La Transition citoyenne, c’est la santé ?

La Transition citoyenne, c’est la santé ?
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Alimentation locale et de saison, mobilité douce, renforcement du lien social,… la transition en plus d’être bonne pour la planète ne serait-elle pas également bonne pour la santé? L’intégration à une initiative de transition pourrait-elle être suggérée par le personnel de santé au même titre que l’exercice physique ou l’arrête du tabac? C’est en tout cas l’hypothèse que fait Pauline Minguet, diplômée en santé publique de l’Uliège et participante aux ateliers d’écriture d’Eclosio, ouvrant une nouvelle voie au programme de promotion de la santé.


Savez-vous que selon l’Organisation Mondiale de la Santé, 70% du nombre total des décès à travers le monde peuvent être attribués aux maladies non transmissibles (MNT) ? Alors qu’auparavant la principale cause de décès étaient les maladies infectieuses telles que la peste, la variole, la lèpre, la syphilis ou encore le choléra, de nos jours, les patients présentent majoritairement des maladies non transmissibles aussi appelées pathologies chroniques telles que : les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires chroniques, le cancer et le diabète. C’est ce que l’on appelle la transition épidémiologique. Cette transition épidémiologique est la conséquence de nombreux facteurs. Bien que les liens de causalité soient difficiles à établir en santé publique, cette dernière peut notamment être attribuée aux habitudes de vies contemporaines (alimentation inadéquate, sédentarité, etc.) mais aussi à des facteurs environnementaux tels que la pollution atmosphérique, l’usage intensif de pesticides, les perturbateurs endocriniens etc. Ces pathologies chroniques sont rarement isolées et représentent souvent des facteurs qui potentialisent d’autres maladies. Par exemple : Le diabète est un facteur de risque des maladies cardio-vasculaires.

Cette nouvelle réalité épidémiologique est plus évidente pour une infirmière qui, comme moi, travaille dans le secteur des soins intensifs. D’autant plus, lorsqu’on connait les conséquences engendrées par ces soins et que l’on est confronté à des patients/des familles en détresse non seulement sur le plan émotionnel mais parfois aussi sur le plan financier. Dispensant quotidiennement des soins curatifs de haute technicité, nous sommes amenés à nous interroger sur les soins préventifs, dispensés en amont, pour prévenir ces pathologies. Ne devraient-ils pas être la priorité ? Sont-ils dispensés en quantité et en qualité suffisante ?

Santé Publique et Promotion de la santé

La Santé Publique s’interroge sur les facteurs qui déterminent la santé des individus et sur les relations qui existent entre ces facteurs. Elle suggère un lien étroit entre la santé des individus et l’environnement dans lequel ils évoluent. La promotion de la santé est donc perçue comme un moyen pour tenter de modifier l’environnement dans lequel les individus évoluent afin de le rendre plus favorable à leur santé. Par exemple : promouvoir l’exercice physique pour lutter contre la sédentarité, elle-même facteur de risque des maladies cardio-vasculaires.

Quelques constats liés à l’environnement de vie des êtres-humains

Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) qualifie la situation actuelle d’« alarmante ». Selon leur dernier rapport de 2018, les activités humaines auraient déjà provoqué un réchauffement climatique de 0,8 à 1,2°C au-dessus des niveaux préindustriels. Certains impacts de ce réchauffement peuvent être irréversibles et engendrerons des répercussions délétères sur l’homme et sur sa santé. Le tout nouveau rapport annuel publié dans la revue médicale « The Lancet » et intitulé : « Compte à rebours sur la santé et le changement climatique » abonde en ce sens.  Selon ce rapport, un enfant né aujourd’hui respirera un air plus toxique qu’auparavant, cette toxicité est en relation directe avec la consommation des combustibles fossiles et est aggravée par la hausse des températures. La sonnette d’alarme est tirée, la prévalence des maladies respiratoires comme l’asthme augmentera, tout comme les risques cardiaques. Le réchauffement climatique sera également un facteur favorisant la malnutrition et l’émergence ou la prolifération des maladies infectieuses.

 

On assiste néanmoins à une prise de conscience collective à travers le monde et à l’émergence de nombreuses initiatives en faveur du développement durable.

 

Que peut-on faire ?

LE GIEC recommande des mesures d’atténuation, c’est-à-dire d’intervention de l’homme pour d’une part réduire les sources d’émissions de gaz à effet de serre et d’autre part, augmenter les puits de gaz à effet de serre, comme par exemple par la reforestation. De plus, il invite à la résilience, soit la réorganisation/la transformation du système (économique, social et environnemental) pour répondre à un événement ou à une tendance dangereuse, dans ce cas-ci, le réchauffement climatique. C’est précisément ce que le mouvement de la transition vise à faire.

À Remouchamps, sur la commune d’Aywaille, comme dans les nombreuses autres communes où la Transition s’établi,  les citoyen∙ne∙s tentent de bâtirent une communauté résiliente. Cette communauté favorise des modes de vie plus écologiques au niveau local en développant les circuits courts, une mobilité douce, des potagers collectifs, en utilisant une monnaie locale (à Aywaille il s’agit du Val’heureux), en organisant des conférences et des événements pour sensibiliser à l’écologie, en renforçant le lien social et la solidarité. La Transition citoyenne de Remouchamps (commune d’Aywaille) prend de l’importance. En s’associant à d’autres initiatives de Transition de la région, elle est devenue une ASBL : « Terre De Mains ».

Transition et santé

A l’heure où on entend de plus en plus parler de Transition et compte tenu des constats précités, il semble légitime de s’interroger sur le lien qui existe entre les initiatives de Transition citoyenne et la santé. Nous pouvons alors nous demander : « Est-ce que la pratique de la Transition citoyenne a un effet bénéfique sur la santé ? ». Un examen de la littérature scientifique m’a permis de confirmer le potentiel bénéfice sur la santé des initiatives de transition. C‘est la raison pour laquelle j’ai décidé de réaliser une étude de besoins. Cette dernière visant à mettre en lumière les besoins de la population étudiée est une étape préalable à toute stratégie de promotion de la santé. Je me suis alors demandé : « De quoi la population a-t-elle besoin pour être motivée à participer à une initiative de Transition ? Qu’est ce qui favorise cette participation mais aussi quels sont les obstacles à cette participation ? ». A contrario, je me suis également demandé s’il existait des risques liés à l’émergence de ces initiatives de transition.

Verdict

On peut constater une certaine rareté des sources documentaires traitant de l’impact sur la santé des initiatives de Transition. Certaines études soulignent toutefois leurs effets bénéfiques. Au niveau local, le lien social se voit renforcé, le soutien et la collectivité accroissent la motivation à agir. La santé peut se voir préservée par une alimentation de qualité. En effet, la transition promeut une alimentation saine, locale et de saison. Les produits accessibles en circuit courts sont généralement plus frais, moins transformés, moins traités et donc plus sains pour la santé. La réduction de l’utilisation de la voiture et la promotion des activités extérieures ont pour effet l’augmentation de l’activité physique (vélo, marche, jardinage etc.) dont les effets sur la santé ne sont plus à démontrer. Une réduction du stress par le biais de la solidarité, de l’entraide et du soutien mutuel a également été constaté. Au niveau global, la valeur ajoutée en termes de santé est en lien avec une alimentation raisonnée, une réduction de l’utilisation effrénée des ressources de la terre et la réduction de l’impact de l’homme sur la planète.

Cependant cet examen global a également permis de mettre en évidence certains points d’attention relatifs à l’émergence de ces initiatives.  Celui qui s’avère être problématique pour le domaine de la santé est celui-ci : on observe un manque de diversité des membres au sein des groupes de Transition et un problème d’inclusivité est soulevé. Or, l’équité est une valeur fondamentale de la promotion de la santé. On ne peut pas risquer de renforcer les inégalités de santé. La santé est un droit fondamental pour tous et les actions de promotion de la santé doivent en tenir compte.

Stratégie d’action

Etant donné le potentiel « atout santé » de la transition dont témoignent les résultats décrits ci-dessus, Nous proposons une stratégie de promotion de la santé par l’action environnementale. Elle comporte six axes :

  1. Une campagne de sensibilisation sur le lien entre santé et environnement ainsi que sur l’existence des initiatives de Transition (conseils et informations).
  2. La rédaction et la distribution d’un guide simple des gestes quotidiens ayant un impact environnemental et sur la santé humaine.
  3. L’engagement de spécialistes dans les écoles pour communiquer sur l’environnement.
  4. Créer une coopérative pour l’achat de produits sains et locaux.
  5. Impliquer d’avantage les politiques dans la préservation de l’environnement et de la santé.
  6. Travailler sur l’inclusivité et la diversité des membres au sein des groupes des initiatives de Transition.

Pour conclure…

La Transition citoyenne semble représenter une opportunité en termes de Santé Publique. Les professionnels de la santé doivent prendre conscience du bienfait que les actions en faveur du développement durable ont sur la santé de leurs patients. Ils sont la première ligne et disposent d’une certaine notoriété pour immiscer le changement et promouvoir un élan collectif auprès des citoyens. Aujourd’hui nous conseillons à nos patients d’arrêter de fumer, de pratiquer l’exercice physique, d’adopter une alimentation saine. Il faut bien évidement continuer à dispenser ces recommandations et même renforcer la prévention.  Cependant, soigner son environnement au sens large, soit préserver la santé de la planète en adoptant des mesures de résilience et d’atténuation est probablement une recommandation nouvelle à ajouter à cette « to do list to be healthy ». Car la santé humaine est intimement liée à celle de notre planète.

Pauline Minguet