les liens de causalité soient difficiles à établir en santé publique, cette dernière peut notamment être attribuée aux habitudes de vies contemporaines (alimentation inadéquate, sédentarité, etc.) mais aussi à des facteurs environnementaux tels que la pollution atmosphérique, l’usage intensif de pesticides, les perturbateurs endocriniens etc. Ces pathologies chroniques sont rarement isolées et représentent souvent des facteurs qui potentialisent d’autres maladies. Par exemple : Le diabète est un facteur de risque des maladies cardio-vasculaires.

Cette nouvelle réalité épidémiologique est plus évidente pour une infirmière qui, comme moi, travaille dans le secteur des soins intensifs. D’autant plus, lorsqu’on connait les conséquences engendrées par ces soins et que l’on est confronté à des patients/des familles en détresse non seulement sur le plan émotionnel mais parfois aussi sur le plan financier. Dispensant quotidiennement des soins curatifs de haute technicité, nous sommes amenés à nous interroger sur les soins préventifs, dispensés en amont, pour prévenir ces pathologies. Ne devraient-ils pas être la priorité ? Sont-ils dispensés en quantité et en qualité suffisante ?

Santé Publique et Promotion de la santé

La Santé Publique s’interroge sur les facteurs qui déterminent la santé des individus et sur les relations qui existent entre ces facteurs. Elle suggère un lien étroit entre la santé des individus et l’environnement dans lequel ils évoluent. La promotion de la santé est donc perçue comme un moyen pour tenter de modifier l’environnement dans lequel les individus évoluent afin de le rendre plus favorable à leur santé. Par exemple : promouvoir l’exercice physique pour lutter contre la sédentarité, elle-même facteur de risque des maladies cardio-vasculaires.

Quelques constats liés à l’environnement de vie des êtres-humains

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qualifie la situation actuelle d’« alarmante ». Selon leur dernier rapport de 2018, les activités humaines auraient déjà provoqué un réchauffement climatique de 0,8 à 1,2°C au-dessus des niveaux préindustriels. Certains impacts de ce réchauffement peuvent être irréversibles et engendrerons des répercussions délétères sur l’homme et sur sa santé. Le tout nouveau rapport annuel publié dans la revue médicale « The Lancet » et intitulé : « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique » abonde en ce sens.  Selon ce rapport, un enfant né aujourd’hui respirera un air plus toxique qu’auparavant, cette toxicité est en relation directe avec la consommation des combustibles fossiles et est aggravée par la hausse des températures. La sonnette d’alarme est tirée, la prévalence des maladies respiratoires comme l’asthme augmentera, tout comme les risques cardiaques. Le réchauffement climatique sera également un facteur favorisant la malnutrition et l’émergence ou la prolifération des maladies infectieuses.

 

On assiste néanmoins à une prise de conscience collective à travers le monde et à l’émergence de nombreuses initiatives en faveur du développement durable.

 

Que peut-on faire ?

LE GIEC recommande des mesures d’atténuation, c’est-à-dire d’intervention de l’homme pour d’une part réduire les sources d’émissions de gaz à effet de serre et d’autre part, augmenter les puits de gaz à effet de serre, comme par exemple par la reforestation. De plus, il invite à la résilience, soit la réorganisation/la transformation du système (économique, social et environnemental) pour répondre à un événement ou à une tendance dangereuse, dans ce cas-ci, le réchauffement climatique. C’est précisément ce que le mouvement de la transition vise à faire.

À Remouchamps, sur la commune d’Aywaille, comme dans les nombreuses autres communes où la Transition s’établi,  les citoyen∙ne∙s tentent de bâtirent une communauté résiliente. Cette communauté favorise des modes de vie plus écologiques au niveau local en développant les circuits courts, une mobilité douce, des potagers collectifs, en utilisant une monnaie locale (à Aywaille il s’agit du Val’heureux), en organisant des conférences et des événements pour sensibiliser à l’écologie, en renforçant le lien social et la solidarité. La Transition citoyenne de Remouchamps (commune d’Aywaille) prend de l’importance. En s’associant à d’autres initiatives de Transition de la région, elle est devenue une ASBL : « Terre De Mains ».

Transition et santé

A l’heure où on entend de plus en plus parler de Transition et compte tenu des constats précités, il semble légitime de s’interroger sur le lien qui existe entre les initiatives de Transition citoyenne et la santé. Nous pouvons alors nous demander : « Est-ce que la pratique de la Transition citoyenne a un effet bénéfique sur la santé ? ». Un examen de la littérature scientifique m’a permis de confirmer le potentiel bénéfice sur la santé des initiatives de transition. C‘est la raison pour laquelle j’ai décidé de réaliser une étude de besoins. Cette dernière visant à mettre en lumière les besoins de la population étudiée est une étape préalable à toute stratégie de promotion de la santé. Je me suis alors demandé : « De quoi la population a-t-elle besoin pour être motivée à participer à une initiative de Transition ? Qu’est ce qui favorise cette participation mais aussi quels sont les obstacles à cette participation ? ». A contrario, je me suis également demandé s’il existait des risques liés à l’émergence de ces initiatives de transition.

Verdict

On peut constater une certaine rareté des sources documentaires traitant de l’impact sur la santé des initiatives de Transition. Certaines études soulignent toutefois leurs effets bénéfiques. Au niveau local, le lien social se voit renforcé, le soutien et la collectivité accroissent la motivation à agir. La santé peut se voir préservée par une alimentation de qualité. En effet, la transition promeut une alimentation saine, locale et de saison. Les produits accessibles en circuit courts sont généralement plus frais, moins transformés, moins traités et donc plus sains pour la santé. La réduction de l’utilisation de la voiture et la promotion des activités extérieures ont pour effet l’augmentation de l’activité physique (vélo, marche, jardinage etc.) dont les effets sur la santé ne sont plus à démontrer. Une réduction du stress par le biais de la solidarité, de l’entraide et du soutien mutuel a également été constaté. Au niveau global, la valeur ajoutée en termes de santé est en lien avec une alimentation raisonnée, une réduction de l’utilisation effrénée des ressources de la terre et la réduction de l’impact de l’homme sur la planète.

Cependant cet examen global a également permis de mettre en évidence certains points d’attention relatifs à l’émergence de ces initiatives.  Celui qui s’avère être problématique pour le domaine de la santé est celui-ci : on observe un manque de diversité des membres au sein des groupes de Transition et un problème d’inclusivité est soulevé. Or, l’équité est une valeur fondamentale de la promotion de la santé. On ne peut pas risquer de renforcer les inégalités de santé. La santé est un droit fondamental pour tous et les actions de promotion de la santé doivent en tenir compte.

Stratégie d’action

Etant donné le potentiel « atout santé » de la transition dont témoignent les résultats décrits ci-dessus, Nous proposons une stratégie de promotion de la santé par l’action environnementale. Elle comporte six axes :

  1. Une campagne de sensibilisation sur le lien entre santé et environnement ainsi que sur l’existence des initiatives de Transition (conseils et informations).
  2. La rédaction et la distribution d’un guide simple des gestes quotidiens ayant un impact environnemental et sur la santé humaine.
  3. L’engagement de spécialistes dans les écoles pour communiquer sur l’environnement.
  4. Créer une coopérative pour l’achat de produits sains et locaux.
  5. Impliquer d’avantage les politiques dans la préservation de l’environnement et de la santé.
  6. Travailler sur l’inclusivité et la diversité des membres au sein des groupes des initiatives de Transition.

Pour conclure…

La Transition citoyenne semble représenter une opportunité en termes de Santé Publique. Les professionnels de la santé doivent prendre conscience du bienfait que les actions en faveur du développement durable ont sur la santé de leurs patients. Ils sont la première ligne et disposent d’une certaine notoriété pour immiscer le changement et promouvoir un élan collectif auprès des citoyens. Aujourd’hui nous conseillons à nos patients d’arrêter de fumer, de pratiquer l’exercice physique, d’adopter une alimentation saine. Il faut bien évidement continuer à dispenser ces recommandations et même renforcer la prévention.  Cependant, soigner son environnement au sens large, soit préserver la santé de la planète en adoptant des mesures de résilience et d’atténuation est probablement une recommandation nouvelle à ajouter à cette « to do list to be healthy ». Car la santé humaine est intimement liée à celle de notre planète.

Pauline Minguet

L’intégration socio-professionnelle des primo-arrivants en Wallonie ; un véritable processus à double sens ?


La grammaire française traduit bien le nécessaire processus à double sens pour l’intégration: on intègre les nouveaux venus – les nouveaux venus s’intègrent. L’intégration socio-professionnelle prévue dans le dispositif d’accueil des primo-arrivants mis en place par la région Wallonne  se conforme-t-elle bien à ce processus à double sens? Analyse par Pascale Felten, Diplômée Uliège, volontaire Eclosio et participante aux ateliers d’écriture d’Eclosio


L’accès au marché du travail constitue un facteur clé pour l’inclusion des personnes primo-arrivantes[1] au sein de leur société d’accueil. En effet, l’emploi mène non seulement à une rémunération, mais permet aussi la construction de l’identité sociale et permet une certaine acquisition d’autonomie (Yakushko, Backhaus, Watson, 2008 ; Stokkink, 2011). Or, nombreuses sont les barrières à l’emploi que rencontre cette population en Wallonie, ce qui provoque des écarts considérables entre le taux d’emploi des autochtones et celui des allochtones (Adam, Van Dijk, 2015).

En Wallonie, la politique d’intégration des primo-arrivants[2] est du ressort de la Région wallonne, qui a instauré dans ce cadre le parcours d’intégration en 2014. Ce dernier, ayant subi plusieurs révisions, dont la dernière réalisée en novembre 2018, se compose de 4 modules : « un module d’accueil personnalisé ; une formation à la citoyenneté ; une formation à la langue française si besoin ; une orientation socio-professionnelle si besoin. » (Décret, 2018). Les primo-arrivants sont dans l’obligation de suivre ce parcours dans un délai de 18 mois à partir de leur inscription à la commune.

Notre recherche s’est intéressée plus particulièrement au dernier module, à savoir le dispositif d’orientation socio-professionnelle[3], en se demandant si ce-dernier répond de façon efficace aux besoins de la population primo-arrivante. De plus, nous avons tenté de savoir si ce dispositif s’inscrit réellement dans une optique de l’intégration comme étant un processus à double sens. Ainsi, le primo-arrivant arrive sur le territoire avec un certain nombre de ressources et de compétences, mais il importe aussi que la société lui accorde les moyens nécessaires pour arriver à une réelle intégration. Afin d’adresser cette question, nous avons mené une recherche qualitative durant laquelle nous avons rencontré 8 professionnels du secteur œuvrant en Province de Liège ainsi que 17 primo-arrivants habitant sur ce territoire, entretiens auxquels s’ajoutent plusieurs observations de terrain au Forem, au CRIPEL et au CRVI[4]. Cette recherche nous a amené à identifier six éléments clés, à leur tour composés de différentes variables, qui influencent l’accès au marché de l’emploi des primo-arrivants, et qu’il importe par conséquent de prendre en considération dans les politiques d’intégration socio-professionnelle de ce public.

Le choix professionnel

Ainsi, le premier constat est que les primo-arrivants manquent de choix quant à leur orientation professionnelle. Des éléments légaux, tels que le titre de séjour, le permis de travail, mais aussi le temps et l’attente liés aux procédures d’asile influencent le projet professionnel et la disponibilité sur le marché du travail de la personne (Yakushko, Backhaus, Watson, 2008). Les primo-arrivants sont ainsi souvent ‘accaparés’ par ces contraintes légales et ne disposent pas réellement du temps pour mettre en place leur projet professionnel. De plus, les procédures de reconnaissance des diplômes et de validation des compétences représentent un obstacle majeur, au vu de leur lourdeur administrative et leur coût considérable. Par ailleurs, cette reconnaissance ne se fait souvent que partiellement, amenant les personnes à devoir se reformer ou se réorienter vers un emploi qui ne correspond pas à leurs véritables compétences (Manço, Gatugu, 2018).  À ces difficultés de l’ordre légal s’ajoutent les barrières causées par une éventuelle non-maitrise de la langue française. En effet, même si certains professionnels de l’intégration soulignent la possibilité d’un apprentissage de la langue en travaillant, la maitrise de celle-ci semble quasi indispensable en Wallonie, encore peu ouverte à des dispositifs tels que les cours de langue orientés métier ou dispensés au sein des entreprises. Finalement, nos recherches ont confirmé un manque accru de formations adaptées et accessibles. Ainsi, les primo-arrivants sont régulièrement confrontés à un temps d’attente important pour entamer une formation, par ailleurs pas toujours adaptée[5] aux besoins réels des personnes. Notons en outre que les personnes sont orientées systématiquement vers des métiers dits « en pénurie », ce qui accélère le phénomène d’ethnostratification observable dans certains secteurs tels que la construction ou l’horeca.

Se retrouver dans la nouvelle société

Un autre aspect non-négligeable dans le processus d’intégration est la capacité d’orientation de la personne. Celle-ci dépend bien évidemment des compétences individuelles de chacun, d’où l’importance de proposer un accompagnement plus individualisé, répondant aux besoins réels de la personne. Cependant, à ces compétences s’ajoute l’importance d’un accompagnement concernant la compréhension des codes sociaux du pays d’accueil. Le fait de comprendre les normes du nouveau pays en termes d’interactions sociales et professionnelles est essentiel pour trouver un emploi et pour développer sa carrière professionnelle (Yakushko, Backhaus, Watson, 2008). De plus, il peut être très difficile de comprendre le paysage institutionnel wallon, habité par une multitude d’acteurs différents, ce qui impacte leur accès au marché du travail. En effet, afin d’entrer sur le marché du travail wallon, les personnes doivent souvent contacter un nombre élevé d’acteurs et d’organismes différents, face auxquels les difficultés de pouvoir s’orienter augmente considérablement. Ces difficultés sont, in fine, encore augmentées par un manque accru d’interprètes disponibles au sein des différents services, ce qui freine une bonne compréhension et communication.

Être prédisposé au travail

Un troisième aspect à prendre en considération dans l’analyse du dispositif d’intégration wallon est la prédisposition des primo-arrivants au travail. Tous les primo-arrivants ne sont pas prêts à entrer effectivement sur de marché du travail, et ce pour différentes raisons. Le parcours migratoire peut par exemple impacter leur santé, physique et mentale. À ces expériences traumatisantes peuvent s’ajouter des sentiments d’impuissance ou de mal-être face à ce nouveau pays et les nombreuses barrières que ces personnes peuvent rencontrer. En outre, des besoins en termes de sécurité et de logement peuvent primer, dans un premier temps, sur la volonté d’une mise à l’emploi. Or, ces éléments sont finalement très peu pris en compte par les politiques d’intégration, qui obligent toute personne primo-arrivante à suivre le parcours d’intégration, sans prise en compte des variables individuelles qui peuvent devenir un obstacle à la réalisation de celui-ci. Ceci est par ailleurs en complète contradiction avec l’objectif d’émancipation énoncé dans le décret.

Les obstacles à l’accès au marché de l’emploi

À ces constats s’ajoutent d’autres obstacles à l’accès au marché du travail. Ainsi, la discrimination à l’embauche représente un enjeu structurel majeur, intimement lié à la présence de stéréotypes et de discours populistes au sein de notre société. De plus, nous avons pu constater un manque important de contacts entre les organismes organisant le module d’intégration et le monde des entreprises, ce qui empêche la véritable mise au travail du primo-arrivant à la fin du parcours d’intégration. En outre, les entreprises ne sont pas impliquées dans la création et la mise en œuvre des dispositifs, ce qui pourtant améliorerait l’efficacité de ces pratiques de par une meilleure cohérence entre les besoins des entreprises et l’offre de travailleurs (Samek Lodovici, 2010 ; Birwe, 2018). Par conséquent, un travail de collaboration avec les entreprises ainsi qu’une démarche de sensibilisation aux avantages inhérents à l’emploi des primo-arrivants semble essentiel à leur intégration.

Les inégalités géographiques et de genre

Nous pouvons aussi constater des inégalités géographiques ainsi que de genre. Tout d’abord, il existe une inégalité en termes de services proposés et de nombre d’associations présentes d’un territoire à un autre. Ainsi, les territoires ruraux sont très peu desservis de services d’aide aux primo-arrivants, difficulté à laquelle s’ajoute le fait que ces territoires sont aussi peu desservis en transports publics (Gossiaux, Mescoli, Rivière, 2019). De plus, la non-reconnaissance de nombreux permis de conduire étrangers augmente davantage cette barrière, ce qui mène à une concentration des primo-arrivants dans les grandes villes, là où ils ont le plus de chances de trouver un emploi. En ce qui concerne les inégalités géographiques, ajoutons qu’au sein de la Wallonie, la façon dont le dispositif est mis en place ainsi que la plus ou moins grande qualité de collaboration entre les acteurs de terrain peuvent diverger fortement. Par conséquent, nous pouvons pointer une certaine inégalité de traitement en fonction du lieu de vie du primo-arrivant.

À ces inégalités géographiques viennent s’ajouter des inégalités de genre : les femmes sont souvent victimes de discriminations sur le marché de l’emploi. Par conséquent, les femmes primo-arrivantes doivent faire face à des discriminations multiples, amenant au phénomène de genrostratification (Stokkink, 2012) dans certains secteurs professionnels. A ceci s’ajoutent les contraintes liées à la vie familiale, telle que la garde des enfants. Les femmes primo-arrivantes ayant généralement un réseau de soutien moins développé que les femmes allochtones, le manque de structures de garde pour les enfants pose un problème de taille quant à leur mise à l’emploi, pourtant très peu pris en compte par le dispositif (Gossiaux, Mescoli , Rivière, 2019).

Conclusions

Plusieurs éléments vont donc influencer le processus d’intégration socio-professionnelle des primo-arrivants, et ce à des degrés variables en fonction des individus. Ce constat nous amène à affirmer qu’il faut un dispositif plus individualisé, prenant mieux en compte les difficultés spécifiques et valorisant davantage les compétences de chacun. Ainsi, le dispositif actuel, qui propose une solution unique, trop linéaire, pour tous les primo-arrivants n’est, de facto, pas adapté aux réalités observables sur le terrain. Afin d’arriver à un dispositif plus adéquat, il importe donc d’accorder davantage de moyens aux différents opérateurs de terrain, afin que ceux-ci puissent accorder plus de temps à un accompagnement plus individualisé et basé sur une vision plus humaine et bienveillante. De plus, augmenter les moyens permettrait un dispositif de plus grande qualité, ce qui parait indispensable au vu du caractère obligatoire de celui-ci.

Même si les barrières à l’intégration touchent les niveaux micro, méso et macro de la problématique, nous pouvons constater que le dispositif actuel ne se concentre que sur les aspects micro, c’est-à-dire  individuels de la problématique. Ainsi, s’inscrivant dans une certaine logique d’activation, il vise à développer les compétences des individus, tels que la maitrise de la langue et des codes sociaux. Cependant, le dispositif ne se concentre que très peu sur le niveau méso, comme par exemple sur le lien avec le monde des entreprises ou sur le développement du réseau social et professionnel des primo-arrivants. Les barrières structurelles sont, elles aussi, insuffisamment prises en considération par le dispositif car très peu d’initiatives contre la discrimination à l’embauche ou pour une valorisation de la diversité sont finalement soutenues.

Nous pouvons donc constater que le dispositif actuel ne favorise finalement pas réellement une intégration comme étant un processus à double sens, alors qu’une mise à l’emploi rapide des primo-arrivants serait bénéfique, non seulement pour les personnes elles-mêmes, mais aussi pour la société d’accueil.

Pascale Felten

Bibliographie

  • Adam Ilke et Martiniello Marco, 2013, « Divergences et convergences des politiques d’intégration dans la Belgique multinationale. Le cas des parcours d’intégration pour les immigrés », Revue européenne des migrations internationales, 29(2), pp. 77-93.
  • Adam Ilke, Van Dijk Mathijs, 2015, « Une meilleure insertion professionnelle des personnes issues de l’immigration : allons au mainstreaming », Policy briefs, Institute for European Studies, Bruxelles.
  • Adam Ilke et Van Dijk Mathijs, 2015, « Renforcer la coopération institutionnelle pour améliorer l’accès des personnes issues de l’immigration au marché du travail », Koning Boudewijnstichting, Brussels.
  • Birwe Habmo, 2018, « Primo-arrivants faiblement qualifiés : dispositifs d’insertion professionnelle dans quelques pays européens », dans Manço Altay et Gatugu Joseph, 2018, Insertion des travailleurs migrants. Efficacité des dispositifs, éditions de l’Harmattan, collection « Compétences Interculturelles », Paris.
  • Cocagne Romuald et Stokkink Denis, 2018, « L’intégration des migrants par le travail », Collection « Notes d’analyse », RSE & Diversité.
  • Felten Pascale, 2019, « Dans quelle mesure les dispositifs d’intégration socio-professionnelle en Wallonie favorisent la capacitation des primo-arrivants à l’intégration sur le marché du travail ? », mémoire en sciences de la population et du développement, Université de Liège.
  • Gossiaux Axel, Mescoli Elsa, Rivière Mylène, 2019, « Rapport de recherche n°33. Evaluation du parcours d’intégration et du dispositif ISP dédiés aux primo-arrivants en Wallonie », Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique.
  • Manço Altay, 2008, Valorisation des compétences et co-développement. African(e)s qualifié(e)s en immigration, l’Harmattan, collection « Compétences Interculturelles », Paris.
  • Manço Altay et Felten Pascale, 2018, « Impact sur l’emploi des travailleurs immigrés qualifiés des projets d’insertion : évaluation sur le long terme du projet VITAR II », article accepté pour publication dans un ouvrage de la collection « Compétences Interculturelles » des éditions de l’Harmattan, Paris.
  • Manço Altay et Gatugu Joseph, 2018, Insertion des travailleurs migrants. Efficacité des dispositifs, éditions de l’Harmattan, collection « Compétences Interculturelles », Paris.
  • Martiniello Marco, Rea Andrea, Timmerman Christiane, Wets Johan, 2009, Nouvelles migrations et nouveaux migrants en Belgique, Academia Press, Gent.
  • Pironet Didier, 2018, « L’intégration des demandeurs d’asile sur le marché du travail. Etat de la situation en 2017 », Labour-INT, CEPAG.
  • Région Wallonne, 2018, « Décretmodifiant le livre II de la deuxième partie du Code wallon de l’Action sociale et de la Santé relatif à l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère ».
  • Samek Lodovici Manuela, Centre européen de recherche en politique sociale, 2010, « Réussir l’insertion des immigrés sur le marché du travail. Rapport de synthèse », Rapport de synthèse pour le compte de la Commission européenne, Emploi, affaires sociales et inclusion.
  • Stokkink Denis, 2011, « L’intégration des Primo-arrivants en Wallonie et à Bruxelles », Les Cahiers de la Solidarité, n°29.
  • Stokkink Denis, 2012, « Les primo-arrivants face à l’emploi en Wallonie et à Bruxelles », Cahiers de la Solidarité, n°30.
  • Xhardez Catherine, 2014, « Parcours d’intégration entre soutien et sommation » Agenda Interculturel, n°319, pp. 16-19.
  • Yakushko Oksana, Backhaus Autumn, Watson Megan, Ngaruiya Katherine, Gonzalez Jaime, 2008, « Career Development Concerns of Recent Immigrants and Refugees », Journal of Career Development, 35 n°4.

[1] En Wallonie, le décret du 8 novembre 2018 définit les primo-arrivants comme « Les personnes étrangères séjournant légalement en Belgique depuis moins de trois ans et disposant d’un titre de séjour de plus de trois mois, à l’exception des citoyens d’un état membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen, de la Suisse et des membres de leur famille ».

[2] Pour des raisons de lisibilité, nous avons pris la décision de ne pas opter pour l’écriture inclusive. Notons cependant qu’en utilisant le terme ‘primo-arrivant’, nous considérons autant les femmes que les hommes.

[3] Ce module prévoit un accompagnement d’une durée de 4 heures, réalisé conjointement par les Centres Régionaux d’Intégration et le Forem.

[4] Le CRIPEL (Centre Régional pour l’Intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère de Liège) et le CRVI (Centre Régional de Verviers pour l’Intégration) font partie des 8 Centres Régionaux d’Intégration chargés de soutenir la politique d’intégration des personnes d’origine étrangère en Wallonie.

[5] Notons à ce sujet le manque de formations en alternance, de formations rémunérées ainsi que les tests d’entrée en formation qui se déroulent quasi toujours exclusivement en français.

Vers la transition agroécologique, l’insertion socioéconomique de populations fragilisées et un engagement citoyen face aux enjeux sociétaux et climatiques