Retour d’Étienne Sodré sur son stage méthodologique en appui à l’innovation en Agriculture Familiale

J’ai eu le privilège de participer à l’édition 2016 du Stage méthodologique en appui à l’innovation en Agriculture Familiale, organisé par ADG (devenue depuis Eclosio) en collaboration avec l’Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech, grâce à une bourse de l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur.

Je suis ingénieur du développement rural de formation et actuellement en service à l’Institut de l’Environnement et de Recherches Agricoles du Burkina Faso comme Agrostologue/Pastoraliste. Dans mes activités de recherche, je suis constamment en interaction avec les acteurs du monde rural notamment les éleveurs qui sont les cibles de nos actions. En collaboration avec eux, la recherche travaille à concevoir des innovations afin d’améliorer leurs conditions de vie et de travail.

La participation à ce stage est un passage intéressant pour les professionnels du Sud qui interviennent dans l’appui au développement des populations rurales à travers l’agriculture familiale. On y apprend énormément de choses nouvelles et on déconstruit la vision trop spécifique qu’on peut avoir des stratégies d’intervention en milieu rural. Les modules enseignés permettent aux stagiaires de conduire des diagnostics en vue de cibler, formuler, exécuter, suivre et évaluer des actions de développement de l’agriculture familiale. Ils sont bien articulés entre eux et bien déroulés par des encadreurs et des intervenants de qualité qui ont une parfaite maîtrise des réalités du Sud. Les journées de visites et les participations à des rencontres permettent aux stagiaires de toucher du doigt les pratiques de professionnels expérimentés.

Déconstruire pour une meilleure vision

Notre admission au stage qui s’est tenu du 12 septembre au 16 décembre 2016 a été conditionnée entre autres par la soumission d’un avant-projet. Au fur et à mesure que nous apprenions les outils de la gestion du cycle de projet (gestion axée résultats GCP-GAR), nous les appliquions à notre avant-projet. Agrostologue que je suis, mon avant-projet portait spécifiquement sur l’adoption des technologies de cultures fourragères en vue d’accroître la production laitière. Mon regard était figé sur les questions fourragères et c’était la seule solution que je proposais pour résoudre la question de la faible production laitière surtout en saison sèche. Avec l’appui de nos encadreurs, cette vision trop restrictive a été déconstruite en faveur d’un diagnostic plus large qui m’a permis de cerner toutes les difficultés liées au développement de la filière lait local dans mon pays. Ce stage a donc marqué un tournant décisif dans ma conception du monde rural et des innovations envers celui-ci, qui a considérablement évolué depuis les premiers instants du stage. A la fin du stage je me retrouve avec un projet (je dirais même un programme) qui prends en compte plusieurs axes stratégiques d’intervention qui peuvent faire chacun l’objet d’un projet de recherche et/ou de développement. Je continue de « creuser » chaque aspect de mon projet que je soumettrai à financement dès qu’une opportunité se présentera.

Remise en question sur le développement

Le stage a beaucoup enrichi mes connaissances de l’agriculture familiale et des bonnes pratiques qui vont avec celle-ci.

Avant ce stage, j’étais sceptique envers l’idée d’utiliser l’agroécologie comme pratique pour assurer la sécurité alimentaire.

Je me disais que l’Afrique avait du mal à satisfaire ses besoins, même utilisant les engrais et les pesticides, et que lui demander d’opter pour l’agroécologie (avec peu ou pas d’utilisation d’intrants chimiques, de machines agricoles, etc.) serait une façon de nous endoctriner pour demeurer dans le sous-développement. Le développement de l’agriculture en Occident n’est-il pas passé par les engrais chimiques, les pesticides et les machines ? Aujourd’hui, j’ai une vision tout à fait différente qui rejoint d’ailleurs la pratique de l’agriculture « à l’africaine » : il ne faut pas reproduire les mêmes erreurs que les occidentaux en encourageant ces pratiques néfastes pour les sols et l’environnement de façon globale. Pour moi il n’y a pas d’agriculture plus durable que l’agroécologie. Nos agriculteurs familiaux qui constituent plus de 90% des agriculteurs africains ont intérêt à revenir à l’agroécologie, car nous pratiquons depuis des siècles cette méthode, en y apportant des innovations en vue d’accroître les rendements et la qualité des produits.

Un stage qui mène à de belles rencontres

Enfin, le stage est un cadre d’échanges d’expériences entre plusieurs nationalités. Ces échanges portent aussi bien sur les aspects académiques que sur les aspects culturels et sociaux. Je remercie tous mes promotionnaires de stage : les 3 « petits » béninois, les 2 « belles » sénégalaises, les 3 « doyens » maliens, les 2 « mignons » malgaches, la « grande » camerounaise, le « formidable » congolais et « l’aimable » haïtien pour ces merveilleux moments passés ensemble.

Pour terminer je dirai aussi que la Belgique est un merveilleux pays de par ses hommes et femmes et de par son paysage.

Je souhaite longue vie au Stage méthodologique en appui à l’innovation en agriculture familiale afin que bien d’autres professionnels comme moi puissent bénéficier de ce renforcement de capacités qui est utile pour plus d’efficacité dans l’accompagnement du monde rural de nos pays.

Etienne SODRE

Témoignage d’un stagiaire au Sénégal, pays de la Terranga

Vers l’autre côté du miroir. L’avion quitte le sol. Les paysages défilent, allant d’abord des champs cultivés que je connais si bien vers les plaines arides d’Espagne, jusqu’à plonger dans l’inconnu des déserts d’au-delà le détroit de Gibraltar. Partir en Afrique pour la première fois c’est comme sonner chez des voisins qu’on voit souvent mais ne connait pas vraiment, très loin mais si proche pourtant. 8 heures de vol avec escale. A l’aéroport on y est. C’est un peu la cohue, il n’y a pas vraiment de file pour le contrôle des bagages. Dehors, beaucoup veulent déjà rendre service contre une petite pièce, l’aventure commence. [22/08/2017]

Je suis étudiant à Gembloux Agro Bio Tech, en spécialisation foresterie. Des forêts je n’en garde que la beauté dans un coin de la tête, car cette fois-ci je vais m’intéresser à de l’économie rurale, pour étudier le mode de vie des populations dans le delta du Saloum, ce vaste espace de mangrove préservées. Ce voyage au Sénégal est la dernière étape d’un trio d’un an, commencé par un stage dans les forêts luxuriantes d’Equateur, puis un Erasmus en Espagne. Cette fois-ci c’est le grand inconnu, avec un stage me demandant davantage de savoir-faire en relations humaines que de connaissances brutes.

ADG Sénégal est la partie la plus imposante de l’ONG, avec 7 projets en cours au Sénégal, et une équipe de 20 personnes. Ses actions permettent le soutien à des populations rurales dans le besoin, avec l’apport de connaissances et de matériels. Récemment, un projet important a été conduit dans le delta du Saloum (le projet PRECEMA), et je vais poursuivre le travail avec un stage centré sur l’étude des activités et revenus des ménages de la zone.

Si tous les voyageurs abordent la notion de choc culturel, c’est qu’il est bien présent. Mais je préfère parler de décalage car voyager c’est retirer la cale de notre confort parfois devenu terne. Ma première observation en marchant dans les rues a été la pauvreté : les enfants à pied nus et aux vêtements déchirés, les ordures jonchant le sol sans poubelles pour les récolter, la poussière de sable sur les trottoirs encombrés. Au détour d’un coin de rue le décor change, je me retrouve dans un espace touristique. Devant des façades plus occidentales et des restaurants, des vendeurs de souvenirs au regard vif captent l’attention puis invitent ostensiblement le touriste à venir jeter un coup d’œil aux objets locaux. Ensuite j’ai vu que tout le monde marchait lentement et j’ai dû ralentir mon rythme pour ne pas être le seul dans la rue à marcher vite. Après plus de temps il ne restait en moi que la simplicité sur les visages, les sourires sincères et le visage béat des bébés sur le dos de leur mère. Personne ne court dans ce paysage de ciel bleu et de sol jaune ; seuls les papiers blancs piquent parfois un sprint, quand ils sont soulevés par le vent.

A mon arrivée aux bureaux d’ADG, j’ai reçu tout l’encadrement nécessaire à une première expérience dans l’inconnu. L’équipe sur place était très sympathique, et le travail s’est déroulé dans la bonne humeur et une atmosphère sérieuse quoique décontractée. Je tiens à remercier Stéphane Contini qui a su rendre mon intégration progressive et agréable, de même que Gregroy Maraite pour son accueil la première semaine, et finalement je souhaite remercier les camarades de la maison de passage, toujours très gentils. Après quelques semaines à préparer mon enquête, mon maitre de stage Samba Atta Dabo m’a présenté à l’équipe de terrain APIL (Association de promotion des initiatives locales), qui allait m’accueillir à Foundiougne et m’accompagner pour la phase terrain du stage, pendant deux mois. « Concert touristique à l’Hôtel Piroguiers » 

Foundiougne est un village tranquille, en bordure du delta du Saloum. Sa situation enclavée au bord du fleuve Saloum en fait un village très calme quoiqu’important. Foundiougne, c’est avant tout la famille, les ami-e-s ; c’est aussi le sport, la culture et la fête. Une bulle de paradis de 7000 habitant-e-s. Je ne les oublierai pas. Foundiougne c’est aussi le point de départ vers les missions dans le delta du Saloum, à la rencontre des populations enclavées dans cette large étendue boisée, où percent des étendues de sable salé, comme d’étranges déserts humides dans le luxuriant labyrinthe que forment les palétuviers échassiers et les bolongs d’eau libre.

À Fondiougne je me rappelle surtout le thé quotidien partagé avec Bassirou Kambé, le gardien qui est devenu un vrai ami ; je me rappelle aussi les repas en famille chez les Mbaye qui m’ont vite considéré comme un fils, et pour l’anecdote j’aime aussi me souvenir les nuits à dormir sur la terrasse sous les fleurs de bougainvillier, à profiter de la fraicheur nocturne qui venait contraster avec les chaleurs étouffantes de la journée.

Etudier les activités des ménages du delta du Saloum a été pour moi une occasion d’aborder le mode de vie de populations rurales reculées, loin de ce que je connaissais comme une norme de vie, en Europe. J’ai pu interroger les familles sur leurs activités au jour le jour et leurs revenus, mais aussi leurs aspirations dans la vie et leur avis sur l’émigration de leurs fils, qui se retrouvent parfois sur les barques traversant la Méditerranée, au péril de leur vie. J’ai pu aborder une facette du monde qui m’était jusqu’alors inconnue… de l’autre côté du miroir.

Cette première expérience en Afrique a été l’occasion de vivre dans un nouvel environnement loin de ce que je ne connaissais pas : j’ai dû apprendre à m’adapter, communiquer, travailler en équipe, partager… J’ai aussi trouvé un nouveau sens aux valeurs que sont la famille et les religions, et j’ai trouvé de nouveaux objectifs professionnels à ma vie avec la coopération au développement. Maintenant j’ai l’impression d’aborder le monde avec une patience et une curiosité nouvelle. Par ailleurs, j’ai aussi eu l’occasion d’aller à des concerts et des fêtes de toutes sortes ; j’ai visité la côte du pays de Saint Louis jusqu’à la Casamance, en passant par cet étonnant pays anglophone qu’est la Gambie. Malgré tous ces beaux paysages, les plus belles découvertes que j’ai faites au Sénégal ont été humaines, avec les amis et les familles que j’y ai rencontré. Je recommande cette expérience au sud à tous ceux qui voudraient découvrir la coopération au développement, le mode de vie de nos frères du sud, ou rencontrer des cultures et valeurs nouvelles. Après ce voyage, j’ai l’impression d’avoir pu poser une pierre sur l’édifice humain de la tolérance et du respect de chacun-e, et je souhaite poursuivre ma route sur ce chemin.

Laurent Lippens, 2017

Témoignage de Nguyen Nguyet sur le stage méthodologique en appui à l’innovation en Agriculture Familiale

Je suis NGUYEN Minh Nguyet, je viens du Vietnam. Je travaille à l’Université des Sciences sociales et humaines de Hanoï et je participe également à un projet de gestion de l’eau dans le bassin de Dong Nai-Sai Gon, au sud du Vietnam. C’est un projet mené par l’Antenne de l’École Française d’Extrême-Orient (EFEO) à Ho Chi Minh ville.

Opportunité et innovation

En tant que membre d’une équipe de recherche dans le milieu rural, j’ai eu l’opportunité de passer un séjour merveilleux de 14 semaines en Belgique en 2018 dans le cadre du Stage méthodologique en appui à l’innovation en Agriculture Familiale, organisé par ADG (devenue depuis Eclosio) en collaboration avec l’Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech, grâce à une bourse de l’Académie de Recherche et d’Enseignement Supérieur.

Ce stage est destiné aux cadres et acteurs.trices du monde rural des pays du Sud. Cette année, Eclosio accueillait 14 stagiaires de différents pays : Bénin, RDC, Cameroun, Madagascar, Sénégal, Niger, Burkina Faso et Vietnam.

Grâce aux compétences agronomiques des enseignants.tes de l’Université de Liège, et aux compétences méthodologiques en matière de développement rural des membres d’Eclosio, le stage fournit aux apprenants les capacités d’identifier des objectifs pertinents pour :

  • L’amélioration durable de l’agriculture familiale
  • La conception d’actions innovantes pour les atteindre
  • La réflexion autour de problématiques de l’agriculture familiale de façon multidisciplinaire et critique, afin de définir des pistes d’innovations possibles en vue de son amélioration durable
  • L’établissement d’un diagnostic approfondi, s’appuyant sur la réalisation d’études appropriées et ciblées

 

Conception de circuit court

Dans le cadre du stage, une camarade et moi-même avons eu l’occasion de faire une immersion à la ferme de Chavet, une ferme située dans la province de Liège, en Belgique.

Monsieur Olivier Chavet, fermier, a redémarré la petite ferme de ses grands-parents en 1998. Il fait des pommes de terre, des légumes, des céréales ayant la certification bio. Ses produits sont vendus directement aux consommateur.trice.s. Selon M. Rudolf Chavet, le père de M. Olivier, les petites fermes ne pourront survivre que si elles vendent directement leurs produits aux consommateur.trice.s. Mais, en règle générale, ils-elles préfèrent aller dans les magasins, où ils peuvent tout trouver. C’est la raison pour laquelle ils essaient depuis 15 ans de créer une coopérative pour rassembler des produits de plusieurs producteur.trice.s, afin que ces derniers puissent trouver plus de produits dans un même endroit.

Pour le fonctionnement de la coopérative, ils adoptent la vision « ProRegio », c’est-à-dire production et profit pour la région. Concrètement, les gérant.e.s de « ProRegio » essaient de trouver des opportunités pour les circuits alimentaires locaux/régionaux dont les produits bruts viennent directement des agriculteur.trice.s de la région ; des processus coopératifs qui peuvent être développés entre toutes les parties prenantes : consommateur.trice.s, agriculteur.trice.s, épiceries, investisseurs et commerces. C’est vraiment une opportunité économique non négligeable que ce soit pour le producteur, qui sécurise ainsi son modèle économique ; le consommateur qui obtient un prix ajusté au coût réel et le territoire car cela permet la création d’emplois locaux.

 

Valoriser ces acquis au Vietnam

À travers les cours théoriques, les immersions, les visites de terrain, cette formation est vraiment une occasion pour chaque stagiaire de transmettre les acquis à mon entourage une fois de retour.

Personnellement, j’ai acquis les connaissances qui sont nécessaires pour mon projet et pour mon pays en ce qui concerne les méthodes de gestion d’un projet, les conceptions d’une agriculture diversifiée, durable et les modèles de coopératives agricoles.

Le Vietnam est l’un des pays du  monde qui sera le plus exposé aux effets du changement climatique. D’ores et déjà, on constate des phénomènes de submersion marine des franges littorales du delta du Mékong, des remontées d’eau saumâtre de plus en plus loin à l’intérieur des terres provoquant une salinisation des sols et des épisodes de sécheresse de plus en plus longs et sévères comme celui qu’a connu la région à l’hiver-printemps 2016 sous l’influence du phénomène El Niño.

Dans ce contexte, le secteur de l’agriculture doit impérativement s’adapter à ces évolutions climatiques et économiques en innovant, notamment, dans le domaine de la gestion et de l’usage de l’eau. Pour être efficientes et durables, ces nouvelles modalités de gouvernance devront s’appuyer sur les stratégies paysannes : changement de types de cultures et de calendriers agricoles, usage raisonné d’intrants ; et sur une répartition adaptée et économe de la ressource, prenant en compte les savoirs locaux préexistants à la création du périmètre irrigué.

Mon projet s’inscrit dans le cadre d’une étude des stratégies paysannes face aux nouvelles modalités d’acquisition, distribution et d’utilisation de l’eau afin d’évaluer la nature et l’envergure des transformations induites puis d’identifier les capacités d’adaptation, voire de résilience, des usagers. Concernant la gouvernance locale de l’eau : nous allons étudier des modalités de création des Groupes d’Usager d’Eau et de leur fonctionnement en pointant les éventuelles distorsions entre, d’un côté, le modèle standard défini par l’État et les bailleurs de fonds internationaux et de l’autre, les modèles empiriques et pragmatiques observés sur le terrain.

 

Dans cette perspective, la participation au stage m’a permis d’acquérir d’une part des méthodes pour mener à bien un projet de recherche qui s’inscrit dans le contexte social, culturel et économique local et, d’autre part, des connaissances sur les modalités d’analyse des déterminants économiques et des conditions agroécologiques et environnementales qui orientent les stratégies paysannes dans les systèmes agraires irrigués.

Enfin, ce stage m’a également permis d’évaluer la pertinence et l’opérationnalité des nouveaux modèles culturaux développés par les services techniques de l’État dans le but de favoriser une transition vers une agriculture à haute valeur ajoutée durable.

L’entrepreneuriat rural, levier de développement des exploitations familiales

La 11ème édition de la semaine mondiale de l’entrepreneuriat sera du 12 au 18 Novembre 2018 un peu partout dans le monde. Elle a pour objectif de promouvoir l’esprit d’initiative et la créativité chez le plus grand nombre. Cet événement qui fête les entrepreneurs et l’esprit d’entrepreneuriat met à l’honneur  cette année les femmes, les jeunes, l’inclusion et la connexion des écosystèmes.

L’action d’Eclosio s’inscrit dans cette même dynamique au niveau  de ses deux pays d’intervention en Afrique de l’ouest: Le Sénégal et le Bénin. En effet, en vue d’obtenir un impact plus fort dans ses actions de soutien à l’indépendance économique et à la sécurisation des moyens d’existence des groupes vulnérables, Eclosio a opté pour la promotion de l’entrepreneuriat.

L’appui à l’entrepreneuriat prend de plus en plus de relief dans nos interventions (OSIRIS, MDD, PRIMEUR et DEFI au Sénégal ; PRAFA, FSE, AMSANA et FoNa au Bénin), la promotion de entrepreneuriat rural répond aux objectifs suivants :

  • Impulser des dynamiques de développement économique local centrées sur la valorisation de potentialités de nos territoires d’intervention (focus particulier sur l’agriculture) ;
  • Renforcer le pouvoir économique, sécuriser les moyens d’existence et élargir la protection sociale aux ménages ruraux dépendant de l’économie informelle ;
  • Améliorer l’accès des jeunes et des femmes à des emplois et des revenus décents comme moyen de stopper l’exode rural et d’amenuiser les flux de migration irrégulière tellement préjudiciables au développement économique des zones rurales ;
  • Renforcer la professionnalisation de la pratique agricole par la diffusion d’une approche de gestion économique des exploitations agricoles (promotion d’une culture entrepreneuriale) ;
  • Positionner les jeunes et les femmes comme des acteurs majeurs du développement durable de leurs terroirs ;

La problématique du chômage des jeunes se pose avec une grande acuité au Sénégal et au Bénin. En effet, dans chacun de ces deux pays, pas moins de 350 000 nouveaux demandeurs d’emplois frappent annuellement à la porte du marché du travail. Devant l’incapacité des économies locales à absorber cette forte demande, les états sénégalais et béninois ont inscrit la création d’un cadre incitatif au développement de l’entrepreneuriat au cœur de leurs politiques de promotion de l’emploi. Poursuivant dans cette lancée, et comprenant le caractère stratégique de l’accompagnement entrepreneurial dans l’amélioration des conditions d’existence des groupes se situant à la base de la pyramide économique (moyen de leur faire passer de la subsistance à l’indépendance économique), Eclosio s’est progressivement orientée vers des actions consistant à offrir aux populations qu’elle accompagne l’opportunité de bâtir leur avenir par la concrétisation de leurs rêves. Ainsi, à travers une action soutenue de sensibilisation, nous avons permis à des jeunes et des femmes – qui nourrissaient l’ambition de quitter le monde rural en direction des agglomérations urbaines à la recherche d’emplois souvent précaires avec des niveaux de rémunération en deçà du SMIG – de poser un autre regard sur leurs terroirs, de mieux voir les possibilités de réussir localement.

Combinant judicieusement les outils de communication de masse (les radios locales) et une approche de proximité (fora villageois, plaidoyers communautaires, causeries participatives…), les processus d’éducation pour un changement de comportement ont permis de faire éclore chez nos publics bénéficiaires un ESPRIT D’ENTREPRENDRE. Cette volonté de plus en plus manifeste chez les jeunes et les femmes de se projeter sur une initiative individuelle ou collective – comme moyen d’accomplissement personnel et de contribuer au progrès économique et social de leur communauté – consacre l’émergence d’une nouvelle façon de voir la réussite personnelle qui a l’avantage de contribuer au développement territorial de nos zones d’intervention.

Entrepreneuriat : un outil au service de la dynamisation de l’économie rurale

Le monde rural demeure le principal cadre de déploiement de nos actions de promotion de l’entreprenariat aussi bien au Sénégal qu’au Bénin.  Donnant une place privilégiée aux besoins et priorités spécifiques des jeunes et des femmes, nos appuis à la création et à la consolidation de MPER se fondent sur une parfaite compréhension de la structure et du fonctionnement de l’économie rurale. En effet, les initiatives entrepreneuriales que nous accompagnons sont généralement choisies à la lumière des conclusions d’une série de diagnostics préalables nous permettant de récolter une mine d’informations pertinentes sur les créneaux porteurs de chaque zone d’intervention (domaine d’activité présentant le plus grand potentiel de création de valeur ajoutée) et la configuration des chaines de valeur locales. Ainsi, en plus de garantir la pertinence des actions que nous entreprenons, cette démarche innovante nous permet d’identifier les pistes d’actions les plus propices au renforcement de la vitalité des économies locales.

Vers un leadership accru des femmes

Les traditions culturelles toujours prégnantes dans les sociétés africaines reposent sur un schéma de répartition de l’autorité fortement empreint de discrimination à l’égard des femmes. Les avancées notées au plan institutionnel (adoption de texte de loi en faveur de l’équité de genre) n’ont généralement pas permis aux femmes, surtout dans les zones rurales, d’accéder à une dignité et une reconnaissance sociale significative. En dépit du fait qu’elles représentent la plus importante proportion de la population active dans les secteurs agricoles et rural, les femmes sénégalaises et béninoises peinent à avoir accès suffisant aux ressources leur permettant de m’émanciper économiquement et, par ricochet, socialement. En faisant le choix d’accorder la priorité aux femmes dans ses actions de promotion de l’entrepreneuriat, Eclosio a permis à cette catégorie sociale souvent marginalisée de démontrer leur capacité à se hisser au rang d’acteur de premier plan du développement économique de leur communauté.

Faim zéro et agriculture durable : les citoyens se mobilisent, que font les responsables politiques ?

C’est la Journée mondiale de l’alimentation. 821 millions de personnes se trouvent en situation de sous-alimentation chronique. A l’ONU, les Etats membres de l’ONU se sont engagé à soutenir les exploitations agricoles familiales pour lutter contre la faim. Mais derrière les déclarations d’intentions, de nombreux Etats – dont la Belgique – continuent à soutenir l’agro-business et des politiques nuisibles à l’agriculture familiale. Heureusement, les initiatives citoyennes veillent et pallient.

Comme chaque année, la Journée mondiale de l’alimentation est célébrée le 16 octobre, date anniversaire de la création de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). 73 ans après sa création, les nouvelles que nous donne la FAO ne sont pas bonnes : selon le rapport qu’elle a publié le 11 septembre dernier avec quatre autres agences onusiennes, 821 millions de personnes se trouvaient en situation de sous-alimentation chronique en 2017, ce qui ramène le monde près de 10 ans en arrière.

Décennie de l’agriculture familiale de 2019 à 2028

Le droit à l’alimentation est pourtant un droit humain reconnu. En 2015, les dirigeants des 193 Etats membres de l’ONU ont adopté à l’unanimité les 17 Objectifs de développement durable, dont l’objectif « Faim zéro » visant à mettre un terme à la faim et à la malnutrition sous toutes leurs formes d’ici 2030. Et c’est également à l’unanimité que l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de proclamer une Décennie de l’agriculture familiale de 2019 à 2028, reconnaissant par la même occasion le rôle des exploitations agricoles familiales pour lutter contre la faim.

Si tout le monde est d’accord, pourquoi n’y arrive-t-on pas ? Peut-être parce que, derrière l’unanimité de façade des résolutions onusiennes, tout le monde n’est finalement pas d’accord. Ainsi, alors que le symposium de la FAO sur l’agroécologie a fait le constat, en avril de cette année, d’un consensus sur le potentiel de l’agroécologie pour  » atteindre un large éventail d’objectifs politiques, environnementaux et de sécurité alimentaire, alliant des objectifs liés à la durabilité à la réduction de la pauvreté rurale« , de nombreux Etats continuent de s’engager dans le soutien à l’agrobusiness et à des politiques nuisibles à l’agriculture familiale.

La Belgique contre le droit des paysans

C’est le cas de la Belgique, dont la politique de coopération au développement s’oriente résolument vers le soutien au secteur privé. Le résultat de cette approche montre qu’elle ne répond pas aux besoins les plus criants, puisque seule 30% de l’aide belge au secteur privé local a été orientée vers les pays à faible revenu entre 2013 et 2016, pour 61% vers les pays à revenu intermédiaire, alors que ces derniers ont moins besoin d’être soutenus. C’est aussi le cas de l’Union européenne, dont la politique agricole continue à se baser sur l’intégration de l’agriculture européenne à des marchés globalisés, avec des impacts négatifs pour les agricultures locales. Encore récemment, le 28 septembre, la Belgique et les autres Etats membres de l’Union européenne présents au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies se sont tous abstenus ou ont même voté contre une Déclaration sur les droits des paysan.ne.s, qui a heureusement été adoptée à une large majorité grâce au vote d’autres Etats.

C’est un fait : l’agriculture paysanne a besoin de soutien, et en particulier de celui des pouvoirs publics, pour nourrir le monde de manière durable. Les moyens alloués à l’agriculture doivent donc être suffisants en volume et être orientés prioritairement vers l’agriculture familiale durable et les pratiques agroécologiques. Ensemble, les Etats membres de l’OCDE ont investi près de 280 milliards d’euros pour soutenir leur agriculture en 2017, dont plus de 92 milliards dans l’Union européenne. Il est grand temps d’orienter les moyens des politiques agricoles et ceux relevant de la coopération au développement vers des systèmes alimentaire durables et justes, plutôt que vers des modes de production qui épuisent les ressources naturelles, mettent sous pression les producteurs et ne parviennent pas à nourrir tous les habitants de la planète.

Raisons d’espérer

Mais il y a aussi des raisons d’espérer. Face à l’inaction de nombreux décideurs, des initiatives citoyennes proposent des solutions concrètes et portent des alternatives durables. Pour la 10ème année consécutive, le Festival Alimenterre met en question différents enjeux cruciaux du système alimentaire mondial, avec des projections-débats permettant à un public nombreux de s’informer et de débattre sur l’état des systèmes alimentaires. Dans le même esprit, le Forum des alternatives a rassemblé des citoyens désireux de discuter sur les alternatives à l’agrobusiness et de se former sur des pistes concrètes d’action à mettre en œuvre dans leur vie quotidienne. Les 27 et 28 octobre, des citoyens de toute l’Union européenne répondront à l’appel de l’initiative « Good Food, Good Farming » et pour exiger une « Bonne Nourriture et une Bonne Agriculture » et pour se faire entendre dans le cadre de la prochaine réforme de la Politique agricole commune.

Les alternatives de demain se construisent aujourd’hui et demandent à être soutenues. Il est grand temps que les décideurs politiques prennent la mesure de l’urgence et prêtent main forte aux citoyens d’ores et déjà mobilisés autour de solutions durables.

Par François Graas (SOS Faim), Sébastien Kennes (Rencontre des Continents), Johan Verhoeven (FIAN), Séverine de Laveleye (Quinoa), Pierre Santacatterina (Oxfam-Magasins du monde), Stéphane Desgain (CNCD-11.11.11), Koen Vantroos (Vétérinaires Sans Frontières), Hélène Capocci (Entraide et Fraternité), Nicolas Lieutenant (Caritas International Belgique), Pierre Collière (Eclosio), David Gabriel (Autre Terre). 

Les associations d’usagers, un levier de développement local : l’exemple du projet Liseke-Musimba

publié par UniverSud en Octobre 2016

Partenariat entre le CAUB et UniverSud-Liège : une page se tourne !

Le 1 juillet 2016 a marqué une étape importante dans la collaboration entre UniverSud-Liège et l’ONG congolaise CAUB. Cette date marque la fin du partenariat entre ces deux ONG dans le cadre du projet de construction du réseau d’eau à gestion autonome de Liseke-Musimba, conçu pour alimenter un quartier périphérique de la ville de Butembo, en République démocratique du Congo.

La mise en place d’un réseau d’eau à gestion autonome, quels défis?

La mise en place d’un réseau d’eau à gestion autonome, et la nature du partenariat qu’il implique, représente un défi à plus d’un titre. Il s’agit premièrement de construire un réseau d’eau complet, intégrant des captages, un réservoir et des bornes-fontaines, afin d’alimenter la population du quartier de Musimba. Outre les difficultés techniques, dépassées avec succès par le CAUB, ce type de projet implique aussi de mettre en place une structure de gestion complexe. De fait, ce qui constitue la particularité de ce projet, c’est que ce réseau d’eau est géré directement par la population bénéficiaire, au travers d’une structure locale de gestion qui est choisie par ces mêmes bénéficiaires et qui est tenue de leur rendre des comptes. La population du quartier choisit en son sein des représentants, lesquels vont constituer une assemblée générale. Ces représentants vont, à leur tour, élire un comité de gestion, qui sera  en charge de la gestion journalière du réseau d’eau. On parle donc de réseau d’eau à gestion autonome par la population, car les autorités locales n’interviennent pas, ou très peu, dans son fonctionnement.

Comme toute structure d’approvisionnement en eau potable, les réseaux d’eau à gestion autonome n’échappent pas à la mise en place d’une série de règles de fonctionnement. Parmi celles-ci, la plus importante est celle du paiement pour le service de l’eau. La population s’approvisionne en eau aux bornes-fontaines, en payant pour ce service, à un tarif qui est fixé par l’assemblée générale, c’est-à-dire par les représentants de la population. Cette tarification du service de l’eau permet de couvrir les frais d’entretien du réseau et d’assurer le paiement des fontainiers et des membres de la cellule technique de gestion. Autrement dit, cette cotisation permet d’assurer la pérennité du service de l’eau. Ce concept d’autofinancement du réseau d’eau, qui connaît un succès croissant en RDCongo, est souvent connu sous le terme d’ASUREP, acronyme désignant les associations des usagers de réseau d’eau potable qui sont en charge de la gestion de type ce réseau.

Un modèle idéal, vraiment ?

Le concept d’ASUREP est séduisant, il offre des opportunités importantes en matière de renforcement de la société civile et un intérêt en termes de couverture des besoins fondamentaux des bénéficiaires. Cependant son application concrète sur le terrain ne va pas sans poser de nombreuses difficultés. Le projet d’ASUREP Liseke-Musimba, nom des quartiers où se situent les sources captées et ceux desservis par le réseau, offre une belle illustration de ces difficultés et du succès en demi-teinte que l’on obtient parfois malgré les efforts importants consentis par tous les partenaires du projet. Ainsi, trois ans après le début du projet, le réseau d’eau totalise près de 25 km de tuyauteries, et dessert environ 22.000 personnes grâce à 45 bornes-fontaines. La construction de ces bornes-fontaines a mobilisé une partie importante de la population. Cette dernière a contribué au financement du réseau en fournissant des matériaux de construction et en offrant son appui sous la forme d’une main-d’œuvre nombreuse et dynamique. Cependant, en raison de financements insuffisants, il n’a pas été possible d’équiper le réseau d’un réservoir de stockage de l’eau, tel que cela était prévu initialement. Par conséquent, l’association en charge de la gestion de ce réseau s’est vue contrainte de procéder à des délestages, c’est-à-dire des interruptions régulières du service, ce qui réduit d’une part la qualité du service et diminue d’autre part les recettes de l’association. Pour y remédier, des solutions pour financer la construction d’un réservoir sont à l’étude tant au sein du CAUB que chez UniverSud-Liège. Parmi les solutions envisagées, citons la construction d’un réservoir modulaire ou l’installation d’un réservoir souple, le développement de partenariats publics-privés locaux, ou encore l’obtention de nouveaux financements belges.

Le défi technique se double d’un défi humain !

L’organisation des représentants des bénéficiaires en une structure inspirée de celle des ASBL –choisie pour sa transparence et son intégration dans le droit congolais–  ne fut pas non plus une mince affaire, surtout dans un contexte local marqué par une forte méfiance de la population vis-à-vis de ce type de structure, jugée comme fort exposée à la corruption et au népotisme. Actuellement, les tensions qui ont secoué l’ASUREP sont en voie d’apaisement, et on peut espérer que les prochaines élections sociales, devant conduire à la désignation des nouveaux membres du comité de gestion, seront l’occasion d’un nouveau dynamisme dans la gestion de ce réseau. D’une manière générale, ce concept des ASUREP se heurte aux difficultés inhérentes au développement de la gouvernance locale. Dans un contexte congolais caractérisé par la double empreinte de la gestion verticale, très hiérarchisée, issue de l’époque coloniale puis de l’ère Mobutu, et d’un opportunisme parfois déplacé, résultat d’années de privations et de « débrouille », la construction harmonieuse d’une structure de gestion représentative et transparente ne se fait jamais facilement.

L’ASUREP, un concept fragile mais qui a de l’avenir en RdCongo !

Néanmoins, malgré ces contraintes, l’approche « ASUREP » constitue un levier fondamental pour le développement local en RDCongo, entre autres pour trois raisons majeures. Premièrement, parce  qu’elle envisage la gestion d’une ressource naturelle sous une forme respectueuse de cette ressource, l’ASUREP ayant tout intérêt à protéger ses captages de toute forme de contamination si elle souhaite commercialiser l’eau. Deuxièmement, parce que cette approche soulage fortement le gouvernement central dans sa tâche de répondre aux besoins fondamentaux de la population. Étant donné la croissance rapide de la population congolaise et les faibles moyens financiers de l’État, ce dernier n’est pas en mesure de répondre à tous les besoins. Le développement des réseaux d’eau à gestion autonome par la population permet donc de compenser quelque peu les faiblesses de l’État congolais. Ce dernier a d’ailleurs reconnu explicitement cette situation, au travers de la reconnaissance officielle de l’approche ASUREP dans le nouveau code de l’eau congolais. Troisièmement, L’approche ASUREP est aussi un formidable levier pour le développement local. En effet, si un réseau d’eau est bien géré, il devient rapidement capable de générer des recettes excédentaires, qui peuvent alors être réinvesties localement dans différents types de sous-projets, comme la construction d’une salle de classe, d’un cyber-café, la réfection d’une route ou d’un pont, ou encore l’extension du réseau d’eau, si le débit des captages le permet. Définie ainsi, une ASUREP n’est rien de moins qu’une petite entreprise à finalité sociale, apte à assurer la création d’emplois et à subvenir à certains besoins de base de la population. À Kinshasa, la capitale du pays, où sont nées les premières ASUREP en 2009, des quartiers entiers bénéficient ainsi des retombées économiques de l’exploitation raisonnée et transparente des ressources en eau souterraines, grâce à la gestion dynamique des ASUREP.

Un projet se termine, une nouvelle aventure commence !

Si le projet Liseke-Musimba est officiellement terminé, Il ne fait que commencer à se développer de manière autonome. Pour cela, il a encore besoin d’aide et d’accompagnement. La collaboration entre UniverSud-Liège et le CAUB ne s’arrêtera donc pas complètement. Il reste en effet beaucoup à faire pour que l’ASUREP Liseke-Musimba développe ses compétences et soit en mesure d’assurer la pérennité du service de l’eau. C’est ainsi que le CAUB poursuit son travail de formation des membres du comité de gestion, afin de leur enseigner la maîtrise des outils nécessaires pour assurer une gestion rigoureuse et transparente du réseau d’eau, tel que la comptabilité, le contrôle de la qualité de l’eau, la gestion des facturations, etc. De son côté, UniverSud-Liège continue à rechercher des solutions pour financer la construction d’un réservoir d’eau et reste attentive aux besoins du projet.

Apprendre de ses erreurs, capitaliser sur ses réussites et continuer à progresser…

Nous restons, tant au Nord qu’au Sud, persuadés que l’approche ASUREP mérite que l’on s’y intéresse et nous exprimons le souhait que l’on développe davantage de projets autour de ce concept. Certaines erreurs ne doivent pas être reproduites, bien entendu et, tirant les leçons de notre expérience, il apparaît indispensable dans ce type de projet de renforcer, dès le début, les capacités de gestion et de communication de l’association qui sera en charge du réseau. En outre, il est important d’être vigilant quant aux variations des taux de devises et des impacts de l’augmentation soudaine du prix des matériaux de construction, un phénomène courant en RDCongo. Cependant, ces difficultés ne doivent pas nous freiner dans notre volonté d’appuyer la population congolaise dans l’organisation de son développement et dans notre volonté de fournir à ce pays les moyens de ses ambitions en matière de couverture des besoins fondamentaux.

 

David Cammaerts

Consultant chez UniverSud pour le projet ASUREP Liseke

Bokashi, un projet qui a la main verte !

Depuis plus de 15 ans, la promotion des techniques agroécologiques constitue le cœur de l’activité d’ADG au Cambodge. Cependant, cette transition se heurte à divers obstacles, comme celui de l’accès des agriculteur-trice-s à des engrais naturels de qualité.

Tout d’abord, parce que la fabrication individuelle de ce type d’engrais requiert des intrants naturels parfois difficilement accessible au sein même des fermes. Ensuite, parce que sa fabrication demande un temps et une énergie considérable pour tout fermier-e-s désireux de commercialiser ses produits à plus grande échelle. De plus, ces fertilisants « faits maisons » sont parfois de faible qualité. Enfin, parce que les fertilisants naturels disponibles sur le marché sont couteux et parfois eux aussi de qualité médiocre.

Ces difficultés ont pour résultat de freiner la transition agroécologique, pourtant essentielle à une gestion durable et respectueuse des sols.

Afin de pallier à ces problèmes, ADG, en partenariat avec la FAEC (Federation of Farmer Associations Promoting Family Agricultural Enterprise in Cambodia), a pour objectif d’assister les fermier-e-s de la coopérative d’Oudom Sorya dans la production d’un fertilisant naturel de haute qualité, le « Bokashi », et de l’aider à le commercialiser auprès d’autres producteurs et marchés locaux.

Le Bokashi est un mélange de matières organiques et de microorganismes essentiels au maintien et à l’amélioration de la structure du sol, de sa ventilation, de sa capacité de rétention en eau et de sa capacité d’absorption des éléments nutritifs. Les microorganismes utilisés améliorent également la résistance des sols face à diverses maladies et pathogènes.

Issue de la province de Takéo, Oudom Sorya est une coopérative agricole créée en 2013 par un groupe d’agriculteurs engagés collectivement autour d’activités commerciales telles que la production d’engrais et de riz. Elle rassemble aujourd’hui plus de 80 membres, dont 34 sont des femmes.

Pour ADG et la FAEC, l’objectif premier est d’améliorer la fertilité des sols en soutenant Oudom Sorya dans la production de cet engrais, à partir du partage d’intrants naturels présents dans plusieurs fermes de la coopérative.

Le but est d’obtenir un engrais qui soit d’une qualité suffisamment élevée pour permettre une augmentation de la production agricole des fermes et une augmentation du revenu des ménages. Évidemment, l’enjeu consiste aussi à créer un Bokashi dont le prix reste suffisamment accessible.

Pour mener à bien ce projet, ADG et la FAEC s’attèlent autour de trois axes principaux :

  • Développer une formule d’engrais naturel qui soit adaptée aux besoins des petits producteurs.
  • Soutenir Oudom Sorya dans la production de cet engrais.
  • Concevoir ensemble une stratégie de vente et de marketing.

Ces actions visent en premier lieu les membres de la coopérative. À termes cependant, il s’agira aussi d’attirer d’autres producteurs désireux d’utiliser des engrais naturels, mais qui n’ont ni le temps ni les intrants nécessaires pour les produire.

Enfin, sur le long terme, l’expérience avec Oudom Sorya servira de modèle pour d’autres coopératives agricoles et organisations paysannes du réseau

 


Le travail de Aude et Oudom, étudiant-e-s en agronomie, d’Eclosio et de la FAEC.



L’une est belge, l’autre cambodgien. Pour leur travail de fin d’études, ils ont décidé d’intégrer le projet du Bokashi. Pour eux, l’enjeu de trouver une alternative à l’utilisation des engrais chimiques fut une réelle source de motivation. D’après l’expérience conduite l’année dernière, le Bokashi produit par le programme possède déjà un taux d’efficacité trois fois supérieur aux fertilisants naturels produits par les agriculteurs, encourageant par là la poursuite de cette étude. Cette année, les recherches de Aude et Oudom auront pour but d’améliorer la qualité et l’efficacité du Bokashi précédent, tout en maintenant un prix abordable pour les producteurs locaux.

Comme le rappelle bien Aude, l’élaboration du Bokashi est loin d’être le résultat seul des recherches des étudiant-e-s. Il s’agit avant tout d’un travail d’équipe, dont les acteurs, ayant des compétences et approches différentes, enrichissent le projet.

En effet, le Bokashi est l’aboutissement d’un travail de 3 ans qui rassemble à la fois l’expérience de terrain des fermier-e-s de la coopérative, les connaissances des ingénieurs agronomes d’ADG, le soutien logistique et financier de la FAEC et d’ADG, l’échange de techniques avec d’autres organisations et les recherches estudiantines.

La première partie de leur travail consista à trouver, sur base du travail de l’étudiante précédente et d’autres études scientifiques, la méthodologie adéquate pour leurs recherches.

Une fois la méthodologie validée, le binôme s’est lancé au mois de mars dans la réalisation de trois types de microorganismes différents, dont l’analyse en laboratoire permit d’en révéler les plus efficaces. Arrivés à maturité, les microorganismes sélectionnés furent intégrés au Bokashi.

C’est donc le 5 et 6 avril, dans une ambiance à la fois sérieuse, mais décontractée, et sous un soleil de plomb, que les agriculteurs et les étudiant-e-s ont produit 1,8 tonne de Bokashi.

Le duo est actuellement en train de tester cette production.

Tandis qu’Oudom, de son côté, analyse l’azote, le phosphore, le potassium, la quantité de microorganismes présents et le taux d’humidité des échantillons en laboratoire.Avec l’aide des fermier-e-s, Aude s’attèle à préparer le terrain pour cette expérimentation : fabrication d’une nouvelle serre et réparation d’une ancienne, prise quotidiennes des mesures de PH et de la température du Bokashi et préparation des semis pour les salades et les brocolis chinois, les légumes cobayes de l’expérience.

Les semaines à venir auront pour but d’étudier le rendement du Bokashi. Tous les 4 jours, Aude mesure la taille des salades et des brocolis chinois. Le poids final de ces légumes permettra enfin de déterminer l’efficacité du nouveau Bokashi.

Pour le moment, ce qu’on peut déjà vous dire, c’est qu’ils poussent à vue d’œil et qu’ils sont bien verts ! Si les résultats sont réellement positifs, le Bokashi pourra être commercialisé.

C’est également sur ce pan que l’équipe d’ADG au Cambodge est en train de travailler. Brochure, posters, page Facebook et campagne de sensibilisation sont en cours de création afin de faire connaître un maximum la coopérative et son Bokashi.

Valentine Collet

Vers la transition agroécologique, l’insertion socioéconomique de populations fragilisées et un engagement citoyen face aux enjeux sociétaux et climatiques