Les coopératives : Pourquoi ? Comment ?

Les coopératives : Pourquoi ? Comment ?
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Synopsis

L’économie est aujourd’hui de plus en plus concentrée dans les mains de quelques actionnaires qui détiennent le capital des entreprises, ce qui leur donne un pouvoir de décision. Cela leur permet d’accaparer de plus en plus de richesses, creusant les inégalités. A contrario, une entreprise gérée par les travailleurs et/ou les usagers sur la base de leurs besoins communs, comme c’est le cas des coopératives, sera a priori moins susceptible de créer ce type d’inégalités. Focus sur ces entreprises, leur histoire et leur potentiel transformateur pour notre économie.


Publié par UniverSud – Liège en mars 2018

L’information ne vous a probablement pas échappé : la répartition de la richesse mondiale actuelle est extrêmement déséquilibrée. Concrètement, selon le dernier rapport de l’ONG Oxfam, 50% de la population mondiale n’a absolument pas bénéficié de la croissance économique durant l’année 2017, alors qu’1% des personnes les plus fortunées en bénéficiaient à hauteur de 82%.

Dès lors, que peut-on faire de cette information ? Les inégalités sont aujourd’hui colossales ; aussi, y faire face représente un chalenge substantiel pour la société. Les plus défaitistes nous diront que quoi que l’on fasse, cela n’y changera rien. D’autres nous sembleront peut-être indifférents. Bon nombre de citoyens considèrent toutefois que cette réalité est intolérable, et souhaitent y apporter une réponse adéquate et durable.

Que pouvons-nous faire concrètement pour mieux répartir les richesses, et pour pouvoir répondre aux besoins de tout un chacun ? Depuis plus de 200 ans, c’est notamment dans le terrain fertile de l’économie coopérative que des milliers de personnes ont trouvé des réponses. En effet, l’économie est aujourd’hui de plus en plus concentrée dans les mains de quelques actionnaires qui détiennent le capital des entreprises, ce qui leur donne un pouvoir de décision. Décisions qu’ils prennent souvent dans une optique de maximisation de leur profit, et non d’intérêt général, y compris l’intérêt des travailleurs et des consommateurs. Cela leur permet de concentrer de plus en plus de richesses, creusant les inégalités. A contrario, une entreprise gérée par les travailleurs et/ou les usagers sur la base de leurs besoins communs, comme c’est le cas des coopératives, sera a priori moins susceptible de créer ce type d’inégalités.

Qu’en est-il exactement de cette forme d’économie ? D’où vient-elle ? Sur quel principe se fonde-t-elle ?

Un peu d’histoire

Si l’on retrouve des formes de coopératives depuis l’antiquité, les coopératives modernes prennent leurs racines dans les coopératives ouvrières de la révolution industrielle. En effet, les percées technologiques d’alors vont profondément transformer notre société. Le besoin de main d’œuvre dans les campagnes diminue, et la population rurale cherche du travail en ville. Cet abondant réservoir de main d’œuvre disponible pour les entreprises urbaines leur permet de payer les travailleurs un salaire de misère. La nouvelle classe prolétaire vit dans des conditions de pauvreté extrêmement difficiles, qui les poussent à s’organiser.

« Pionniers équitables de Rochdale » est l’initiative généralement reconnue comme la première forme de coopérative véritablement organisée, qui a abouti à une institution durable. C’est dans une petite ville voisine de Manchester qu’un groupe de salariés tisserands créèrent en 1844 une coopérative de denrées alimentaires, dont la charte (« un homme, une voix », répartition des bénéfices au prorata des achats, etc.) reste la base des principes coopératifs actuels. Cette coopérative se diversifia rapidement en ouvrant ses propres filatures ainsi qu’une caisse d’épargne et de secours.

Sur le terrain des idées, le début du XIXe voit émerger le courant dit « utopiste », qui revendique un système plus juste et égalitaire. Le XIXe est également le siècle de Karl Marx, qui diffuse ses idées révolutionnaires. Il soutient notamment qu’un système où la bourgeoisie s’enrichit en exploitant une classe prolétaire indigente est à renverser, au profit d’un système socialiste et communiste. C’est également l’époque où l’on revendique un système politique plus démocratique. Ces différents courants de pensée ont participé à faire émerger et grandir l’économie coopérative.

Les coopératives aujourd’hui

Aujourd’hui, si le système politique s’est démocratisé, il n’en va pas de même pour le système économique, pour lequel le pouvoir reste en grande partie entre les mains des détenteurs de capitaux, ce qui contribue à maintenir les inégalités. En contrepoids, le système coopératif a grandi, évolué et s’est diversifié pour s’adapter aux besoins d’aujourd’hui, créant ce faisant une alternative au système capitaliste et ouvrant la voie à une démocratisation de l’économie.

Ainsi on retrouve des coopératives dans tous les secteurs de l’économie : coopératives de construction, agricoles, bancaires, d’assurances, de santé, etc. Les coopératives sont omniprésentes dans le monde. On en retrouve de toutes tailles et variétés. Elles ont toutes en commun de rassembler des personnes qui veulent répondre à des besoins communs, par le biais d’une entreprise dont elles sont propriétaires et qu’elles gèrent de manière démocratique. Ces personnes peuvent être les travailleurs, les usagers ou encore les consommateurs de l’entreprise. Selon le SPF économie, PME, classes moyennes et Energie, les sociétés coopératives sont par nature les promotrices d’un entreprenariat socialement responsable. Elles sont encore l’expression de valeurs partagées et se fondent sur la solidarité. Dans une société coopérative, les associés, qui se satisfont d’un dividende limité, poursuivent un objectif commun plus large que la seule recherche de profit et s’impliquent personnellement dans la société. Quelle que soit l’importance de leur investissement financier, tous les associés disposent d’une voix réelle dans la politique de l’entreprise.

C’est principalement cette absence de recherche de profit et le fonctionnement démocratique qui distingue une coopérative d’une entreprise classique. Alors que l’objectif d’une entreprise capitaliste est de maximiser le profit, le salaire reversé aux travailleurs ne correspond d’ailleurs aucunement à la valeur ajoutée de leur travail, les dividendes dans une société coopérative sont limités à 6%. En ce qui concerne le pouvoir de décision, il n’est pas réparti selon les actions de chaque membre comme dans une entreprise classique, où le plus gros investisseur est celui qui a le plus de poids dans les décisions, mais selon le système « une personne, une voix », donnant à chacun un poids égal.

De nouveaux enjeux

Si les inégalités sont toujours bien présentes, de nouveaux enjeux voient également le jour, créant de nouveaux défis pour le secteur de l’économie coopérative. C’est par exemple le cas des questions liées à l’environnement, défi majeur de notre époque, et qui nous concerne tous. Face à l’urgence de la question, des coopératives se mettent en place, en vue de permettre aux citoyens d’avoir recours à des circuits courts, à de l’alimentation biologique, à une énergie plus propre, etc. Nous en découvriront deux exemple dans ce numéro : Ferréole, qui est une coopérative de production d’énergie, et Agricovert, coopérative agricole. On ne pense plus uniquement en termes de consommation de biens, mais en termes de développement durable, ce qui suscite de nouvelles actions collectives.


La coopérative à finalité sociale « Vin de Liège », créée en 2010, en est un bon exemple. Les coopérateurs qui prennent part à ladite coopérative souhaitent, au travers de leurs actions, véhiculer des valeurs humaines et environnementales. Outre la production d’un vin de qualité, les coopérateurs organisent notamment des activités de promotion de l’économie sociale, mais également du recours à des méthodes de développement durable pour la production du vin, en choisissant une  agriculture respectueuse de l’environnement. En outre, la coopérative fait preuve de son soutien pour différents projets d’échanges de tout type, que ce soit économique, culturel ou environnemental, d’éducation permanente, etc.


Pour conclure, notons que les coopératives ont ce mérite infini de questionner le système dans lequel elles évoluent. Les membres qui y prennent part proposent une forme d’économie différente, qui a pour objectif l’intérêt général. En cela, les coopératives permettent d’insuffler à la fois de la dynamique et du sens dans les actions posées par les membres ainsi qu’au sein de la communauté. Elles sont, au travers de cela, porteuses de transformation sociale.

Il serait toutefois piégeant de penser que coopérer coule de source, et il apparaît primordial d’en avoir conscience, si l’on souhaite que le mouvement coopératif puisse prospérer dans une époque qui pousse à l’individualisme. En ce sens, je souhaiterais conclure en citant J. Defourny (2017) « La coopération ne se conceptualise pas seulement ; elle se construit et s’apprend. C’est aussi une condition de sa mise en œuvre et de sa diffusion. »

Mandy Renardy


Les coopératives sont régies par 7 principes formulés en 1995 par l’Alliance coopérative internationale (ACI).

L’ACI a été créée par les coopératives du monde entier, afin de mieux coopérer entre elles et de rendre leurs services plus pertinents.

  1. Adhésion volontaire et ouverte à tous. Quel que soit le sexe, l’allégeance politique, la nationalité, etc., chacun doit pouvoir, s’il le souhaite, s’investir dans la coopérative.
  2. Pouvoir démocratique exercé par les membres. Comme dit précédemment, un membre = une voix.
  3. Participation économique des membres. Chacun contribue au capital de la coopérative. Le surplus généré sert à la développer davantage, à faire des ristournes aux membres, à soutenir d’autres activités,…
  4. Autonomie et indépendance. Ce sont les membres qui gèrent la coopérative. Par exemple, en ce qui concerne la mise en œuvre d’une récolte de fond, ou si les membres souhaitent passer des accords avec d’autres organisations.
  5. Éducation, formation et information. On permet aux membres de suivre les formations nécessaires pour qu’ils puissent contribuer aux mieux au fonctionnement de la coopérative. En outre, les coopératives mettent en place des actions d’éducation permanente.
  6. Coopération entre les coopératives. C’est l’objectif que remplit l’ACI. Cela permet de renforcer le mouvement coopératif, en se référant à un système de valeurs commun.
  7. Engagement envers la communauté.

Bibliographie

         DEFOURNY Jacques & NYSSENS Marthe, 2017, Economie sociale et solidaire : socioéconomie du 3ème secteur, DeBoeck supérieur, Louvain-La-Neuve.

         DEFOURNY Jacques, 2017, « Les conditions d’émergence et de développement des coopératives », En question, Bruxelles, n°123 (oct/nov/dec 2017), pp.26-34.

         SAW-B ASBL, 2011, Coopératives : un modèle tout terrien, les dossiers de l’économie sociale, Monceau-sur-Sambre.